Chapitre 10 - Azelie

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Je profitais de la fin du cours pour aller discuter avec la prof d’écriture sur le concours auquel on m’avait, gentiment, forcé à participer. Visiblement pour lui c’était une bonne chose. Je m’appuyais sur le bureau derrière moi, les filles allaient m’étrangler parce que j’allais arriver en retard.


« Vous voyez que c’était une bonne idée de participer, même si ce n’était pas volontaire. Vous avez réussi. Je vais vous dire, vous avez peur qu’on vous remarque et qu’on regarde vos textes.

- Sans doute… J’sais pas trop, c’était… étrange comme sensation tout ça… Puis j’suis pas sûre que ça soit une super idée…

- Azelie, vous avez un vocabulaire oral qui tranche vraiment avec votre plume.

- Comment ça ? »


Le professeur eut un sourire amusé et rangea ses papiers.


« Vous mâchez vos mots, vous n’avez pas une articulation parfaite, vous ne faites pas… Je ne dirais pas un « effort »… mais on dirait que vous cachez votre potentiel. »


J’eus un rire amusé, presque mal à l’aise et haussai à nouveau les épaules.


« J’suis pas très à l’aise à l’oral, tout ça.

- Je vois, mais en attendant il y a un concours d’écriture organisé par le CROUS, vous devriez participer. »

Il me tendit une affiche et finit de ranger ses papiers. J’attrapais le papier avant de le regarder avant de remercier le professeur et de sortir pour rejoindre les autres qui me hurlaient, par SMS, de me dépêcher. Il y avait du monde, mais ils m’avaient gardé une place.


« T’étais où ? T’as eu un souci avec ton prof ? »


Anna… toujours à s’inquiéter pour un peu tout et n’importe quoi. Je soupirais en posant mon plateau sur la table.


« Mais non, je discutais avec le professeur, il m’a parlé d’un concours du CROUS d’écriture tout ça…

- Ah ! T’as déjà envie de refaire des concours ! Alors je suis fière de t’y avoir poussé. »


Je donnais un coup de coude à Yasmina sans rien dire avant de me mettre à manger et le m’arrêter.


« Mais c’est dégueu aujourd’hui !

- Ouais ! On aurait pu te le dire… Mais ça aurait été te gâcher la surprise. »

Je levais les yeux vers William qui jouait machinalement avec un crayon et léger sourire aux lèvres. Je fronçais les sourcils sans rien dire, serrant les dents avant de lâcher d’une voix venimeuse :


« Ouais, bah les surprises de merdes, tu t’les gardes. »


Il fronça les sourcils sans rien dire et posa son crayon. La tension s’installa presque immédiatement. William inspira profondément et je soutiens son regard. Yasmina posa une main sur mon bras et Anna serra la main de son chéri.


« Vous allez pas vous engueuler juste pour un repas du CROUS quand même ! »


Intervient Anna tentant de calmer le jeu comme elle le pouvait. William fronça les sourcils


« Certains ont juste besoin d’un café froid pour déverser leur haine et leur colère sur les autres. »


Il m’aurait frappé en pleins visage d’un coup de poing, je n’aurais pas eu plus mal.


« Tu m’compares à ton père là ?! »


Yasmina posa une main sur mon épaule, la colère illumina le visage de William qui secoua la tête.


« Interprète ça comme tu veux. Mais je n’ai pas de père. J’ai un géniteur, rien d’autre.

- Pourquoi t’me compares ?! T’crois que je suis comme lui ?! S t’as encore des problèmes avec lui c’pas à moi qu’il faut causer ! »


La colère montait brusquement, alimentée par la colère et l’inquiétude contre la maladie de Cait, mais aussi la jalousie que j’avais au fond de moi pour sa relation avec Cait. Je repoussai mon plateau vers lui, William le retient pour qu’il ne tombe pas, il gardait un visage très calme.


« Qu’est-ce qui t’arrives ? C’est pas la première fois qu’on se fait entre nous ce genre de connerie et ça te fait rire d’habitude.

- MAIS FERME TA PUTAIN DE GUEULE ! C’pas « comme d’habitude » là ?! T’crois quoi ?! Que ça m’fait plaisir vos blagues de merde ! Vous faites tous comme tout allait bien, mais vous vous foutez de Cat et d’son état ! Ah non ! C’est vrai ! Pas toi monsieur parfait ! Tu lui fais d’jolis dessins qu’tu lui portes à l’hôpital ! Ah t’dis que tu l’aimes comme ta sœur Cat ! Mais t’as tellement pas d’couille que t’es même pas capable d’aller lui parler ! Tu crois quoi ? Qu’avec tes gribouillages tu vas lui faire tourner la tête ?! C’est MA copine ! Pas la tienne ! T’entends ! MA COPINE. »

