Chapitre 3

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Natacha

  Prenant l’air de touristes ordinaires, Bella et moi, marchions parmi les promeneurs en regardant les vitrines chacun d’un côté de la rue, s’arrêtant de-ci de-là au hasard des boutiques…

  La Bentley s’arrêta à ma hauteur, et quand la portière arrière s’ouvrit on entendit retentir Nothing else matters*, dans la vitrine je voyais se refléter la passagère qui descendait. Je savais de qui il s’agissait, j’avais vu sa photo. L’âme damnée de la veuve noire, Natacha Beatrov, la magnifique, qui fut mannequin pour Lacroix, Lagerfeld et autre Versace. Elle était vêtue d’un manteau en fourrure avec un col façon panthère et entra dans la boutique sans un regard vers moi, mais je savais qu’elle m’avait vu, qu’elle était là pour moi. Bella était sur le trottoir en face et faisait semblant de s’intéresser aux bijoux d’un joaillier.

  L’homme situé près du conducteur descendit à son tour, je fis mine de m’éloigner, il m’interpella, une cigarette à la main :

Простите, Сэр, огоньку не найдется?(1)

— (Ma parole, il me demande du feu ? Quelle façon débile d’aborder les gens ! Y a pas d’allume-cigare dans la Bentley ?) Désolé, je ne parle pas russe, я француз !(2)

француз ? подождите !(3)… — il ouvrit la porte de la boutique et dit quelques mots à l’intérieur.

La panthère sortit aussitôt et me dit :

— un compatriote ici, cela me fait plaisir de vous rencontrer ! C’est agréable de pouvoir parler français si loin du pays. Vous faites du tourisme ou peut-être êtes-vous ici pour affaire ?

— (T’as raison ! Fais celle qui ne sait pas qui je suis !) Pas exactement ! Disons que je suis en transit, je dois me rendre à Tiraspol pour rejoindre des amis.

— Ça alors, quelle coïncidence extraordinaire, je dois me rendre moi-même à Tiraspol prochainement, peut-être voudrez-vous m’accompagner ?

(Ben voyons ! Elle ne perd pas le nord ! Et si je refuse... elle me fera monter de force ?) Comme vous dites, le hasard fait bien les choses, merci pour cette invitation. Ce sera avec grand plaisir que j’accompagnerai une aussi charmante personne, je suis Jacques Soldat, agent commercial.

— Enchanté Monsieur Soldat, je m’appelle Natacha de Cheverny, ravie de faire votre connaissance.

(Tiens elle a repris son nom de jeune fille, que devient monsieur Beatrov son mari, je ne savais pas qu’elle était divorcée !) Moi de même, Madame, je vous en prie appelez-moi Jacques, je savais que vous ne m’étiez pas inconnue, vous êtes mannequin pour la haute couture, je crois !

— J’étais, je n’exerce plus, Mons… Jacques. Et vous, appelez-moi Natacha, entre compatriotes, loin de chez eux, ne nous embarrassons pas d’inutiles convenances. Vous dites agent commercial ? Dans quelle branche exercez-vous donc ?

— Le sport, je suis agent de joueur de football. (Heureusement que j’ai travaillé ma couverture, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit dupe !)

— Ah, le football ! Je comprends mieux votre présence à Tiraspol, si cela concerne le stade ! Il a été retenu pour les compétitions internationales, je crois ?

— En effet, le stade du FC Sheriff est le seul reconnu par la FIFA en Moldavie. Si vous vous intéressez au football, Natacha, en sus de la langue, nous avons un deuxième point commun. Notre rencontre, bien que fortuite, est décidément pleine d’intérêt et de promesses. (De promesses, je pousse peut-être le bouchon un peu loin là !)

Où résidez-vous à Chisinau, dans un hôtel ? Si vous le désirez je vous emmène à Bender Tighina où je vis dans la résidence de mon amie la comtesse d’Hell, une femme charmante qui vous accueillera avec plaisir en attendant notre départ pour Tiraspol d’ici un ou deux jours.

— (s’il s’agit de la veuve noire, tu parles d’une femme charmante…) Je ne sais pas si je peux abuser ainsi de votre hospitalité, je suis un peu gêné, je n’ai pas l’habitude de dépendre d’une aussi jolie femme, que vont penser votre amie et votre mari ?

— Mon mari et moi sommes séparés depuis longtemps et la comtesse sera ravie, elle adore faire de nouvelles connaissances, je vous en prie venez avec moi, Jacques nous pourrons papoter en français et puis je pourrais peut-être vous introduire auprès des responsables du groupe Sheriff, les propriétaires du stade et du club de foot, je les connais bien, il n'est pas facile de les rencontrer, ce sont des gens discrets, mais de grands amis, alors, Jacques qu'en pensez-vous ?

(La mafia locale ? Ça c’est une idée !) Dans ce cas ce sera avec plaisir Natacha. Je dois juste récupérer mes bagages à l’hôtel.

— Parfait Jacques, vous n’avez qu’à monter dans la voiture nous rejoignons votre hôtel pour prendre vos bagages, puis nous vous emmènerons avec nous chez la comtesse, moins de deux heures de route.

(Aïe ! Je ne peux pas refuser, elle va trouver ça louche ! Que va faire Bella ? Je lui laisserai un message à l’hôtel.) Entendu Natacha, c'est gentil de votre part (dans quel guêpier vais-je encore me fourrer !).

~~~~~~~

Sur un parking d’Osmaniye

  Après avoir écouté les enregistrements transmis par leur bureau, l’équipe Trineo décida de suivre les deux camions en se scindant en deux groupes. Le Lieutenant Chester et le sergent Yaëlle vont louer une voiture demain matin et suivront le premier sans doute vers la destination prévue au départ et Trineo et Costello fileront le second camion.

  Ils maintiendront un contact téléphonique entre eux et avec le PC d’Interpol. Solution approuvée par le PC après accord du capitaine Fleur mise au courant à Chisinau.

~~~~~~~

Notes : * Célèbre chanson du groupe Metallica.

    1) Excusez-moi, monsieur, avez-vous du feu ?

    2) je suis français.

    3) Français ? attendez !

JI 07/01/20

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