La confiance en soi

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Il y a, en ce monde et dans d'autres peut-être, une quantité incalculable de mystères et de phénomènes inexpliqués. Il y a, en mon propre monde et dans celui d'autres peut-être, un puits sans fond de questions sans réponses.

Aujourd'hui, plongée dans l'un de ces accès de déprime et de réflexion que j'ai coutume de traverser, assise seule devant un ordinateur qui n'est pas le mien, une question me taraude.

La confiance en soi... Qu'est-ce ?

Au cours de ma vie, j'ai toujours eu l'impression que c'était une denrée rare que j'acquerrerais plus tard. Nous sommes plus tard, pourtant je ne l'ai jamais effleurée une seule fois. L'attendre semble insoutenable, et, jour après jour, mois après mois, je guette l'arrivée de cette amie qui ne viendra peut-être jamais. Cette confiance est telle une échéance à laquelle on rajoute un jour de plus dès que l'aube se lève. Je l'attends, sans savoir si elle compte me rendre visite. Je n'ai pas le temps de patienter.

Je veux me lever le matin sans porter machinalement un regard dégoûté sur mon propre corps. Je veux chanter sans attendre d'être parfaitement seule pour libérer ma vraie voix. Je veux me dire que je suis forte et que j'y arriverai, je veux être fière de moi. Je ne suis moi-même que lorsque je suis seule.

Comment fait-on pour atteindre cet état de plénitude personnelle, de certitude ? Comment fait-on pour chanter fort dans la rue en se disant que ceux à qui ça ne plaît pas n'ont qu'à fermer leurs fenêtres ?

Je ne veux pas déranger, je ne m'impose jamais, je parle à la limite de l'audible lorsque je ne connais personne. Je suis transparente aux yeux des autres, mais également à mes propres yeux. Je ne compte pas. Je suis en dessous, je n'y arriverai jamais, et pourtant j'essaie.

Lorsque j'étais plus jeune, je crois me souvenir que je me fichais des autres. J'étais moi, c'était tout, et si ça ne plaisait pas, tant pis. Et puis l'adolescence est arrivée, comme un boulet de canon sur un fragile origami ; tout s'est effondré, on m'a dit que j'étais grosse, on m'a dit que j'étais moche, que je jouais mal de mon instrument, que je m'habillais mal. A cette époque, les vêtements que je portais m'avaient été donnés par des amies. Souvent, sans même s'en rendre compte on me rabaissait à un niveau qui me semblait convenir parfaitement à celle que j'étais. Pourtant, parfois on me disait que j'étais jolie. Je ne savais plus quoi penser de ce paradoxe ; hypocrisie ou différence de point de vue ?

J'ai commencé à me rabaisser automatiquement dans les activités dans lesquelles je me pensais lamentable. Un spectacle ? J'allais me ridiculiser. Un exposé? C'était perdu d'avance.

Je devais donner le meilleur de moi-même pour que personne ne me critique. J'ai voulu maigrir, mais je déprimais, alors je mangeais. J'ai fini droguée au chocolat, dont le pouvoir antidépresseur devrait d'ailleurs être reconnu par le corps médical. J'avais de très bonnes notes, et pourtant j'avais l'impression d'être parfaitement ignorante dans la plupart des matières. Je me pensais nulle en mathématiques alors que je n'avais jamais eu au-dessous de quatorze sur vingt. Plus personne ne me critiquait : je le faisais à leur place. La nuit, je me mettais à regretter toutes les paroles que j'avais prononcées la journée, certaine que je m'étais montrée méprisante ou égoïste.

Je suis toujours cette adolescente à l'heure actuelle. Et rien de tout cela n'a changé. Je vois mon frère cadet raconter avec fierté tout ce qu'il entreprend, à un tel point qu'on en oublie que je le fais aussi. C'est sûrement ce genre de confiance en soi que je n'aurai jamais. Je me souviens notamment d'une scène qui s'est déroulée l'été dernier. Mon frère et moi avions taillé la haie, à charge de travail égale. Le soir-même, il s'était tellement vanté d'avoir réussi que le jour suivant, dans l'esprit de tous, il avait taillé la haie tout seul. Et jamais je n'ai contesté. Je ne veux pas déranger, et passer inaperçue a fini par me convenir.

Il ne faut pas que les gens me voient. Je m'habille très peu coloré, je marche vite, le regard rivé au sol et les épaules basses. J'ai fini par me complaire dans cette timidité et cette absence de confiance en moi. Et parfois, lorsque l'on me demande de chanter, de jouer du piano ou de danser, et que je réponds " je n'arrive à le faire que lorsque je suis seule, désolée", on en rit. On en rit et je pars m'isoler en attendant que ça passe.

Je crois que je vais mal. Les rares fois où j'en ai parlé, on ne m'a jamais prise au sérieux.

Jusqu'à quand vais-je tenir sans cette fichue confiance ? Quand va-t-elle enfin se rendre compte qu'elle m'a oubliée ? En attendant, je continue d'écrire mes peines en les cachant dans des histoires. Et le pire, c'est que ça m'étonnerait que je le fasse bien.

Je ne peux donc pas répondre à la question que je m'étais posée aujourd'hui. J'espère pouvoir le faire un jour, mais ça m'a l'air mal parti.

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