Le Chat Noir

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 Le Chat Noir.

 Il paraît que je n'ai pas beaucoup de chance. Pire, que j'aurais même une fâcheuse tendance à catalyser tout ce qui peut arriver de funeste autour de moi. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est mes amis ; mais j'en atteste, tout devient plus compliqué lorsque je suis dans les parages. Je suis ce type qui parcourt la vie avec son petit nuage noir au dessus de le tête qui le suit et lui pleut dessus sans arrêt. Ce qui me valu de charmants sobriquets tels que le Chat Noir, ou l'Oiseau de Mauvais Augure.  

 Jusqu'à présent, j'ai vécu dans 4 endroits très différents, dans lesquels j'ai chaque fois intégré des groupes d'amis différents qui ne se connaissaient pas entre eux. Il n'aura fallu que de quelques mois pour que chacun de ces groupes finisse par me surnommer ainsi, ce qui semblerait être une bonne preuve que ces vents contraires qui soufflent sur le cours de ma vie ne sont pas qu'une vue de mon esprit. 28 années de coups du sorts répétés, attestés par mes proches, ont fini par me faire considérer cet état de fait comme faisant foncièrement partie de mon identité. Que je le veuille ou non, mes coups du sort ont mené ma vie, parfois de manière très radicale, et j'ai bien souvent été le passager de mon destin.


 Mais j'aimerais maintenant parler de ce que j'appellerais, peut-être un peu outrancièrement, le « black-cat-shaming ».

 Petit exemple : la dernière fois que j'ai vidé mon compte en banque pour me prendre des vacances low-cost au Mexique, que je suis resté bloqué à l'aéroport pendant 35 heures parce que le pilote avait la trouille de voler par temps frais, qu'une fois arrivé là-bas, mon premier contact humain fût avec un sympathique local en short voulant me taper parce qu'il ne supportais pas qu'un blanc fume une cigarette dans SA rue, que je reste coincé à l'extérieur de mon hôtel parce que la clef qu'on m'avait donné était tordue, que les flics (que le fils de pute sus-nommé avait appelés après que je l'ai envoyé chier) me tombent dessus alors que j'étais en train d'essayer de m'introduire dans mon hôtel, qu'ils m'emmènent au commissariat parce que j'avais commis l'imprudence de sortir fumer une clope sans mes papiers, que je les convainque d'appeler le réceptionniste de l'hôtel pour leur faire comprendre que je ne suis qu'un pauvre touriste venu reluquer des pyramides mayas, et pas un espion de la CIA venu fomenter un coup d'état, qu'ils me laissent me démerder pour rentrer à pied, que le lendemain mon agence de location de voiture essaye de m'arnaquer, que je passe par conséquent les trois quart de ma semaine à prier pour qu'un bus passe, assis sur les trottoirs de villages perdus dans la brousse, que j'ai une expérience de mort imminente après avoir bu un verre d'eau, que je me retrouve de nouveau bloqué à l'aéroport parce que j'ai perdu mon visa et qu'on refuse de me laisser rentrer chez moi ; quand, après tout ça, je raconte mes aventures à mes collègues de travail, et que je m'entends dire que j'ai quand même « bien cherché la merde », je me vexe, et j'appelle ça du black-cat-shaming.

 Quand je me fais voler mon van, que j'avais retapé et aménagé, qui était mon seul moyen de me rendre à mon travail, et que je m'entends dire que c'est pas trop grave parce que je suis un homme blanc hétérosexuel, et que par conséquent je reste quoi qu'il arrive un « privilégié », et puis que je devrais même me réjouir parce que, grâce à moi, un pauvre sans abri peut désormais dormir dans MON putain de plumard, j'appelle ça du black-cat-shaming (où juste une grosse connerie) !

 Ce qu'on attribue à la malchance, est quelque fois vue par certains comme une façon indécente de s'apitoyer sur son sort, qui n'est par ailleurs pas si dur que ça. C'est sûr qu'un clochard nord américain peut s'estimer plutôt chanceux par rapport à un enfant unijambiste et séropositif qui crève de faim dans un faubourg de Calcutta, mais quand même...

 Ceci dit, et comme en atteste la longueur de ma réponse, la malchance donne de quoi écrire.

