Chapitre 7

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 Cependant que Rodolphe en écrase sur le sofa, donc, une fumée âcre s’échappe d’une poêle qui a le malheureux hasard d’avoir comme dessous-de-plat une plaque de cuisson thermostat maximal. C’est de cette poêle que provient le parfum printanier susmentionné. À l’intérieur de celle-ci, tout est calciné qui pourtant se calcine encore ; si bien qu’il est impossible de déchiffrer l’origine de ce qui fut un jour comestible et qui désormais se consume. Pour ma défense je suis pas Champollion, puis de toute manière les hiéroglyphes cuisent très mal. J’avise les alentours. Une bouteille de vodka entamée, posée au bord de la gazinière, me laisse tout de même à penser que Rodolphe a tenté de réaliser son gloubi-boulgakov, lequel se compose de confiture de fraises, de cornichons malossol, de chou rouge (le seul autorisé par le Parti), de chocolat râpé, de moutarde, de caviar, de saucisse de Toulouse tiède mais crue, de hareng en fourrure, de sirop de menthe, de viande bouillie, de chapka en fines lamelles et de curcuma ; qu’on mélange et qu’on fait revenir - bien qu’ils ne soient jamais partis – pour ensuite flamber l’intégrale à l’alcool russe. Pour ce que j’en pense, au vu de la maigre quantité de tord-boyaux restante dans la boutanche, le goulot d’icelle s’est un peu trop confondu avec celui de mon frangin qui s’est ainsi assoupi pendant que son cocktail brûlait.

 J’ai omis de vous prévenir : entre autres qualités, nous partageons avec Rodolphe celle d’avoir en commun les mêmes vioques. Ce qui, selon les règles strictes de la généalogie, nous constitue frère et frère. On se ressemble d’ailleurs à tel point que si je ne me savais pas moi, je serais persuadé d’être lui. Seule sa moustache nous fait nous distinguer et nous évite ces odieuses séances de « qui est qui » lorsqu’on se pointe ensemble quelque part.

 En vitesse, j’éteins dans le feu de l’action celui que mon fraternel a failli lancer par mégarde. Comme au terme de cet exploit il reste encore de l’eau dans la carafe, je la déverse sur celle du fautif qui se réveille en sursaut :

-  M’enfin Anasthase ! jure-t-il en s’essuyant et en reprenant ses esprits. Pas sur mon tweed, il va boulocher après. Et puis un homme en pleine méridienne, ça se respecte. Viens pas jouer l’étonné derrière si je suis un tantinet moins appliqué dans ce que je fais.

-  Renifle un peu, eh patate. Ça a tout pile l’odeur de ta connerie ! je le sermonne. Quant à ton tweed, il est tellement imbibé d’éthanol qu’un voyage sur le sol d’un bar à quatre plombes du matin le rendrait instantanément plus propre. Alors commence pas à me taquiner le prose avec tes six magrets, me permets-je de calembourer bien qu’à l’oral il est plus difficile pour quiconque de saisir la subtilité du trait.

 Le voilà parfaitement alerte, du moins dans la limite de ses capacités du moment. Il fronce les narines puis les sourcils en s’apercevant de la fragrance crématorium qui règne dans l’appartement. D’un coup il se frappe la paluche sur le front :

-  Bigre, désuette-t-il. Mon plat !

-  Laisse courir, t’as déjà causé suffisamment de dégâts.

-  Mais, mon… ?

-  Plus noir qu’un groupe de gospel en deuil devant une peinture de Soulages, je lui réponds. Tout a cramé mais c’est pas de ça que je veux t’entretenir.

-  De quoi s’agit-il exactement alors ? bavoche le justéveillé.

-  Faustine m’a mis sur un coup et on sera pas trop de trois pour jouer au bandit-manchot sans trop de grabuge. Tu marches ?

-  Raconte avant, qu’il m’ordonne.

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