La vie c'est...

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La vie c'est...

Je n'ai jamais aimé ce genre de phrase. Pourtant, tout le monde l'a déjà entendu, et chacun la fini à sa sauce. Pour certain, la vie c'est une chance, qui n'a pas été donné à d'autre et qu'il faut donc savourer, comme quelque chose que l'on ne peut prêter. Pour eux, il faut s'estimer heureux d'être en vie. C'est un point de vue intéressant.

Pour d'autre, la vie est une catin, alors il faut lui faire ce que l'on fait aux catins. C'est une sorte de revanche, une vengeance. La perspective de se sentir meilleur à la fin et de diminuer la vie, la rendre plus accessible et exercer un contrôle sur elle, lui rendre la pareille.

La vie c'est aussi un jeu, apparemment. Il faut la vivre au jour le jour, sans se prendre la tête et sans penser au lendemain. Apprécier les bonnes choses et affronter les mauvaises. C'est parfois un jeu injuste, qui change de règles pour nous punir; il ne faut pas oublier que la roulette Russe aussi est un jeu, après tout.

Pour moi, la vie c'est une épreuve. Une étape difficile, un test qu'il faut essayer de relever. J'ai parfois voulu abréger ce test, le racourcir par des pratiques plus ou moins douteuse. J'ai aussi voulu l'arrêter complètement, le jugeant trop dur, trop complexe. C'est parce que la vie est un jeu coopératif que je suis toujours là, aujourd'hui. C'est grâce au renfort offert par ma famille et ma compagne que j'affronte encore ce test.

Cet été, alors qu'un cousin et une cousine habitants sur Bordeaux venaient de partir de chez moi, ma mère profite que je sorte de ma chambre pour me dire, "tu as remarqué, pas vrai ?".

J'acquiesce timidement. Je sais de quoi elle parle. Depuis près d'un an, mon arrière grand-mère paternelle essaie de se remettre d'un AVC. Elle combat de toute ses forces jour après jour, mais derrièrement, sa santé se dégrade de plus en plus, ses poumons ne tiennent plus.

Lorsqu'elle me dis cela, me demandant si j'ai remarqué que, en ce moment, toute ma famille passe par ici, je comprend ce qu'elle insinue.

" Tu sais mamie est fatigué, c'est bientôt la fin. Ton père ne voulait pas que je te le dise mais, tout le monde vient lui dire au revoir depuis une semaine. Tu es grand alors je veux que tu décides si tu veux le faire aussi, ou garder l'image que tu as d'elle. C'est ce que je vais faire moi, et ta soeur aussi", m'a t-elle dit.

J'ai fondu en larmes, bien sûr. Je savais qu'elle devait partir, un jour où l'autre, mais si soudainement... Je ne savais pas que c'était aussi grave. La perspective de ne plus jamais la voir m'effrayait, l'angoisse m'a paralysé devant ma mère qui tentait de me réconforter. Puis ce fut au tour de mon père, qui avait réalisé que, je savais. Il a lui aussi tenté de me remonter le moral. Lorsqu'il est triste, sa voix change et passe d'un ton grave et sérieux à une voix brisée dans les aigüs, je reconnais facilement quand il ne va pas bien. C'était le cas.

Ma compagne aussi voulait me remonter le moral, me réchauffer dans mes heures froides et sombres étaient quelque chose qu'elle arrivait toujours à faire. Nous sommes allé au parc pour enfant, à deux pas de la maison. Il y avait un petit champ sur le côté, c'est ici que nous nous sommes assis et que je lui ai livré mes sentiments les plus profonds.

" C'est une femme incroyable, qui a le coeur sur la main. Je n'aurais même pas la chance de te la présenter ", lui ai-je dis. " J'avais rêvé qu'elle serait arrière arrière grand-mère, lorsque nous aurions eut des enfants. Rien ne lui aurait fait plus plaisir que de me voir devenir père ". J'étais inconsolable, au loin, le soleil se couchait déjà, et une petite lune rousse apparaissait dans le ciel crépusculaire.