 « T'es un sacré chat noir J., et j'ai parfois peur de ce qui va m'arriver quand je traîne avec toi, mais ta vie est un putain de roman. », m'avait un jour lancé une vieille amie. Ces mots résonnent encore dans ma tête, et trouvent leur écho dans les mots que j'écris. Elle avait raison. On ne fait pas un bon roman avec des gens heureux. L'écriture est seule capable d'embellir la fange dans laquelle je nage depuis toujours. Depuis que j'ai compris ça, j'écris beaucoup plus, et beaucoup mieux, et je souris lorsque la chance me montre son cul. Je la remercie même de me donner la malchance de vivre des journées à la 24 Heures Chrono, parce que c'est bon de se prendre pour Jack Bauer quand on perd son portefeuille et qu'on a que quelques heures pour le retrouver.


 Pour être tout à fait honnête, je n'ai jamais vraiment nourri l'ambition d'être écrivain. Je me considère trop mauvais pour ça. C'est un peu par la force des choses que je suis venu à l'écriture, et un peu par hasard que je suis arrivé sur ce site. Ecrire, c'était pas mon idée. C'est ceux à qui je racontais mes histoires où à qui j'envoyais de mes nouvelles par mails où par lettres qui ont eu l'idée.

 J'avais fait des études de cinéma après le lycée. L'écriture de scenario était un exercice périlleux, et nous étions sans cesse confrontés à l'angoisse de la page blanche. Un matin, je fis irruption en classe avec une heure et demie de retard, pour des raisons qui une fois de plus relèvent selon moi d'un certain acharnement de l'infortune. Le prof ne releva pas ; il me connaissait assez. Il ne restait que 30 minutes de cours, et j'eus vite l'occasion de raconter mes déboires à mon pote Thomas, chez qui j'étais la veille, et qui ne se doutait pas de ce qui avait pu m'arriver après avoir quitté son appart'. Je lui racontais donc que je m'étais retrouvé au milieu d'une bataille rangée entre prostituées, alors que je raccompagnais chez elles deux fugueuses.

 En voyage scolaire à Paris, et passablement éméchées par l'ivresse de la liberté adolescente, les deux jeunes belges avaient fait le mur de leur auberge de jeunesse et s'étaient perdues. Elles erraient ainsi, apeurées, au milieu de la nuit de Belleville, quand je leur tombais dessus en descendant de l'immeuble. Je devais être le seul visage pas trop inquiètant à des des kilomètres à la ronde dans ce quartier à cette heure de la nuit, et ce doit être pour ça qu'elles me sautèrent dessus pour me demander de l'aide. Je m'offrais de les raccompagner à bon port, les gratifiant au passage d'une visite guidée du vieux Paris. Mais ma petite promenade culturelle tourna court. Après avoir essuyé à plusieurs reprises les gracieuses apostrophes de zonards postés en embuscade devant leur kebabs attitrés, je fus interrompu dans mon discours sur l'histoire du quartier par une clameur grandissante. Emporté par la passion de mon propos, et par les jolis yeux bleus des petites belges, je ne portais pas attention à ce qui se passait autour de nous. Sur le trottoir de gauche, une vingtaines de putes africaines criait des insanités à la vingtaine de putes asiats qui leur renvoyait leurs politesses depuis le trottoir de droite. C'est au moment où nous passions au milieu que l'une d'entre elle mit le feu aux poudres en balançant un détritus de l'autre côté de la rue.

Ouvrez le feu mesdames !

