Le message secret

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Assise devant sa coiffeuse, en tunique de laine blanche, Sapienta se réveille doucement dans la clarté du petit jour. Par la fenêtre, depuis le premier étage de la maison, elle admire les toits des villas de Pompéi, sans cesse restaurés, réparés. La ville revêt un charme fou que beaucoup d'autres habitants leur envient. Pline l'Ancien ne vient-il pas, depuis Misène son lieu d'habitation, marcher le long des ruelles et dans la campagne environnante, cherchant l'inspiration pour écrire les chapitres de son livre Histoire Naturelle ?

Quelqu'un toque à la porte.

  • Oui ? S'enquit-elle.
  • C'est moi, madame Sapienta.

D'un seul coup d'oeil, Sapienta reconnaît Cybèle, sa servante de chambre.

  • Entre Cybèle, j'ai besoin de toi pour que mes cheveux soient soyeux et doux. Viens exprimer tes talents pour que lorsque je sorte, les voisines se pâment d'envie.

Cybèle éclate de rire. Sa maîtresse est une jeune fille bien effrontée. Elle aime plaire. Chaque jour, elle ajoute à sa tenue un accessoire délicat, une pince en bronze ou des fleurs dans ses cheveux. Elle aime être différente. Elle soigne ses tenues pour qu'on la remarque. Ses grands yeux clairs bordés de noir vous regardent avec franchise, son air déterminé en surprend plus d'un. Dotée d'un charme sans pareil, elle bénéficie de trois servantes attitrées, qui, du matin au soir, se plient à ses caprices.

Seule une fille de notable peut se permettre cela.

Hier, elle portait une stola, réservée aux femmes mariées. Elle a bien perçu les haussements de sourcil et les bouches arrondies lorsqu'elle marchait dans la rue. Peut-être qu'elle dépassait les bornes.

Sa belle robe bleue rangée dans un coffre, elle choisit aujourd'hui une simple tunique blanche en laine, traînant jusqu'aux pieds, serrée à la taille par un cordon doré. Elle y ajoutera une palla sur ses épaules, brodée de fil d'argent.

Quelqu'un toque à la porte à nouveau. C'est Eulalie, sa messagère. C'est elle qui lui transmet les écrits d'Hadès dans la plus grande discrétion. Avec un air entendu, le sourire aux lèvres, elle dépose un plat rempli de fruits sur la petite table près de son lit et s'en va à pas feutrés aussi discrètement que lorsqu'elle est arrivée.

  • Sacrée Eulalie, elle pense toujours à mon petit-déjeuner lorsque j'en ai justement envie, dit à voix haute Sapienta, l'air mutin.

Elle se demande ce qu'il y a aujourd'hui, dissimulé sous les fruits. Hadès ne manque jamais de lui transmettre un message empli de douceur qui la rend joyeuse pour toute la journée.

  • Debout derrière elle, Cybèle s'active avec le peigne. Elle démêle les beaux cheveux auburn de sa maîtresse, elle les tresse, mèche après mèche, avec une patience infinie. Des huiles parfumées complètent le tout. Elle recule pour admirer le travail, son air satisfait montre que son art s'est encore exprimé aujourd'hui. Sapienta sera adulée, comme toujours.
  • Tu peux disposer, Cybèle.

Sapienta congédie d'un geste sa servante, sans un seul remerciement, comme à son habitude.

Elle ouvre son coffre en bois dans lequel sont rangés ses colliers, ses bracelets et son miroir. D'une main sûre, elle attrape le manche en bronze de cet objet si important pour elle et s'admire longuement.

Enfin, elle se dirige vers le plat rempli de fruits et soulève une grenade, ainsi que quelques figues. Une tablette de la taille de sa main est cachée là. Elle reconnaît le symbole gravé à la fin du texte qui atteste de l'identité de l'expéditeur : un personnage à l'allure élancée et musclé. C'est Dyonisos , le dieu de la vigne et de la fertilité.

Elle s'allonge sur sa couche, et lit :

Ma douce et tendre

Jamais je ne t'oublie

Mon corps te réclame

Ne sois pas sur tes gardes.

Avec toi je veux avancer

Aussi serein qu'un archer

Ma flèche d'amour

Va t'atteindre

À moi tu seras

C'est certain.

Sapienta a le coeur qui bat. Hadès sait parler aux femmes, il manie les mots comme personne.

Bientôt ils se retrouveront, où et quand elle ne le sait, car ils doivent rester discrets. Ils partagent les mêmes envies. Elle se remémore sa peau douce, son torse glabre, ses gestes précis, son regard noir qui la bouleverse. Elle l'imagine en ce moment, à genoux aux pieds de Titus, hochant la tête au moindre ordre, traçant les lettres sur la tablette au fur et à mesure que le vice-empereur lui dicte son texte.

Il est rigoureux, sérieux, consciencieux. Tout ce qu'elle aime. Elle va devoir patienter avant de le revoir à nouveau.

Elle dissimule la tablette sous le lit, dans un panier qui en contient déjà une dizaine, et sort rejoindre ses parents.

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