Irrésistible souffrance 

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 Depuis la mort de la femme que j’aime, mon existence incomplète est devenue blasphème du passé qui ne cesse de me hanter.

 Mon regret.

 La jeune fille n’avait alors que dix-sept ans, cette comtesse que je croisais souvent dans les jardins fleuris du palais royal, nous étions les sujets de sa Majesté, nobles, jeunes et profondément seuls.

 Durant des jours, sans oser avancer vers l’autre, nous prenions plaisir à jouer au chat et à la souris. Eus-je envie de me diriger vers la fontaine au sud des jardins, pour y admirer les sculptures des sirènes de l’Odyssée qui semblaient se délecter de l’eau cristalline jaillissant près d’elles, que ma ravissante comtesse anonyme s’y trouvait, tout sourire, faisant mine d’une rencontre fortuite. Je me prêtais à ce stratagème en prenant des raccourcis, espérant arriver au-devant la belle près d’un croisement de rosiers, et pouvoir la saluer poliment avant de continuer mon chemin dans la direction opposée. C’était les moments les plus agréables de ma vie de sujet.

 Puis un jour, elle s’adressa à moi pour la première fois, sans soucis de l’étiquette, mais dans le seul but de s'entretenir avec moi. Cela me toucha plus qu’il n’y parut. C'était le début de notre relation, qui allait s’épanouir, tels les camélias, juges de nos balades et de nos premiers émois. Elle se nommait Lydia.

 Alors la vie nous a rapprochés, éconduits dans les sentiers tapissés des feuilles mortes qui faisaient honneur à l’automne, et dont les parfums délicieux nous avaient ravi le nez cet été. Le pays des merveilles s’offrait à notre fugace jeunesse. Avec elle, je me sentais vivant.

 C’est l’amour qui baisa ses lèvres chastes, lors d’une magnifique soirée estivale. Ses grands yeux noirs, intenses et ce silence entre nous qui laissait nos deux respirations se suspendre. Doucement nous nous embrassâmes timidement, soucieux de la réaction de l’autre. L’étreinte que nous partagions représentait pour nous une bénédiction. Nous n’étions plus seuls. Je l’aimais tendrement, d’un amour qui n’appartenait qu’à nos deux âmes.

 Je remerciais la vie de m’avoir fait rencontrer un être que je chérissais de tout mon cœur.

 Notre vie ensemble me paraissait idyllique, faite d’étreintes, de compréhension et de rosée du matin. La nuit aussi nous appartenait lors de nos séances enflammées, avec cette beauté dans mes bras qui ne cessait de m’ensorceler.

 Mais un jour, elle mourut. Jeune fille merveilleuse, qui avait cessé de m’étreindre.

 Enfin, je le croyais.

 Lydia me hantait. Son rire si joli me suivait où que j’aille, sans relâche, sans affect, sans raison ! Elle se plaisait à me faire souffrir de notre douloureuse séparation, mais il fallait continuer à vivre, avec elle.

 Quand je me regardais dans un miroir, le teint blême et les yeux vides, je souriais, lassé. Elle m’encerclait les épaules, comme une parure étrangement élégante, sa silhouette d’ombres, où seul un sourire figé apparaissait, pour ensuite émettre ce rire atroce. Ses cheveux tout aussi sombres flottaient, ce spectre de femme qui s’agrippait à moi toujours, ne laissant en aucun cas ma souffrance s’échapper.

 J’apposais ma main à sa joue, la caressant délicatement. Cette douleur personnifiée qui me soumettait à ses désirs. Ma dépendance.

 Je ne t’oublierai pas, Lydia.

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