Il eut un silence, j’attrapai mon sac, ma veste, me levai et partis en furie sans rien dire de plus malgré le silence pesant dans la salle. Je sautais dans le premier tram venu et me laissais tomber sur un siège. À cette heure, il n’y avait personne. Je sentis mon téléphone vibrer, mais je ne répondis pas. J’avais pété un plomb, mais de là à le reconnaître, il fallait surtout que je redescende en pression. Je montai quatre à quatre les marches jusqu’à mon appartement que j’ouvris et claquai la porte derrière moi. Tant pis pour les cours de cet aprem. Je jetais mon sac dans un coin avant de sortir la fiche du concours et de m’asseoir devant mon bureau en me débarrassant de mon manteau et de mes docs. Je finis par prendre une feuille et noter le thème du concours en gros. « EUROPE. ». J’allais faire une carte mentale, puis je verrais bien ce qu’il sortait de ça pour un petit texte. Ou pas… Pourquoi me forcer à participer ? Le thème était cool… Mais je savais pas… Je risquais rien, je risquais juste de potentiellement gagner, mais il devait y avoir plein de concurrents meilleurs que moi, après si j’essayais pas, je ne pouvais pas savoir. Bon, fallait voir ça comme un défit… J’inspirais profondément avant de faire la carte mentale que j’avais pris l’habitude de tracer avant de débuter le moindre de mes textes, et cela juste après avoir mit de la musique. Je n’écrivais jamais sans musique.

Je relevai la tête après deux bonnes heures penchée à trouver des mots, à les relier entre eux et à les noter de différente couleur. Peut-être devrais-je me donner d’autres objectifs ? Comme mettre des mots particuliers ? Ouais… c’était une bonne idée, c’était toujours motivant. Je repris ma carte pour trouver les mots ressortant plus facilement pour moi avant de les inscrire sur un bout de papier. Je regardais mon ordinateur que je finis par allumer avant de relire le sujet du concours. Bon… et bien quand il fallait y aller… Je jetais un œil à mon portable, mais il n’y avait pas de message de Cait. Je préférais pas aller la voir après le fiasco d’à midi.

Le bruit de la sonnette me fit sursauter. Je coupai la musique avant de me redresser, mon dos craqua, et d’aller vers la source de la distraction de mon écriture en traînant les pieds. Allons bon… Il était quoi ? Je regardais mon portable. Dix-huit heures trente. Effectivement une petite pause ne me ferait pas de mal. Je jetais un coup d’œil par le judas… Ah. Yasmina. Effectivement… Je posai ma main sur la poignée et ouvris la porte, elle ne semblait pas du tout contente… Ce qui était… étrangement normale.


« Je peux entrer, Azelie ? »


Ah. Le ton « Polaire ». J’allais en prendre pour mon grade. En même temps j’avais cherché. Je m’effaçai et lui ouvris la porte. Elle se dirigea aussitôt dans la cuisine, plus proche de la sortie, posa son sac par terre et ses fesses sur une chaise en m’indiquant l’autre du menton. Maman Yasmina. J’obéis sagement.


« T’es fière de ce qu’il s’est passé à midi ?

- T’es ma mère maintenant ? »


Attaque contre attaque, ce n’était peut-être pas le plus intelligent.


« S’il faut que je le sois pour te faire prendre conscience que t’as été une grosse conne, oui ! »


Pour que Yasmina utilise ce genre de terme, elle était furax, je croisais les bras sur ma poitrine.

« C’la faute d’William.

- Oui et non. Il a fait une blague de merde, mais c’est habituel, c’est toi qui as réagi comme une idiote avec ta crise de jalousie ridicule.

- Il avait qu’à pas m’comparer à son père !

- Il t’a juste fait remarquer que tu t’énervais pour rien. Maladroitement, OK, mais il a juste fait ça. Et toi t’as réagi comme une abrutie.

- Parce qu’tu crois que c’est normal sa manière d’tourner autour d’ma copine ?! »

Je bondis de ma chaise, Yasmina resta très calme et soupira.

« Tu te calmes et redescends d’un ton avec moi. Toi et ta foutue jalousie vous allez vous taire. William et Cathleen se connaissent depuis des années, c’est grâce à elle qu’il a pu parler de sa situation, alors oui ! Il l’aime, il l’adore, mais c’est comme une sœur. C’est Anna qu’il aime comme une copine ! Et toi… Juste parce qu’elle lui fait confiance, qu’elle l’aime aussi comme un frère et qu’elle l’a appelé en premier parce qu’elle savait pas quoi faire… Que tu vas l’accuser de vouloir voler ta copine ?! S’ils avaient dû finir ensemble, tu crois pas qu’ils l’auraient fait il y a longtemps ? T’as blessé William, t’as blessé Anna, et je veux bien comprendre que tu es triste, inquiète tout ça. Mais ça ne te donne pas le droit de passer tes nerfs sur nous. Parce qu’on l’est tous ! Alors tu as intérêt à t’excuser dès demain ! »


Elle se leva, reprit son sac et me lança la main sur la poignée :


« Ah ! Et Anna et William sont allés voir Cathleen. »

La porte claqua avec violence derrière elle, je restais con devant ma table. Bon… et bien… C’était clair… Je regardais mon portable, même Cathleen était visiblement au courant. J’allais vraiment devoir m’excuser d’une manière ou d’une autre. Je reposais mon portable avant de me laisser tomber sur le canapé en pressant mes paumes contre mes yeux. J’avais mal aux épaules à force d’être tendue et sur le fil du rasoir. J’inspirai profondément avant d’expirer. Je n’avais pas envie de m’excuser. William avait aussi ses torts. Alors pourquoi est-ce que c’est pas lui qui devrait s’excuser ? Hein ?! Pourquoi j’étais la seule fautive ! Il m’avait comparé à un connard ! Je fulminai seule en frappant à coups répétés sur un coussin qui avait rien fait. Je n’arrivais pas à éteindre la colère en moi.

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