chapitre 7

8 minutes de lecture

Une fois dans mon bureau qui ressemblait trait pour trait à celui de Nathanaël excepté la vue, je m’installai sur la chaise et pris le dossier devant moi. Il n’était pas très épais. Je l’ouvris et découvris qu’il n’y avait que des photos des victimes et les premières conclusions du légiste. Apparemment, le tueur avait déjà fait quatre martyres. Serait-ce le début d’une série ? Cela s’en rapprochait fortement. J’étalai les clichés devant moi puis les observai un petit moment. Un premier détail en ressortit : toutes ces femmes étaient brunes et relativement jeunes. À partir de là, je réfléchis au profil du meurtrier. Première chose : c’était un tueur en série, mais pas un violeur, puisque les conclusions du légiste ne
révélaient pas de traces de ce genre. Et puis aucune de ces filles n’était dénudée. Je pris les épreuves dans mes mains et les examinai plus précisément. En bas de chaque image, on pouvait apercevoir un numéro écrit en latin. À partir de là, j’émis une nouvelle hypothèse. C’était un tueur en série qui chiffrait ses meurtres. Autrement dit, ce n’était pas fini et il s’agissait donc bien d’une série. Je posai les preuves et pris le compte rendu du légiste et le parcourus en diagonale. Et à la fin du rapport, je vis que le médecin avait établi une première conclusion sur les causes du décès de ces filles. Selon lui, les blessures étaient le facteur principal de la mort. Puis je repris les photos et les contemplai de plus près. J’aperçus finalement, une suite de lacérations au niveau de l’abdomen. Cette vision me donna la chair de poule. On aurait dit… des coups de griffes, voilà j’y étais. Griffes ? Curieux comme arme quand même ! Le tueur se considérait-il comme un démon ? Ça n’existait pas. Mais lorsqu’il s’agissait de meurtres en série, il fallait balayer toutes les options, car les psychopathes de ce genre fourmillaient d’idées. C’est alors qu’une voix dans ma tête me souffla :

  • Continue comme ça, tu es sur la bonne piste. Ouvre ton esprit à l’autre monde et tu trouveras la réponse. L’espèce humaine n’est pas la seule espèce vivante sur cette Terre.

Je revins à moi. D’autres races ? Pourtant je ne connaissais que l’espèce humaine enfin en dehors des types d’animaux bien sûr. Tiens, tiens, d’ailleurs on pourrait associer ces griffes à un genre de bête sauvage. Il allait falloir que je fasse des recherches plus profondes. Ceci dit, je ne savais quand même pas par où commencer.

  • Il faut que tu ailles au-delà de tes savoirs, crois-moi, il existe des choses que tu ignores encore.

Je secouai la tête. N’importe quoi ! Je ressaisis le fil de mes pensées et me remémorai les différentes preuves relevées. Alors, j’avais affaire à un meurtrier en série, probablement un psychopathe qui se prenait pour un démon ou bien un animal. Je me penchai sur les clichés et remarquai un dernier indice. Sur chaque photo, une petite pancarte portant des calligraphies étrangères se trouvait à côté des victimes. Je m’approchai pour tenter de décrypter les signes. D’après ce que je voyais, c’était des symboles plus que des écritures. Il n’y avait pas de lettres. Cela ressemblait un peu aux idéogrammes de l’écriture des grands sceaux (style chinois ancien) ou bien à des runes. On aurait dit un langage que l’on utilisait pour les arts divinatoires. Quelle pouvait donc être cette langue ? J’avais l’impression de l’avoir déjà rencontrée quelque part, mais je ne me rappelais plus où ni quand. Si seulement ma mémoire ne me faisait pas défaut.

  • Oui, c’est ça. Ce langage ne t’est pas inconnu, réfléchis bien, rappelle-toi ! me souffla encore cette même voix. Rappelle-toi qui tu es vraiment et tu trouveras les réponses.

Je remuai de nouveau la tête pour la chasser. J’inspirai, fermai les yeux et tentai de retrouver ma concentration. Je renouai avec le cours de mes pensées et rassemblai mes idées sur un papier. Une fois mes conclusions rédigées, je levai mes iris vers la petite horloge au-dessus de ma porte. Il était 16 h 30. Déjà ! Je devais encore aller faire mon rapport à Nathanaël et récupérer ma clef d’appartement. Je refermai le dossier, le pris sous mon bras et quittai la pièce. Le bureau de Nathanaël se situait dans le couloir en face du mien sur la route de la machine à café. Il était très facile à repérer, car un écriteau « Commissaire Leroi » avait été cloué sur la porte. Je frappai. Un léger son sortit :

  • Oui, entrez.

Je respirai pour me préparer à conserver mon sang-froid et abaissai la poignée :

  • Nathanaël, je viens te faire part de mes premières hypothèses comme tu me l’as demandé.
  • Ah oui, je t’attendais. Assieds-toi, je t’en prie.

J’obéis. Il était plongé dans un dossier et je ne voyais pas ses yeux bleus que j’aimais tant, ce qui en un sens me convenait. Je pourrai garder la tête froide. Il tourna une page, se frotta les sourcils et soupira.

  • Cas compliqué ? tentai-je pour ouvrir le dialogue.
  • Non, pas vraiment. Je suis simplement fatigué. Ça doit faire le dixième rapport que je lis et j’avoue que cela devient lassant. Surtout lorsque les enquêtes font du surplace, car il nous manque des mandats de perquisition. Je sens que le procureur va recevoir une petite visite bientôt.
  • Si tu veux, je peux te faire mon compte rendu un autre jour ? Ou bien on peut remettre ça à demain ? Ça ne me dérange pas, tu sais, je n’ai pas la sensation d’avoir avancé beaucoup de toute façon.
  • Non, non, ça va aller ! s’empressa-t-il de répondre. Donne-moi juste une minute. L’enquête de ces meurtres en série est prioritaire en plus, donc c’est mieux, si tu me fournis tes premières impressions ce soir. On pourra peut-être creuser les pistes que tu as dégagées.
  • D’accord. Si tu insistes.

