Le tramway

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En réponse au défi...

Passage
proposé par Louise Fournier

"Chacun de nous à un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d'être un homme."
(Créon dans Antigone d'Anouilh)
Le passage du monde de l'enfance à l'âge adulte se fait de manière différente pour chacun. Certains ne s'en rendent pas compte, et un matin, lorsqu'ils se réveillent, ils regardent derrière, étonnés du chemin parcouru. Pour d'autres au contraire, c'est un événement brusque et douloureux qui les précipite dans l'âge adulte, sans leur demander leur avis. D'autres se sentent happés par le temps et déchirés, arrachés à leur enfance. D'autre enfin décident de ne pas passer ce pont imaginaire, préférant rester enfant....
Et pour vous, comment cela s'est-il passé? Quelle est votre vision sur cette période? Comment l'avez-vous vécue, dans quel état d'âme, à quoi avez vous renoncé, ou au contraire à quoi refusez vous de renoncer?



J’entrais dans le tramway, comme chaque matin depuis des années. Les rues défilaient dans les vitres. Il faisait un temps de chien, les arbres se protégeaient du vent en passant devant les voitures.

La ville ressemblait à un énorme lave-vaisselle en marche vu de l’intérieur. Tout semblait triste et pourtant une jolie fille me fixait depuis un moment. Moi, accroché à ma poignées de préhension, je faisais mine de ne pas la voir. Tout d’un coup, je la vois se lever et s’adresser à moi.

« Monsieur », me dit-elle avec un large sourire. « Voulez-vous prendre ma place ? » Sur le coup, je ne comprenais pas ce qu’elle voulait dire.

« Comment ? Mademoiselle ? » Répondis-je dans un balbutiement  presque inaudible. Elle continua : « Vous semblez fatigué et en plus, vu votre âge, il serait plus prudent de vous asseoir. »

Je devins tout rouge et lui rétorquais avec véhémence : « Mais Mademoiselle, j’ai vingt-six ans.»  Là, maintenant, c’est elle qui me regardait avec stupeur. «  J’aime votre sens de l’humour ! »

C’est alors que je réalisais que quelque chose de pas normal ce passait dans ce wagon. Toutes les personnes proches de moi se mirent à rire. Je décidais de descendre immédiatement profitant de l’arrêt du tram. Je me retrouvais  à un endroit que je ne connaissais pas.

Le vent redoublait de force et je me mis à couvert sous un porche. La porte s’ouvrit et une vielle dame croisa mon regard et me dit : « Monsieur Robert, je vous croyais mort, çà fait tellement longtemps que je ne vous ai vu. ».

« Mais, Madame, je ne vous connais pas, je m’appelle Sylvain, et c’est la première fois que je passe dans le quartier. » La dame presque fâchée ferma la lourde porte, s’évapora sous la pluie battante et bientôt on ne distingua plus que sa capuche transparente.

Je m’empressais de quitter les lieux et de trouver un autre moyen de transport que le tram pour aller bosser. Je me dis « Quelle journée de dingue. » Je passais devant une vitrine et me regardais pendant de longues minutes et franchement  rien n’avait changé physiquement.

J’essayais de me remémorer  ce qui aurait pu créer cet état de fait. Et tout d’un coup, j’ai réalisé l’acte insensé que j’avais réalisé. Je savais que j’étais foutu, que les années à venir ne seraient plus que cauchemars et angoisses, que j’avais commencé à me faire des cheveux blancs.

Comme un con, le matin avant de partir de l’appartement, je m’étais connecté sur internet pour déclarer pour la première fois de ma vie : « MES IMPÔTS !!!!!!!!!!!!»

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