Chapitre 2 : la sorcière

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  C’était un bon pisteur, mais les traces des assaillants ne nécéssitaient de compétences poussées pour être suivis. D’après le nombre d’empreintes que Nirmir avait décelé, il déduit qu’au moins une cinquantaine d’homme avait détruit son village et emmené les femmes. Après une semaine de voyage, il commença à perdre la piste. Il atteignit une grande forêt de pins, au pied des monts blancs. Ce bois était labyrinthique. Les arbres étaient répartis de manière presque linéaire, ce qui rendait l’atmosphère oppressante. Le sol était vide de vie, seulement couvert d’épine morte.

 Il s’installa au pied de l’un des conifères qui était abattu, appuyé contre l’un de ses congénères. La nuit était sur le point de tomber. Il alluma un feu. Alors qu’il mangeait tranquillement un oiseau qu’il avait abattu, un bruit attira son attention. Il resta calme, continua son repas. Il se leva, saisit son arc et d’un geste rapide décocha une flèche vers la cime des arbres. S’en suivi un raffut de branche cassé. Un homme apparut à la lumière des flammes, les mains tendues vers Nirmir. Il avait une entaille sur le bras, surement due à la flèche. Le traqueur banda son arme et pointa le nouveau venu. Celui-ci tenta de calmer la situation :

  • Attends ! Attends ! Je... je ne suis ... pas armé.
  • Qui es-tu ?

 L’indésirable n’est pas grand et pas bien vieux, une quinzaine de saison, tout au plus. Il ne portait qu’un pagne en peau de renne, mais avait le corps a moitié couverts de dessins tribaux. Le chasseur reconnut l’un d’eux : un soleil entouré d’un serpent. Quand il était jeune, il avait entendu les anciens parler d’un clan retranché dans les montagnes qui portait ce symbole. L’adolescent replaça en tremblant ses longs cheveux roux derrières ses oreilles pour dégager son visage.

  • Je... je m’appelle Che’fi.
  • Pourquoi m’espionnais-tu ?
  • Pour... rien en particulier.
  • Mauvaise réponse...
  • Attends ! Attends !

 La peur tétanisait le garçon. Il comprit que son hôte ne souhaitait pas perdre son temps et que sa vie était en jeu. S’il ne disait pas la vérité, ou si ses réponses ne lui convenaient pas, il était mort. Il lisait la colère dans son regard.

  • Je ne t’épiais pas toi en particulier. Je... je suis un éclaireur... pour ma tribu. Je dois surveiller cette forêt.

 Cette information satisfit Nirmir qui relâcha un peu la pression sur sa corde.

  • Dans ce cas, tu vas répondre à cette question : As-tu vu un groupe d’homme assez nombreux passer par ici ? Avec des prisonnières ?

 Che’fi fut surpris de la précision de la demande, mais l’interrogea à son tour. Une goute de sueur perla sur son front.

  • Tu es avec eux ?
  • Non, réponds ! insista Nirmir alors qu’il tendait à nouveau sa corde.
  • Attends ! le supplia l’adolescent.

 Il agita des mains devant lui puis les plaqua contre ses jambes.

  • Je connais ceux que tu cherches.
  • Qui sont-ils ?
  • Ce sont... ils appartiennent à une tribu barbare qui vit sur la montagne. Ce sont des brutes sans âmes.
  • Tu es éclaireur pour eux ?
  • Non... jamais ! Mon peuple vit hélas non loin d’eux, mais ils ne nous attaquent pas car ils ont peur de... mais je sais qu’ils n’ont que très peu de femmes. Du coup, quand ils ont besoin, ils partent pour voler celles d’une autre tribu.
  • Ils sont passés il y a combien de temps ?
  • Deux nuits.
  • Je suis en retard sur eux... je dois aller.
  • Attends ! attends ! tenta le garçon pour l’arrêter. Tu ne compte pas y aller seul ?
  • Si.
  • Mais t’es malade ! Ils sont plusieurs centaines !
  • Peut-être... mais je dois y aller. Ils ont enlevé une personne à laquelle je tenais. Où se trouve leur village ?
  • A une journée de marche et d’escalade, plein nord.
  • Ça fait donc une journée qu’elle est là-bas. Je dois la sauver.
  • Attends !

 Che’fi se jeta devant lui.

  • Tu vas juste mourir, et la tuer par la même occasion.
  • Je n’ai pas le choix... Tu as dit qu’ils avaient peur. Pourquoi ne vous attaquent-ils pas ?

 L’éclaireur se mordit les lèvres. Il en avait trop dit. Nirmir insista :

  • De quoi ont-ils peur pour qu’ils vous laissent en paix.
  • Non loin de mon clan vit une sorcière. Les anciens la surnomment la vieille folle, mais elle serrait bien plus âgée qu’elle n’y parait.
  • Une sorcière ?
  • Oui ! Elle a des pouvoirs qui défient nos rêves les plus fous. Même nos chefs en ont peur et ne font appel à elle que lorsqu’ils n’ont pas le choix. Le prix de son soutien est immense.
  • Elle aurait le pouvoir de m’aider ? Amène-moi à elle.
  • Non ! Je ne peux pas. J’en ai déjà trop dit.
  • S’il te plait. J'ai juré de tout faire pour la sauver... peu m’importe le prix.

