Le Corbeau et le Renard

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En ce moment, j'en ai contre les corbeaux gros et gras ; ceux de Paris en particulier qui font un bruit infernal le samedi après-midi et sans doute les autres jours aussi, mais je ne suis pas présente pour les entendre se battre contre les autres oiseaux du quartier !

Je rappelle qu'à Paris, dans la vraie vie, il n'y a pas de renard ! Je sais bien qu'un jour, dans les journaux, une affaire a fait la une d'un journal local, une famille de sangliers s'est perdue dans une petite ville et a terminé sa balade dans la vitrine d'un bijoutier éberlué mais néanmoins terrifié. Je ne me souviens plus qui vint à la rescousse, mais les animaux furent capturés, vivants, si je ne me trompe pas d'affaire et relâchés dans la forêt du coin où l'on entendit plus parler d'eux. Ils finirent sans doute en face du fusil d'un chasseur.

Je vais donc vous raconter une petite histoire qui pourrait se passer dans un village de campagne en lisière d'une forêt. L'histoire de deux bestioles qui n'ont toujours rien compris à la vie, malgré des siècles de mise en garde d'un Monsieur qui je crois (parce qu'il était poète) parlait aux animaux...L'information aurait dû se transmettre de génération en génération tant chez les renards que chez les corbeaux ! Chez les Hommes, c'est fait ! Nous sommes informés et nous savons ne pas se laisser tenter par les beaux discours...enfin, la plupart du temps !

Je me promenais dans une belle allée de campagne, cet été pour être précise...avec mon chat sur les talons, bien décidé à ne pas se laisser distancer. Je prenais mon temps, ayant tout l'après-midi libre puisque moi, je n'allais pas en courses ! Mon gros minet reniflait des fleurs, des herbes qu'il mâchonnait pour se nettoyer les intestins ! À la campagne, il peut sans problème le faire, il ne salira pas les tapis de la maison : ce n'est pas agréable ! Il faut ramasser la substance provenant de l'estomac du félin.

Soudain, il hérissa ses poils et gonfla sa queue : en arrêt, il me fit une peur bleue ! Je voyais perché sur un frêne un renard...heu non un corbeau narguant un renard roux assis sur son arrière-train, le nez levé vers l'oiseau sombre. Il faut dire que le renard avait volé à un fermier du voisinage que j'entendais vitupérer un fromage ! Déjà, un corbeau qui vole un fromage, c'est un peu étrange ! Et le fermier avait des raisons de râler ! Comment deviner que le voleur ne laisserait pas de trace et pour cause, il vole, dans tous les sens du terme ! Personnellement, moi, je ne me serai pas méfiée...pour des biscuits, des croûtons de pain oui...mais un fromage !

Je me méfie, moi, de mon chat, quand je fais décongeler de la viande...mais un fromage...zut, plongée dans le passé, je revis l'histoire en temps réel ! Tel est le privilège de l'auteur. Je suis trop loin et je n'ai pas de jumelles : je ne sais pas à quoi il ressemble. Enfin si ! Mais non, ça n'a aucun sens ! Le fromage est aussi gros que lui ! Et l'oiseau ne tombe pas ! Le renard, finalement n'est pas plus futé que moi !

Le fromage sent. Il n'est pas frais...Il me fait peur...Le corbeau n'est pas incommodé par l'odeur ? En tout cas, l'un des habitants de la forêt ne l'est pas...C'est le renard ! Il est arrivé en douce et se pourlèche les babines...Il a horriblement faim et il en tremble de plaisir. Parce que je suis poète et nourrie de bandes dessinées, je vois les rouages de la cervelle du quadrupède s'agiter. Il cherche un moyen de s'emparer de la proie du volatile qui se moque de lui depuis plusieurs jours !

Il va tenter la flatterie. Je m'improvise traductrice sous le regard intéressé de mon chat qui mangerait bien l'oiseau et le fromage -c'est du lait solide- mais pas le renard !

- Bonjour, Corbeau ! Tu t'es amélioré depuis hier, tes plumes sont drôlement noires et brillantes ! On voit que tu manges à ta faim ! Tu veux mon avis ? Non, surtout ne répond pas ! Depuis que tu manges les mets les plus raffinés, les plus délicats, les plus délicieux, tu as pu te remplumer et parfaire ta capacité de chanteur des bois ! Je me demande à quoi ressemble ton mignon gazouillis maintenant que tu es un beau corbeau, bien gras et bien portant. »

Je vois le corbeau changer de position. Le discours du renard lui a plu : il étale ses ailes et saute de son arbre pour se retrouver au même niveau que le renard. Il se prépare à chanter un air entendu dans les arbres, celui d'un merle moqueur. Pour ce faire, il ouvre un large bec et laisse tomber son fromage ce qu'attendait notre renard malin qui s'en saisit avec vivacité et s'enfuit en riant ! Bon je reconnais que rire la bouche pleine en courant comme un furieux n'est pas facile mais c'est pourtant ce que j'ai constaté !

À bonne distance du corbeau, le renard se sent obligé de lui faire la morale et de lui expliquer que bon...Lui le renard avait faim et que lui, le corbeau est toujours aussi vaniteux que les autres jours ! La vanité d'un beau discours lui a fait perdre la tête et il a voulu croire qu'il pouvait faire mieux ! Un corbeau restera toujours un corbeau ! Avec des croassements ! A-t-on vu un corbeau chanter comme un merle avec de jolies ritournelles ?

Et dignement le renard s'en va dans la forêt manger égoïstement son fromage. Ce n'est pas une roue de brie...c'est un tout petit fromage de chèvre, en passant devant moi j'ai vu le renard transporter une bûchette de fromage cendré !

Le corbeau est penaud et son esprit est en déroute ! Chez un animal c'est rare ! Mais cet instant de flottement est utile à mon chat qui capture l'oiseau :

- Corbeau, tu finiras dans mon ventre ! Tu n'aurais pas dû écouter le renard qui s'est bien moqué de toi et t'a dépouillé...Je crois que je vais me régaler. Heureusement que ta bêtise ne passera pas dans mon ventre…

J'ai éternué ! Le chat a sursauté et libéré le corbeau qui s'est envolé vexé et délesté de son fromage.

- Tu crois qu'il a compris ? me demande le chat.

- Non, mon chaton, je ne crois pas ! Depuis trois siècles rien n'a changé...

Nous sommes rentrés, ravis de notre balade et du petit spectacle impromptu et joyeux. Le chat sur mes talons et moi en sautillant comme une gamine, me faisant courser par un matou décidément joueur.

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