 Nous restâmes figés de stupeur ; nous ne pensions même pas à nous mettre à l'abri tant la situation était ubuesque. Les ordures volaient au dessus de nos têtes. Je fût touché par une boite de Big Mac perdue, mais la blessure n'était pas mortelle. Nous réalisions à peine ce qui était en train de se passer que déjà les combattantes se retrouvaient au milieu de la rue. Les talons aiguille sont des poignards, les sacs à main des masses d'armes. Elles s'écharpent par dizaines dans une clameur formidable de hurlements et d'insultes. On ne se rend vraiment compte de la violence d'une bagarre que lorsque qu'on y assiste. Les détonations des poings sur les crânes, le bruit des vêtements qui se déchirent, les chocs sourds des corps qui s'abattent au sol ; on sent comme le pavé trembler des roulés-boulés des filles les unes sur les autres. Le spectacle est d'une violence inouïe, et voir des femmes se livrer à un tel déchainement rend la chose plus choquante encore. Les petites belges, pétrifiées, promènent autour d'elle un regard éberlué, la sidération s'échappant de leurs bouches entrouvertes. Je les prends par les épaules et les pousse en avant. J'essaie de me faire aussi gros que possible dans leur dos pour les protéger d'un coup envoyé par erreur, et nous nous frayons un chemin hors de la mêlée. Alors que nous tournons le coin d'une rue, je jette un dernier regard en direction du champ de bataille : j'ai juste le temps d’apercevoir plusieurs hommes arriver – leurs macs je suppose ; ça va être une boucherie. Nous nous arrêtons pour reprendre notre souffle dans le calme de la petite ruelle. On se regarde, hébétés, alors que les cris continuent de nous parvenir par dessus les toits. Elles me regardent avec de grands yeux incompréhensifs ; je force un sourire maladroit : « Paris by night, les filles ! » Je tente l'humour pour les rassurer, mais même des belges, pourtant expertes en la matière, ont du mal à saisir le sarcasme. Je tente de les rassurer comme je peux, et nous reprenons notre route vers l'auberge de jeunesse, en essayant de reprendre notre conversation où on l'avait laissé. Je les laisse devant la porte. On se dit adieu.

 Je ne sais pas ce qu'elles sont devenues : probablement qu'elles se seront pris un sacré savon de la part de leurs profs. Elles ne referont sûrement pas le mur de si-tôt, mais ce ne sera pas grâce au savon qu'on leur aura asséné, ce sera à cause de la peur. Probablement aussi qu'elles y réfléchiront à deux fois avant de refoutre les pieds à Paris. Quelle tristesse ! Elles ont dû raconter de bien jolie choses sur la France en rentrant chez elles. Quelle honte !

 Je ne les reverrais plus jamais, et ces instants auront été les seuls qu'on aura passés ensemble. Je ne me souviens plus de leur noms, mais je me souviendrais toujours que j'ai vécu cette nuit étrange avec elles.


 Mon pote Thomas s'enfonce dans sa chaise et me regarde en surjouant une moue d'admiration. Il se met à applaudir outrancièrement, comme Léo dans le Loup de Wall Street. « Mec. Plus besoin de me casser le cul à chercher l'inspi. Prochaine fois que j'angoisse devant la page blanche, je viens te voir et je te demande de me raconter ta journée. Franchement frère, à moins qu'il y ait un label dessus, est-ce que ça te fais chier si je me sers de tes histoires dans mes scénars ? »

 J'étais un peu gêné. Pour moi, ce qui était arrivé n'avait rien d'exceptionnel. C'était les déboires de la vie normale, et voilà qu'on venait me demander si on pouvait faire un film avec ça. J'aurais même pas osé en rêver. Même si je savais, bien au fond de moi, que je ne verrais jamais ce film, et que ce n'était que des mots, j'en étais malgré tout infiniment flatté. Ma vie, mes misères du quotidien, qui n'étaient pour moi que contrariétés, se voyaient enfin sublimées. On jugeait que ça passerait bien à l'écran. Quel plus bel accomplissement, pour un enfant du XXeme siècle en mal de reconnaissance, que de se voir à l'affiche d'un film ?

 Ce jour-là, Saint Thomas m'adoubait au sein de la confrérie des Malheureux Magnifiques, ceux que la Sainte Vie sacrifie sur l'autel du grand spectacle du monde. Je perdrais tout, je prendrais des coups, je me retrouverais a terre, les cieux me tomberaient sur la tête, mais au moins les spectateurs de tout cela auront bien ri, auront bien pleuré, auront bien frissonné, et c'est ça qui dessinera un sourire sur ma figure de triste sire.


 La Formule 1, discipline que je voues aux plus hautes gémonies (je préfère parler de discipline que de sport, un peu trop réducteur pour un art tel que le pilotage à mon sens), regorge de ce genre d'individus, de malheureux magnifiques, de malchanceux flamboyants. J'ai rarement vu un sport rendre les perdants aussi beaux. Je me suis toujours senti une fraternité avec les outsiders. On est de la même espèce.

