Chapitre 18 - Azelie

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Mon portable vibrait avec violence sur la table de nuit. Je tâtonnais pour le prendre en regardant l’heure. Qui était le con qui me harcelait à sept heures du mat ? Je soupirai avant de décrocher sans regarder le numéro :


« Ouais… Qu’est-ce qu’il y a ?

- Azelie, c’est Yaëlle. Viens vite à l’hôpital. »


Je clignai des yeux avant de me redresser, allumer la lumière et me frotter les yeux. Elle avait dit quoi ?! Et surtout elle avait déjà raccroché, mais je n’avais pas aimé le ton de sa voix. Je sortis du lit, tirant Passiflore par les oreilles avant d’attraper un pull au pif, s’il y avait que le pull, y avait tout au pif. Je chopais mes affaires au vol, fourrant la peluche dans mon sac sans soin au milieu de mes papiers. Je sortis de mon appartement en courant, fermant à peine la porte derrière moi. Après une descente, où je manquais presque de me casser la figure, je bondis dans les transports en commun en me rongeant la peau du pouce. Je finis par envoyer un SMS à Yasmina, puisque Yaëlle ne répondait plus. Putain !! Mais il s’était passé quoi ?!


« Je suis à l’hôpital, Yaëlle m’a appelé je vous tiens au jus. »


Pas de réponse. Elle devait dormir, la chance. Enfin, non, personne voudrait recevoir ce genre de SMS au réveil. Et pourquoi Yaëlle m’avait appelé ? Non, ça pouvait pas être… Non ! Non ! Impossible, totalement impossible. C’était mort. Je me mordis les joues sans rien dire, rongeant mon frein. Ce putain d’hôpital était forcément à l’autre bout de la ville. Et forcément à sept heures y avait pas encore tout à fait tous les trams. Il faisait encore plus froid et j’avais pas assez de trucs chauds sur moi pour pas trembler un peu et claquer des dents. De temps en temps je passais ma main dans mon sac pour toucher Passiflore. Il allait bientôt retrouver sa maîtresse, tout irait bien, tout ira bien. Pourquoi est-ce que quelque chose irait mal ! Hein ?! Non, tout irait bien. Je me répétais ça comme un mantra, Cat ne pouvait qu’allait mieux de toute manière, c’était pas possible autrement ! Et puis quoi encore ? Non, non, non… Tout devait bien aller, tout… Y avait zéro raison pour que quelque chose se passe mal. Pas du tout. Je me mordis plus fort le pouce sans rien dire d’autre. J’eus l’impression que cela durait des années.

Je me précipitai dans les couloirs avant de monter quatre à quatre les marches jusqu’au couloir de la chambre de Cat. Je me figeais en voyant ses parents assis sur une chaise, livides. Non. Yaëlle était debout, mais elle pleurait. Non. Je m’avançais comme au ralenti et tournai la tête vers la chambre.


Vide.


Il n’y avait plus rien, même plus le lit de Cat… Vide… Non. Je refusai de comprendre. Je sentis les larmes dégouliner sur mon visage et le souffle me manquer. Une main se posa sur mon épaule. Yaëlle. Elle baissa les yeux un instant, le temps de prendre son souffle :


« Elle… est partie cette nuit. Vers trois heures du matin… Ils l’ont… Emmené. Elle est morte dans son sommeil. Ils… ils ont tout fait pour… pour la ramener, ils… ont pas réussi. »

Je n’arrivais pas à comprendre, pas du tout. Pourquoi… Non ! Pas ma Cat ! Elle ne pouvait pas… Elle… On avait prévu tellement de chose… J’arrivais pas… Yaëlle m’assit doucement et je me mis à sangloter sas comprendre quoi que ce soit. Ça faisait… juste… juste mal… C’était juste affreux. Ma copine, mon amour… Elle était partie… Elle pouvait pas ! Elle avait vingt ans, pourquoi… pourquoi… pourquoi elle… ? Les médecins pouvaient quand même pas… Ils n’avaient pas fait de leur mieux, j’en étais sûre… Yaëlle me tendit un papier. Je baissais les yeux dessus.


« Elle t’a laissé un mot. Pour les autres aussi. »


Je dépliais le papier, reconnaissant à peine l’écriture tremblante de Cat sur la feuille blanche. Je sentis mon cœur se déchiqueter sous chaque mot que je lisais. Je ne me sentais pas bien. Chaque mot… était juste horrible à lire, pas qu’elle… Je ne finis pas ma lettre, incapable. Je me recroquevillais juste sur moi-même en pleurant, oubliant tout autour de moi. La lettre était dans mes mains, il n’y avait pas le parfum de Cat dessus, rien que de l’encre et ses mots… Je pleurais simplement, c’était trop dur de la perdre, je ne pouvais pas la perdre… pas elle, pas la meilleure personne de cette terre… Fallait qu’on me l’enlève putain ! Je ne savais pas qu’il était possible de souffrir autant en quelques secondes. Je voulais juste que tout s’arrête.

Je restais dans un état léthargique les trois jours me séparant de l’enterrement. Je m’habillai de noir, comme dans un horrible cauchemar décousu. Yasmina avait décidé de venir s’assurer que… Je savais pas quoi, elle était là. C’était déjà ça, j’imaginais ? J’en savais rien, j’étais juste dans un autre monde… Yasmina m’aida à me lever, m’habiller en silence et à monter dans les transports en commun. J’avais toujours la peluche serrée contre moi. Les parents avaient décidé de faire une incinération et de ramener l’urne. Je préférais même pas imaginer eux ce qu’ils vivaient. Il y avait beaucoup de monde… Je le notai sans reconnaître beaucoup de visages, y avait Will bien sûr avec sa mère et sa sœur, Anna et sa famille, celle de Yasmina… Le reste… J’avais toujours la peluche contre moi, j’entendis Yaëlle, les derniers hommages.


