Chapitre 1

2 minutes de lecture

 À peine ai-je entrouvert la lourde du bar que le bruit m’assaille. Tout le populo parisien s’est donné rendez-vous pour venir lichetronner avant de s’évaporer dans la nuit, de se dissoudre dans les taxis qui font la manche à l’entrée. Ceux-ci bichent minuit avec l’impatience d’offrir leur carrosse aux Cendrillons grises et à leur Jules pressés de leur faire un brin de causette baveuse sur la banquette arrière.

 À l’intérieur les braves alcoolos piaillent, la mousse aux lèvres, et leur barouf m’empêche d’entendre Faustine qui m’appelle depuis le coin gauche du bar. Ce n’est qu’au moment d’aligner mes lampions dans sa direction après les avoir tournés dans l’autre – à droite pour ceux qu’ont suivi – que je l’aperçois, la main levée haute, qui hurle « Anasse ! Anasse ! » pour que je la rejoigne ; ce qui a pour conséquence de faire trembler les bulles de son verre et de colère ses riverains. Je radine entre les tables vers son azimut, louvoyant parmi les dos courbés, frôlant des limonades surmontées d’un serveur et coupant façon Moïse la file des chiottes en deux. La chaise vide qui se payait jusque-là un tête-à-dossier avec Faustine se voit d’un coup surmontée des parties les plus augustes de mon corps, ce qui, en absence de consentement oral, aurait pu me valoir une assignation devant le parquet si celui-ci n’était présentement pas coincé sous la chaise. Ma récemment promue voisine d’en face regarde sa montre :

-  Une demi-plombe de retard ! elle introduit. T’as mis le temps, tu foutais quoi ? Pourquoi t’es en nage ?

-  Raccroche, je lui intime en m’épongeant le front. J’ai fait du mieux que j’ai pu, il y avait des contrôleurs à la sortie du métro. Comme je les embobinais sur mon blaze et qu’ils me savaient à sec, ils m’ont foutu au coin pendant vingt minutes. Un de leurs gorilles est même venu juste pour moi, me surveiller des fois que j’aille pas voir ailleurs si j’y suis pas… Qu’ils aillent au diable ! Je vais pas me saigner pour leur saloperie mécanique qui pue tellement la pisse que je suis certain qu’ils s’en servent de carburant.

-  Noté. N’empêche que t’es pas aromatisé Chanel 5 non plus vieux. Tu prends quelque chose ? qu’elle me demande en me montrant son verre vide.

-  Je te dirais volontiers « volontiers ». Simplement j’ai vraiment plus…

-  Compris ! elle me coupe. Attends-moi là.

 Las ! La voilà qui se lève et déguerpit vers le comptoir, ses hanches jouant un match de tennis dont tous les ivrognes se voudraient arbitres. Au reste je vous l’ai pas décrite dans son entièreté Faustine. C’est une brune que Victor Hugo aurait qualifiée de mutine, adjectif auquel par modestie envers l’Immense je me permets de souscrire pleinement. Elle a un nez si en trompette que Louis Armstrong aurait pu en tirer une symphonie, et un menton avancé à la Charlotte Gainsbourg. Le reste est si gentiment agencé que si la Vénus est demi-lot elle est le lot complet. Puis à sa démarche, ça se sent recta qu’elle a traîné ses grolles dans les venelles les plus pisseuses de Paname. Pour ainsi dire, la spontanéité et le parfum d’aventure qui refluent de mon amie effacent l’infime rudesse de son visage.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Smaguy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0