 L'un des plus beaux specimen de Malchanceux Magnifique de la F1 réside en la personne d'un certain Jenson Button, qui catalysa une bonne partie des ondes négatives qui planaient au dessus du plateau pendant près de 15 ans. Il aurait pu avoir une carrière brillante ; son talent incroyable aurait pu l'emmener au sommet, parmi les plus grands, s'il n'avait pas dû lutter contre les vents contraires de la fortune. La plupart de ses courses se finirent à pied. Les manœuvres sublimes dont il faisait parfois preuve ne compenseront pas, dans la mémoire collective, les piètres résultats à son palmarès, et en dehors des connaisseurs, son nom est déjà oublié, s'il a jamais été connu.

 Cependant, ce petit pilote anonyme peut se targuer d'avoir remporté une des victoires les plus flamboyantes de l'histoire, et d'avoir gagné la course la plus incroyable de tous les temps. La plus belle de toutes. Un Grand Prix dantesque, déroulé sous des conditions épouvantables. Au terme de la course la plus longue de l'histoire, où il se sera tout passé, au bout de 4 heures d'un marathon couru sous la pluie battante. A 2 tours de la fin, après avoir été percuté à plusieurs reprises et avoir été renvoyé dans les limbes du classement, la flèche d'argent de Jenson Button, revenant de nulle part, surgit d'un nuage de fumée, et déboule à toute vitesse dans le sillage de Sebastian Vettel, le jeune et arrogant leader de la course, qui se croyait déjà vainqueur. Pris de panique par la vélocité incroyable de Button, magicien sous la pluie, le jeune allemand part en tête à queue dans le dernier tour de la course et voit filer sous ses yeux la Mclaren de l'anglais, qui passe le drapeaux à damier sous les hourras de son équipe en liesse.

 Par un retournement assez logique de la logique même, les futiles et rares victoires des poissards sont, par contraste, infiniment plus belles que les innombrables victoires de ceux que le destin favorise toujours. Il y a quelque chose de beau à la vanité, et d'honorable dans l'espoir désespéré. Don Quichotte en est l'exemple : quel chevalier plus magnifique que ce vieux monsieur qui se bat contre des moulins à vents, et qui continue d'y croire ? Je préfère de loin être un désespérant Don Quichotte qu'un ennuyeux Lancelot.

 Mais d'où cela vient-il ? Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Et pourquoi pas cet autre à qui tout réussit ? Est-ce que la chance est vérifiable scientifiquement ? J'ai tendance à penser que, comme beaucoup de choses, le « hasard » n'est qu'un terme qu'on appose sur des phénomènes tangibles que la science, qu'on a la prétention de croire toute puissante, ne sait pas encore expliquer, de la même manière que les anciens attribuaient aux dieux certains phénomènes naturels, non pas parce qu'ils étaient plus bêtes que nous, mais parce qu'ils n'avaient pas les outils nécessaires pour expliquer ça autrement.


 Ceci dit, j'ai peut-être un commencement d'explication. Avant de connaître ma mère, mon père fût marié à une autre femme, qui s'était rapidement avérée être folle à lier. Après qu'elle eut tenté de l'assassiner par deux fois, mon père demanda le divorce. Un beau matin, alors qu'il conduisait, il eu la surprise de voir les roues avancer toutes seules, à côté de la voiture. Sa charmante femme avait dévissé les écrous pendant la nuit. Ils se quittèrent donc, et quelques temps plus tard, mon père rencontrait ma mère lors d'une très romantique course de tracteurs. Au cours des années qui suivirent, un certain nombre de phénomènes étranges émaillèrent leur quotidien à la maison. Ils s'aperçurent un matin, en ouvrant l'armoire, que leurs pantalons avaient tous été retroussés : ils étaient littéralement à l'envers, c'est à dire l'intérieur à l'extérieur. Le phénomène se reproduisit à plusieurs reprises. Une autre fois, il remarquèrent que le service à thé qui reposait sur une table basse du salon avait été dérangé : une tasse sur deux avait été retournée.

