Chapitre 30

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Britess hurla, essayant de se rattraper à n’importe quelle prise, en vain. Du coin de l’œil elle vit le liquide se rapprocher. Il se mit à rougeoyer comme excité par la perspective de dévorer une nouvelle proie. Elle ferma les yeux et la bouche.

Son corps percuta la peste de mana qui l’enveloppa aussitôt. Des milliers de fils microscopiques pénétrèrent dans sa peau, se frayant un chemin à travers la moindre parcelle de son être. L’intense douleur la forçant à ouvrir la mâchoire dans un cri muet. La matière gluante s’engouffra dans sa gorge et dans ses yeux écarquillés par la terreur. Elle luttait pour ne pas perdre connaissance et se débattait dans un ultime sursaut inutile.

La peste de mana était plus qu’un simple liquide mortel. C’était une entité consciente, autrefois âme de dragon, à présent pestilence rampante chargée de haine qui avait soif de vengeance. Elle sentait en cette femme une magie incommensurable, mais sans pouvoir y goûter. Les fils fouillaient les molécules et les gènes de sa victime.

Un verrou !

Si la Peste avait pu sourire en cet instant elle aurait affiché une grimace de satisfaction. Elle commença à modifier l’ADN de Britess. Cela lui prendrait quelques secondes avant de pouvoir se repaître du mana de la nomic. Pourtant, quelque chose résistait et l’empêchait de tout briser sur son passage. Elle devait faire preuve de précaution, se concentrant sur le cadenas. Une fois brisé, elle pourrait effectuer les autres changements qui feraient de cette magnifique source d’énergie un zombie pour l’éternité.

Britess sentit le tatouage dans son dos s’étendre dans une brûlure qui la tint en éveil. La Peste ne la tuait pas immédiatement. Elle tentait de faire quelque chose, fouillant dans ses entrailles, son cerveau, son sang. Les fils d’encre dans son dos gagnaient du terrain, colonisant toute sa peau, formant des motifs complexes. L’esprit fiévreux de la femme se perdit dans des délires sans significations.

Elle pensait à sa jument Myrtille. Qui prendrait soin d’elle ? Certainement pas cette femme acariâtre, Hikari du clan de l’Anthémis. Elle remercia intérieurement ces gardes d’être là, pour empêcher cette aberration de se répandre dans la nature. Ses souvenirs s’entrechoquaient, la ramenaient sans crier gare dans la chambre de l’auberge de Lilia.

L’âme damnée du dragon se fraya un chemin, concentrant tout son savoir sur le défaut de la matrice génétique de la femme. Avec d’infimes précautions, elle commença à réparer les dégâts créés pour empêcher la magie naturelle de fonctionner.

Le dernier morceau du puzzle fut en place.

Plusieurs choses se produisirent dans le même instant.

La Peste se permit un instant de gloire, de quelques millièmes de seconde, un moment de satisfaction bien méritée, comme une dégustation anticipée du festin qu’elle allait pouvoir s’offrir.

Une puissance phénoménale déferla en Britess au moment où elle souhaitait être ailleurs. Son cerveau savait comment accorder ce vœu. Sa nouvelle magie le rendait possible. Elle connaissait un sort de transmondation ! Elle avait vu le Hache faire les gestes. En un souffle, l’image du sort se matérialisa dans son esprit.

Elle ne fut plus là.

Le Premier vit la Peste de mana se boursoufler et exploser avec un bruit sourd, éclaboussant les alentours de sa matière gluante.

Où était Britess ? Où était celle qui devait lui donner sa vie pour survivre ?

Britess se releva violemment, vomissant son dernier repas. Il éclaboussa le sol. Elle se releva, inspirant goulûment, les larmes inondant son visage. Un cheval poussa un hennissement incrédule suivi d’un fracas terrible. Myrtille, le sac de Britess attaché à la selle se tenait debout sur ce qui restait du lit qui venait de céder sous le poids de l’animal.

— Où suis-je ? fit une voix d’un calme qui aurait brisé une montagne.

Hikari du clan de l’Anthémis fronça les sourcils en voyant Britess tituber. Une bulle orangée fuyait le corps de la noire pour fondre sur Hikari.

D’un geste encore maladroit, Britess l’attrapa en vol et le contint dans son poing. Elle visionna l’enfer qu’elle venait de quitter et répéta le sort, se concentrant cette fois-ci sur la minuscule Peste. Hikari prit le bras de Britess et la força à ouvrir la main. Elle était vide, une profonde brûlure sur la paume. Des tatouages blanc et turquoise palpitaient sur l’ensemble de sa peau.

La porte claqua. Les deux serveuses et la patronne regardaient la scène avec des yeux ronds. Hallebarde passa la tête entre les jambes et miaula de plaisir en filant vers Britess, se mettant à ronronner contre elle.

Elle était de retour. Chez elle.

Britess se laissa aller dans les bras de l’inconscience et par la même occasion dans ceux d’Hikari.

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