 Devant la détermination du chasseur, Che’fi finit par abdiquer et accepta de le conduire à elle. Ils marchèrent pendant deux jours. Nirmir n’accordait que peu de temps de pause et de sommeil à son guide. Au petit matin, ils atteignirent les contrebas d’une falaise. Le jeune homme vit des huttes et tentes à son sommet.

  • C’est mon village, intervint l’éclaireur. Mais nous n’y allons pas. La grotte de la vieille folle se situe un peu plus loin... en bas.

 Ils avancèrent encore une heure et arrivèrent au bord d’un petit lac. L’adolescent pointa la roche vers le nord. On apercevait une ouverture. Ils s’en approchèrent.

  • Je n’entre pas. Ça m’est défendu. Bonne chance.

 Le chasseur salua l’éclaireur et entra. Après une courte marche, il vit de la lumière. Il avança et atteignit une petite salle. Elle était remplie de babioles en tout genre : crâne d’animaux diverses et variés, même d’humain, peaux, écailles, plantes séchées... Au plafond étaient plantées des branches mortes sur lesquelles se baladaient... des serpents. Nirmir se figea. Les reptiles le fixaient. Il détourna son regard d’eux et observa le feu central. Derrière lui se trouvait une forme humanoïde, lui tournant le dos, caché par une sorte de cape. Il prit la parole :

  • Etes-vous la vieille folle ?
  • Hahahaha ! Qui la demande ? questionna une voix féminine.
  • Nirmir !
  • Et que cherches-tu, Nirmir ?
  • A sauver... à sauver celle que j’aime !!
  • Pourquoi cette hésitation ?
  • Car... je ne sais pas ce que je ressens vraiment. Mais je veux la sauver ! Peu importe le prix !!
  • Oh...

 Elle se leva et s’approcha de lui. Sa cape était faite de peau de serpent. Elle était à peine vêtue sous elle, mais ce qui choqua le plus le chasseur était son incroyable beauté. Il s’attendait à une vieille femme et avait devant lui une fille à peine plus âgée que lui à vue d’œil. Elle était sublime, le visage digne de la lune, de longs cheveux rougeoyants, des formes parfaites. Il en était troublé. La sorcière était maintenant tout proche de lui. Son corps se frotta au sien. Sa main effleura son visage alors qu’elle lui susurrait :

  • Il ne faut pas se fier aux apparences, n’est-ce pas ?
  • Que... qui êtes-vous ?
  • La vielle folle, non ? c’est toi qui l’as dit, rigola-t-elle en s’éloignant et reprenant sa place.
  • On m’a dit que vous possédiez de grands pouvoirs...
  • Et tu en veux aussi ?

 Elle avait disparu de son champ de vision et se trouvait maintenant derrière lui.

  • Comment ?
  • Qu’attends-tu de moi ?
  • Aidez-moi à sauver Sahan’ra.
  • Jolie nom. Que lui est-il arrivée ? questionna-t-elle en lui tournant autour, une main parcourant ses épaules.
  • Elle a été enlevée, par le clan voisin au vôtre.
  • Ah... ces brutes sans cervelle.
  • Je veux la sauver.
  • Et comment ?
  • Aidez-moi ! Ou donnez-moi la force de la sauver !
  • Ah... enfin une demande claire et précise.

 Elle retourna s’asseoir devant le feu et invite le jeune homme à en faire de même. Il s’exécuta.

  • Et quel pouvoir souhaites-tu ?
  • Comment ça ?

 Elle claqua violement des mains. Les flammes crachèrent un nuage de fumée qui se modela au-dessus d’elle en un tigre à dent de sabre.

  • Veux-tu sa force ? ou bien la sienne ? encore celle-là ? ...

 Chacune de ses paroles étaient accompagné de l’animal qu’elle proposait : le tigre, un mammouth, un serpent, un rhinocéros laineux, un loup...

  • Peut-être la force des tempêtes ? Du feu ? De la terre ou de la forêt ?

 La brume prenait l’apparence de ses mots. Nirmir était figé, la bouche béante. Elle possédait donc de vrais pouvoirs. Il était terrifié.

  • Alors ? ta réponse ?
  • Je... on m’a dit que vous demandiez toujours un prix. Quel est-il ?

 Elle éclata de rire.

  • Pour toi... je ne te demanderai rien.
  • Où est le piège ?
  • Il n’y en a pas. Ton cœur est encore pur. J’attends ton choix. Ma générosité a ses limites.
  • Donnez juste la force de la secourir !
  • Bonne réponse !

 Les flammes rampèrent sur ses pieds et commencèrent à grimper sur ses jambes. Il se leva, surpris et paniqué. Il lui cria :

  • Que faites-vous !? Arrêtez ça !!
  • Je t’offre ton du ! Fais-en bonne usage !

 Il tenta d’éteindre le feu en tapant dessus et en piétinant le sol, mais rien. Les gerbes orange continuaient de gravir ses jambes et atteignirent son torse. Il hurla de douleur. En quelques instants, il était totalement recouvert par les flammes.


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