« Azelie, tu n’es pas obligée… »


J’avançais dans la salle du cercueil la peluche toujours contre moi. Je la tendis au croque-mort :


« Pourriez lui donner ? Elle la serrait contre elle quand elle dormait. C’était sa peluche préférée. »


L’homme resta surprit et hocha la tête avant de prendre délicatement et de s’approcher de Cat. Je pouvais pas croire que c’était Cat dans cette boite. Je le vis toucher à quelque chose et il n’eut plus la peluche. Je m’avançai vers… et fermai les yeux avant de les rouvrir pour regarder. Elle semblait dormir. Elle était si maigre… La peluche était posée contre elle, glissée sous son bras, vraiment comme lorsqu’elle dormait. C’était pas Cathleen. J’arrivais… pas à y croire que c’était elle… Je reconnaissais ses traits, mais… sans ses cheveux, ses rondeurs, son sourire… Elle avait pas son sourire. Mon père m’attrapa au moment où mes jambes me lâchèrent, il me souleva doucement et me porta à la voiture. Il m’aida ensuite à m’asseoir dans la salle du funérarium. Je crois qu’il s’était écoulé du temps… Mais j’en avais strictement rien à foutre. Yasmina glissa sa main dans la mienne, William pleurait déjà, mais il était devant, pas à mes côtés. Y avait pas une personne dans cette putain de foule qui pleurait pas. Je m’attendais à ce que ce soit sa mère qui parle, mais ce fut Yaëlle qui s’installa derrière le pupitre. Elle inspira profondément, bloquant ses sanglots dans sa gorge, au fond d’elle, pour le discours. Il eut un instant de silence, qui dura longtemps, elle avait besoin de concentration, de temps…Tous le monde avait besoin de temps… Elle finit par ouvrir la bouche :


« Cathleen… aimait Le Seigneur des Anneaux, la musique, l’histoire, ses amis. Elle avait peut-être des goûts douteux sur ses films préférés en dehors de la trilogie, ou ses séries. Elle avait son langage et son monde à elle. Elle voulait juste découvrir le monde, elle voulait surtout voir la Norvège, la Finlande, mais surtout découvrir la Nouvelle-Zélande. Mais c’était Cathleen et personne ne pourra dire que c’était pas une fille gentille, ouais, dans son monde, mais c’était pas le genre de personne à se moquer de quelqu’un ou quoi. Nan, jamais, elle aimait le monde, tout le monde, elle n’a jamais compris la méchanceté.


Cathleen a été la grande sœur idéale, juste assez mauvaise à l’école pour pas être trop prise comme exemple. Mais elle m’a jamais laissé dans les emmerdes avec les devoirs, j’aimais pas l’école, mais j’aimais passer du temps avec elle pour faire mes devoirs. Parfois, je faisais exprès de pas comprendre, de lui demander de m’expliquer encore juste pour passer du temps avec elle. Je crois qu’elle le savait, mais elle a jamais rien dit, elle était juste là. Elle adorait mes grimaces, jouer avec son collier d’Arwen qu’Azelie lui avait offert. Elle pouvait passer des heures, immobile, à regarder un paysage derrière la vitre ou juste allongé sur son lit, sa chatte dans ses bras à la caresser et rester avec moi dans la cuisine pour goûter une pâtisserie et si c’était pas bon elle le disait toujours gentiment et même si c’était loupé elle le mangeait en entier. Je suis coupable de ses rondeurs… Quand j’ai eu des doutes sur mon orientation, tout un week-end elle m’a écouté m’angoisser avant juste de me sourire et dire « Fais ce qui te rends heureuse. Tu es jolie quand tu souris et que tu pâtisses. » et elle m’a montré une photo de moi entrain de cuisiner. C’est là que j’ai compris…


Cathleen. T’as toujours été là pour moi, t’as toujours été là pour nous tous. Un sourire, un clin d’œil. Tu riais à la plus vaseuse des grimaces, tu souriais pour tout, et tu te forçais même à manger alors que ça te rendait malade mes pâtisseries. Je te le promets, un jour, même si je mets trente ans, je serais championne du monde de pâtisserie. Un jour, je créerais une pâtisserie que t’aurais aimé, et elle porteras ton nom. Je te le promets Cat, j’espère que tu m’entends de ton Valhalla, je sais que tu croyais pas à autre chose, alors, j’espère que tu m’entends bien de là-haut…»


J’eus un sanglot et mon père me serra contre lui, je ne vis pas William pendant son discours, mais je l’entendis :

« Cat m’a sauvé la vie, y a longtemps. C’est pas une expression. Sans elle je serais pas là, peut-être en taule, peut-être… Juste pas là. Elle a réussit à briser mon armure et à me montrer ce qu’il fallait faire. C’était peut-être pas grand-chose. Mais ça m’a sauvé. J’aurais adoré pouvoir la protéger. L’aider… Mais j’ai pas pu. C’était pas faute de vouloir lui rendre la pareil, quand elle me l’a dit, je ne avais pas quoi faire pour elle, alors j’ai juste… été là, aussi longtemps que possible. Je sais pas si j’ai fait assez. Mais maintenant, je sais pourquoi lorsque je veux dessiner une personne gui écoute, qui protège… C’est une jeune fille, rousse, avec un grand sourire. Je l’aimais… autant qu’on peut aimer une sœur, une amie. Et… jamais quelqu’un pourra prendre sa place ou la remplacer dans mon cœur de cette manière-là. Je suis sûr… que même du Valhalla… Elle continuera de veiller sur nous et de nous protéger. »

Je perdis connaissance avant la fin de la cérémonie. Je pouvais pas supporter plus.

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