Il referma le dossier, releva la tête et croisa mes prunelles. Le rouge me monta aux joues. Je baissai les yeux un instant pour reprendre mes esprits. Son regard avait un drôle d’effet sur moi. Il me rendait mal à l’aise et en même temps j’avais envie de le contempler, de m’en rapprocher pour l’admirer de plus près, de discerner les différentes nuances de bleu et de comprendre son langage. Mais que m’arrivait-il ? Je n’avais quand même pas craqué pour lui ? C’était mon boss… Et lui, dans tout ça ? Ressentait-il une chose équivalente ? Sûrement pas ! Il devait déjà avoir une petite amie. Un aussi beau mec que lui ne devait pas être célibataire. Je dirai même qu’il ne devait plus compter le nombre de ses conquêtes. Je soupirai. Mais pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Si seulement, il n’était pas mon supérieur. Sa voix me ramena sur Terre :

  • Bien à nous ! Montre-moi donc tes hypothèses.
  • O.. Oui, voilà ! bredouillai-je en tendant le dossier.

Nathanaël le prit délicatement, l’ouvrit et commença à lire. Après quelques minutes interminables de silence, il releva la tête et s’exprima :  

  • Très intéressantes, tes conclusions ! Tu as l’air d’avoir cerné le profil du tueur, c’est déjà un premier pas, mais on dirait bien que les messages laissés sur les victimes te posent problème, je me trompe ?
  • Exact, j’ai bien essayé de me servir de mon savoir sur les langues et notamment le chinois ancien, mais ça n’a rien donné. Je doute même que ce soit une langue connue. J’ai fini par me demander si ce n’était pas un langage utilisé pour la divination. Si tu te penches sur les messages, tu peux remarquer que ce sont des symboles comme des runes ou bien des idéogrammes. Mais bon, je ne suis même pas sûre que l’on peut dénicher quelque chose là-dessus.
  • Comment ça ? Tu sais, même si ce sont des idiomes que l’on dit légendaires, je pense qu’on va pouvoir trouver des informations. Figure-toi que rien n’est figé. Il y a toujours une solution.
  • Que veux-tu dire par là ? Je ne comprends pas.
  • Eh bien, certaines langues du passé ont disparu et ne sont visibles que dans les écrits anciens voire les études théologiques.
  • Vraiment ? Intéressant. Et on peut trouver ça où ?
  • Eh bien, il existe bien une bibliothèque spécialisée dans les langues antiques et les ouvrages ésotériques, mais je pense qu’il nous faut un accord, car c’est dans la Bibliothèque nationale de France, cependant on peut peut-être dégoter quelques infos dans la bibliothèque de théologie de Paris.
  • Et tu crois vraiment que l’on peut dégager des pistes ?
  • Je pense que c’est une très vieille langue et que tu pourrais la retrouver dans les écrits ancestraux.
  • Je n’y avais pas réfléchi.
  • Mais je suis là pour ça, dit-il avec un rictus qui me fit craquer.
  • Et je… souhaitais te parler d’autre chose aussi ! demandai-je en cherchant un peu mes mots.
  • Oui ?

Décidément, il avait l’art de me troubler. Plus rien n’allait. Son sourire me faisait rougir et sa voix frémir. Pff ! J’étais vraiment une midinette parfois. Il fallait dire que je n’étais pas aidée non plus, comment pouvez-vous résister quand vous avez l’homme de vos rêves en face de vous ? J’aimais tout de lui, son caractère, ses lèvres, son physique et par-dessus tout ses yeux. Il était carrément mon type de mec. Ha, s’il apprenait le fond de mes pensées… (Lesquelles ? Les romantiques ? Ou bien les autres bien plus intimes… se moquait ma vénus) Je la fis taire et essayai de reprendre le fil de mon raisonnement et surtout de me remémorer ce que je devais lui demander.

  • Je.. Je… voulais savoir si tu avais reçu la clef de mon appartement. Dis-je en tentant de retrouver calme et sérieux. (ce qui était quasi impossible…)
  • Ah oui, tu fais bien de me le rappeler. Il farfouilla dans le tiroir du guéridon à côté de lui, je regardai au plafond afin de dominer le flot de sentiments qui s’écoulait en moi. Il se retourna, un pli à mon nom dans la main.
  • Voilà, il y a le bail, la clef et le contrat d’assurance.

Il me tendit l’enveloppe. Ses doigts effleurèrent les miens, éveillant une impression étrange en moi. Comme une sensation douce et amère à la fois. J’avais envie qu’il recommence, mais en même temps ça me gênait un peu. Je soulevai discrètement un sourcil vers lui à la recherche d’une quelconque timidité, cependant je ne vis rien. Il ne semblait pas du tout embarrassé par ce geste. Évidemment, il avait l’habitude du contact. Étant commissaire, ça devait faire partie des qualités nécessaires pour le devenir. En tout cas, il ne pouvait pas faire preuve de pudeur dans ce job, ça, c’était sûr !

  • Merci.
  • Tu trouveras l’adresse sur la feuille de bail.

Je l’ouvris et observai le papier. Appartement N° 12, 1, avenue Montesquieu.

Il me contempla un moment et se rendit compte que mon regard en disait long. En effet, je ne connaissais pas la rue Montesquieu.


Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Zoe Deweireld ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0