Chapitre 6

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— Regarde-le. On dirait bien qu’elle lui plaît, dit Gabriel.

  • Il faut admettre qu’elle est très jolie ! Tout à fait son genre ! Elle ne laisse personne de marbre. En plus, elle semble bien cultivée et bien née si je me rapporte aux dires de Nat', s’exclama Harry. D’ailleurs, elle lui ressemble un peu, non ?
  • Oui, tu as raison, elle a le même air angélique que lui. Ça se trouve, elle lui est destinée. Ce serait bien pour lui si c’était la bonne. Après tant d’années de célibat.

Je revins sur Terre.

  • Qui a tant d’années de célibat ?
  • Toi, idiot ! Tu devrais peut-être tourner la page pour en écrire une autre Nat, déclara Harry sur un ton sérieux.

Nous étions à présent au comptoir. Je payai puis répondis :

  • Oui, tu as raison, mais je n’ai pas envie de subir à nouveau ce que j’ai vécu par le passé. Enfin, pas pour le moment. C’est… trop dur. L’attachement est source de souffrance. Et je ne veux plus souffrir.
  • Mais parfois, la fidélité est aussi synonyme de bonheur, il suffit de tomber sur la perle rare. Notre propre perle rare. Réfléchis-y, contra Gabriel.
  • Il faut croire que je ne l’ai pas encore trouvée, tout comme toi d’ailleurs !
  • Tu es vraiment sûr de ce que tu dis ?

Je choisis de me taire, car je n’avais pas tellement envie d’admettre qu’il pourrait avoir raison. Nous nous assîmes à une table non loin de celle d’Aelina. La fin de la pause se déroula en silence.

Après le repas, mes collègues prirent la direction de la cafétéria annexe au restaurant et moi je repartis vers mon bureau. Dans le hall d’entrée, Aelina dégustait son thé en lisant. Je l’observai en secret, elle était si calme. Comment pouvait-elle provoquer en moi cet étrange sentiment. C’était quelque chose d’incompréhensible, comme une attirance suivie d’un rejet. Et elle ? Que ressentait-elle ? Rien ? Ou bien était-elle troublée elle aussi ? Je savais pertinemment que je plaisais aux femmes, il suffisait d’assister à un de mes cours de sport, mais je n’avais aucun intérêt pour elles, ces filles faciles similaires à celles que j’avais connues par le passé. Or, Aelina me fascinait, car elle était différente. Je percevais une sorte de lien invisible, quelque chose qui nous unissait l’un à l’autre. Cependant, je devais sûrement me bercer d’illusions. Chassant mes interrogations existentielles, je m’approchai doucement d’elle. Comme si elle avait senti ma présence, elle releva la tête et me sourit, ce qui me désarma :

  • Alors, tu as bien mangé ce midi ? lança-t-elle pour ouvrir le dialogue.
  • Oui, du steak et des frites, répondis-je d’un air légèrement idiot.

Elle émit ce petit rire cristallin que j’avais entendu ce matin et qui était très agréable à mes oreilles.

  • Et tu vas survivre après un repas si copieux ?
  • Peut-être pas. Une bonne sieste ne serait pas de refus. Plaisantai-je, mi-heureux, mi-gêné. Et toi tu as mangé quoi ?
  • Poisson, légumes ! Mais le poisson était cuit. Je le préfère cru.
  • Ton pays te manque ?
  • Oui et mon père surtout. Je l’ai quitté précipitamment alors…
  • Pourtant tu dois avoir de la famille ici puisque ta mère est française et apparemment tu as vécu en France ?
  • En effet, mais je n’ai plus de contact avec elle depuis longtemps. Mon père est reparti au Japon après leur divorce, moi, je suis restée parce que je faisais mes études. Pour être honnête, j’aurais préféré rentrer, car je ne m’entendais pas très bien avec elle. Parfois, j’avais l’impression qu’elle n’était pas ma vraie mère… elle était si cruelle.
  • Cruelle, comment peut-on être cruelle envers ses enfants ?

Elle rougit et détourna les yeux :

  • Ça, je l’ignore, car mon père est complètement différent d’elle. Laissons ça de côté, je n’aime pas trop parler de mon passé, rétorqua-t-elle, le regard sombre.
  • Je vois. Moi j’ai encore mes deux parents, on peut dire que je suis chanceux même s’ils sont en Thaïlande à présent.
  • lls te manquent ?
  • Un peu, je suis soulagé de ne plus avoir ma mère dans les pattes, car tu vois elle est assez étouffante…
  • Haha ! ça doit être bien d’avoir une maman comme ça. Ça prouve qu’elle t’aime beaucoup, même si ce n’est pas toujours facile à supporter. Tu as beaucoup de chance d’avoir une bonne relation avec eux.

Je ne sus quoi répondre. Aelina regarda sa montre dorée, ornée d’un papillon.

  • Il est l’heure de reprendre.

Elle se leva, frotta son pantalon, remit son pull en place. Une légère odeur de fleur de cerisier plana lorsqu’elle rejeta ses longs cheveux noirs en arrière. J’en perdis l’esprit (et visiblement autre chose à ce moment-là, mais je n’en étais pas encore tout à fait certain.)

  • Tu… tu as bien… a… avancé sur le dossier ? bégayai-je en rosissant.
  • Oui, un peu je viendrais te faire un rapport ce soir avant de partir. Est-ce que tu vas bien ? Tu es tout rouge.

Non, je ne vais pas bien du tout. Tu me rends fou, tu perturbes mon univers intérieur, tu brises toutes mes barrières. Depuis que tu es arrivée, plus rien ne tourne rond.

  • Ne t’inquiète pas sûrement de la fatigue passagère, comme je remplace le divisionnaire, j’ai pas mal de taf, mentis-je. Je t’attends tout à l’heure pour ton rapport. À toute.

Je filai à toute allure en direction de mon bureau.

Je me retournai avant d’entrer et scrutai Aelina du coin de l’œil. Elle haussa les épaules, soupira puis pris la direction de son bureau. Alors que je la regardais partir et disparaître derrière la porte, j’entendis le martèlement sourd de mon cœur cognant contre ma poitrine. J’étais peut-être tombé sous son charme ?

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