 Le temps passa, et les phénomènes continuèrent, laissant mes parents dans une perplexité inquiète. Un jour, mon père décida de changer la moquette. Elle était composée de grands carreaux assemblés les uns aux autres, un peu comme du carrelage, qu'on pouvait enlever individuellement, si l'on voulait nettoyer une tâche par exemple. Il décolla un carreau de moquette, et remarqua que de petits bâtons croisés entre eux avaient été posés là. Les signes avaient été disposés un peu partout sous la moquette de l'appartement, formant une sorte de figure géométrique. Il s'empressa de sortir dans le jardin pour mettre le feu aux morceaux de bois. Plus rien de bizarre ne survint plus dans cette maison.

 Mon père n'eut aucun doute sur qui était responsable de tout ça. Son ex-femme était malgache, et avait un goût très prononcé pour tout ce qui concernait les cultes vaudous, le chamanisme et la sorcellerie. C'était un truc de famille. Lorsqu'ils s'étaient séparés, elle l'avait maudit, lui et toute sa/ma famille. Mais ce n'était pas que des mots, elle avait véritablement jeté un sort sur cette maison. Et c'est dans cette maison que je suis venu au monde.

 On pourra rire d'une telle explication, et moi-même je ne sais pas vraiment ce qu'elle vaut. Cela dit, je ne suis pas sûr que des peuples aient pratiqué pendant des siècles, voire des millénaires, des rites, vaudous où autres, si ça ne marchait pas un tout petit peu.


 Ou bien est-ce simplement la faute du taré de geek qui programme l'univers et qui nous retiens tous prisonniers dans son délire de réalité virtuelle ? Peut-être m'a-t-il créé un jour d'ennui profond qui satisfaisait mal son humeur taquine, juste pour jouer un peu et se divertir à mes dépens. C'est comme dans les Sim's : au début on fait les choses bien, on crée des personnages que l'on veut les plus parfaits possibles, et puis un jour qu'on se fait chier et qu'on a pas envie de se donner du mal, qu'on veut juste déconner un peu, on crée un personnage grotesque et on lui fait faire des conneries, juste pour voir ce qui se passe ; on prend goût à la chose et au fond on s'attache à ce personnage, alors on essaie de ne pas être trop cruel avec lui, mais ça ne change pas grand chose à l'affaire, il restera un laissé pour compte venu au monde sur un malentendu.


 Tous mes coups du sorts m'ont fait devenir quelque peu superstitieux. Non pas que je crois vraiment à ces choses là, mais qui sait, même s'il n'y a qu'un seul pourcent de chances que ça existe, je préfère ne pas prendre le risque. Et puis je ne voudrais pas aggraver mon cas, qui est déjà assez grave comme ça. Je ne passe pas sous les échelles, ni sous les échafaudages : j'ai déjà bien assez d'occasions de prendre des trucs sur la tête sans en rajouter. D'ailleurs, ça me fait penser, je vous ai pas raconté la fois où un type m'a pissé sur la tête du haut de son balcon alors que je rentrais tranquillement chez moi ?! Non ? Paris, une agglomération de 12 millions d'habitants, et c'est sur ma tête que ce connard se soulage ?! Les statistiques étaient plutôt en ma faveur, et pourtant... Enfin, passons. J'ai donc bien assez d'accointances avec la Malchance pour me dispenser de la provoquer gratuitement. La crainte superstitieuse et les détours qu'elle ma conduit à prendre m'ont ainsi mené très loin, dans une vie que je n'aurais jamais soupçonné qu'elle serait la mienne. C'est en croisant un chat noir que j'ai pris la décision la plus importante de toute ma vie, par une nuit d'hiver qui changerait tout, une décision qui serait sans retour, un coup de poker gagnant ou fatal. J'ai vu la solution a mon dilemme dans le regard jaune de ce chat noir qui traversa la rue embrumée devant moi, et qui me fit retourner d'où je venais, abandonnant mon projet, pour le meilleur et pour le pire. Mais ça, c'est une autre histoire. Peut-être la raconterais-je un jour, dans un livre dont à cette heure je ne connais que le titre : Le Chat Noir.

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