Madeleine

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Ses pupilles se dilatent. Ses yeux s'agitent dans leur orbite. Le liquide écarlate s'étale sur ses lèvres. Ses mains harponnent la lance. Sous les jupons de sa lourde robe, ses genoux s'effondrent. Son buste penche en avant, maintenu par l'arme mortelle qui la transperce de part en part. L'argent de la lame et un sortillège gravé à même le métal l'empêchent de cicatriser.

Elle lève son visage exsangue vers son meurtrier.

Un hoquet d'horreur dévale sa gorge aux veines noires.

L'homme contre lequel elle se bat depuis près d'une décennie cède sa place à un enfant. Son précieux garçon pour qui elle a tout donné dès sa naissance. Haut comme trois pommes, il lui sourit avec sa petite dent de lait dans la main. Il lui montre fièrement et babille à propos de la légendaire petite souris.

La salle du trône n'existe plus. Le garçonnet a disparu. Sous elle, le sol de marbre laisse place à l'herbe tendre. Elle se tourne vers la rivière en entendant le clapotis de l'eau fraîche. Sur la berge, sa mère et sa grand-mère jouent avec elle. Quelqu'un applaudit, un théâtre accueille son esprit. De nouveau, elle participe à la représentation de sa pièce favorite L'oiseau oublié, écrite par son père peu de temps avant la guerre.

Un chant s'élève. Il marque son intronisation au trône. Elle avance dans ses parures et jauge chacun de ses sujets. Le grand Divinateur lui prédit son destin : comme son arrière-grand-mère, le jour où elle deviendra un vampire, une soif insatiable la conduira à la folie. Des épées se fracassent les unes contre les autres. Un vieux guerrier se penche sur son jeune minois. Il lui offre la fuite.

Une dernière fois, son amant l'aime. Il parle de s'unir pour la vie. Elle a peur. Elle a déjà connu l'affront d'être abandonnée devant l'autel. Il lui écrit avec passion. Elle en garde chaque copie tout en caressant son ventre qui s'arrondit. Un jour, elle lui dira. Un jour. Les cloches sonnent. Impétueusement, elles réclament à tous et toutes de se réfugier chez soi. Elle n'est plus une puissante magicienne, voyageuse et débrouillarde. Elle est un monstre assoiffé, perdu et blessé.

Des larmes dévalent ses pommettes saillantes. Elle meurt. De la main de son propre bébé. Les excuses et les mots aimants sont chuchotés. Il la pardonne. Elle qui a tant voulu le protéger, en l'amenant le plus loin de ce moment, elle est heureuse d'avoir échoué. Son dernier souffle la quitte sur un sourire plein de félicité.

Sa vie se finit dans la chaleur des bras de leur fils.

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