Deux jours plus tard, un lundi, ma tante (qui a mon âge) est arrivé de Lyon, laissant de côté son travail pour m'accompagner à l'hopital. Nous sommes allé la voir tout les deux, en jeunes adultes que nous sommes. Mon père m'avait dit qu'elle ne voulait pas que nous soyons triste, car c'est comme ça que cela devait être. Dans la salle, elle était allongée sur un lit, enveloppée d'une chemise bleue très fine, respirant grâce à deux tubes en plastique.

Elle nous a sourit, je ne sais pas encore si elle était triste de nous voir ou si elle était heureuse que nous soyons venu. Plusieurs fois, lorsqu'elle se remettait de son AVC, elle avait dit ne pas vouloir voir les plus jeunes, pour ne pas qu'ils la voit dans cet état. Mais j'ai grandi mamy, je ne suis plus -malheureusement- le petit garçon que tu as vue courir dans le jardin, avec sa soeur et ses autres cousins, lors des fêtes de famille. Celui à qui tu as enseigné un code moral simple : Vis comme tu l'entends, ne te laisse pas faire, crois en tes rêves, garde toi du mal et respecte les gens que tu aimes. J'ai ajouté à ce code des valeurs qui me sont propres, mais je l'ai toujours appliqué.

Ma tante ne put s'empêcher de pleurer en la voyant, mais moi, je me suis contenté de lui sourire en retour. Mon père et mon grand-père nous on rejoint. Ils pleuraient également mais j'ai tenu bon, je ne voulait pas lui montrer que j'étais au bord de l'effondrement, je voulais qu'elle soit fière de moi, car je savais qu'elle ne voulait pas nous voir triste.

Mon grand-père lui a dit qu'ils respecterait ce qu'elle avait dit, pour l'enterrement; ils feraient selon ses choix. Un enterrement civil, à la mairie. Elle n'est pas croyante, c'est de la bétise pour elle, et elle déteste la bétise humaine, persuadé que les hommes et les femmes vallent mieux que cela.

Je n'ai pas entendu ce que ma tante lui a murmuré à l'oreille avant de quitter la pièce, pour ma part, la dernière et unique chose que je lui ai dite à été : "Je t'aime mamy". Elle m'a répondu qu'elle aussi m'aimait, de sa voix faible et chevrottante.

C'est la dernière fois que j'ai vu mon arrière grand-mère. Elle est décédé deux jours plus tard. Je n'ai jamais autant pleuré que ce jour-là, j'en ai été malade. Encore aujourd'hui, je ne sais pas si j'ai pleuré pour elle, qui n'était plus là, ou si j'ai pleuré pour ceux qui restaient, les vivants, qui devaient encore accomplir le test.

Un de mes cousins, parmi les plus jeunes, m'a dit un peu plus tard : " il faut bien qu'il y ai des morts pour que les plus petits ils prennent leur place ". Oui, c'est vrai, une pensée très pragmatique je dois dire, surtout pour quelqu'un qui n'a même pas soufflé ses dix ans, j'étais impressionné.

Je lui ai dit, " tu as raison, mais ça n'empêche pas d'être triste quand ils partent. La famille a perdu un pillier fondateur, c'était notre ainée, notre sagesse ". Les plus petits on pleuré aussi, et c'est à nous, les jeunes d'une vingtaine d'année, qu'est revenu la tâche de les réconforter.

La vie n'a pas grande valeur à mes yeux si je suis seul. Mais avec ma famille, avec ma compagne, je me sentirait toujours immortel. Le jour viendra ou à mon tour je devrais les quitter. Quand ce sera l'heure, j'espère être en paix, comme mon arrière grand-mère l'a été.

La vie, c'est ce qu'il y a avant la mort. Ce sera toujours la seule certitude que j'aurais à propos de ça.

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