Chapitre 9 - Cathleen

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« Bonjour à tous, heureux de vous voir aujourd’hui. »


Je joignis ma voix pour aussi dire bonjour aux autres. J’étais en réunion de soutien pour les personnes atteintes de cancer. À croire que cette pratique était venue tout droit des États-Unis. C’était étrange de voir la manière d’être des gens ici. Je n’étais pas la pire, loin de là. Même si ce n’était pas… rassurant bien sûr… L’ambiance était très étrange, j’étais très silencieuse, je préférais écouter les autres. Bien sûr, je me disais que… Je ne savais pas réellement quoi penser de cette situation, on pouvait bien sûr se motiver et se rassurer entre nous… J’avais du mal à mettre de l’ordre dans mes pensées… J’avais mal à la tête, si bien que j’avais du mal à suivre la conversation et le cours de mes pensées. Mais soit… Ici on était entre malades et on connaissait les souffrances les uns des autres. Enfin d’une manière ou d’une autre. J’imaginais qu’on vivait la maladie à sa manière. Moi je préférais ne rien dire, garder ça à l’intérieur… C’était peut-être pas l’idée du siècle… Mais je préférais faire ça comme ça…


La séance se finit et « l’animateur », pouvais-je vraiment appeler ça un animateur ? Nous n’étions pas en colonie de vacance, s’approcha de moi. Je lui souris avant de rajuster le bonnet que je portai.


« Tu es… Cathleen ? C’est bien ça ?

- Oui. Que puis-je pour vous ?

- Tutoie-moi, cela ne sert à rien de se vouvoyer alors qu’on est entre nous. Je te vois régulièrement depuis quelques jours, c’est cool. Mais tu ne veux pas participer un peu ?

- Je… ne suis pas particulièrement à l’aise pour discuter de ça. Enfin pour moi. Je préfère écouter.

- D’acc, pas de soucis, mais si tu sens le besoin d’en parler, hésites pas ! »


Je lui fis un sourire pour le remercier avant de tourner les talons et partir rapidement, toujours aussi timide aurait dit Azelie. Elle me manquait… Mais j’étais fière d’elle aussi, elle le méritait de remporter ce concours. Et d’avoir un autre prix pour être la meilleure petite amie du monde. Il en fallait pour me supporter… Surtout en ce moment. Je savais bien que ce n’était pas ma faute cette maladie, mais cela me pesait quand même sur les épaules. Ce qui était logique, au vu de mon nouveau quotidien. J’observais le paquet de gâteau au chocolat que ma mère m’avait laissé sur ma tablette avant de partir. Je le pris, mais cela ne me donna pas envie si bien que je le rangeai avec le reste. Je finis par me laisser aller contre les coussins, j’étais… exténuée. Mon regard se porta également sur mes ongles tout cassé… Ça faisait mal… Avec tous les traitements… Je fermais les yeux et attrapai machinalement Passiflore avant de soupirer longuement.


« Chaton ! »


Je rouvris les yeux. Je m’étais endormie ?! Moi qui ne faisais jamais la sieste… Maintenant, je m’endormais n’importe comment… Je me frottais les yeux et regardai Azelie qui me sourit largement. Elle s’approcha pour m’embrasser avec tendresse et je la laissais faire avec plaisir. Elle glissa sa main dans la mienne pour la porter à ses lèvres.


« Ma princesse… Tu m’as manqué. Tu vas bien ?

- Toujours quand je te vois mon Chaton. Et toi ma douce ? T’as l’air fatiguée, c’est la première fois que j’te vois faire la sieste. Hors d’un voyage en voiture.

- Moque-toi, c’est confortable une voiture pour dormir. Les traitements me fatiguent, mais ça va écoute. C’est un mal pour un bien.

- … Est-ce que c’est parce que ça fait trois jours que j’t’ai pas vu… ou t’as vraiment maigri ? »

Je baissais la tête sur mon corps. J’avais toujours été un peu rondelette, mais cela ne m’avait jamais dérangé, j’aimais cela même, je mangeais des fruits, des légumes, mais j’étais ronde. Et je m’en foutais : les quelques vagues kilos que j’avais en trop ne m’avaient jamais emmerdé… Et c’était vrai que depuis que j’étais à l’hôpital, j’avais perdu beaucoup de poids. Je désignai la potence d’un signe de tête.


« C’est ce truc qui me nourris maintenant. »


Il eut un silence… Je n’arrivais plus à manger et elle l’avait parfaitement compris, elle serra simplement délicatement ma main. Qu’est-ce qu’elle pouvait dire d’autre ? Même moi je ne pouvais rien dire. C’était comme ça, on n’y pouvait rien. Je soupirais un peu avant de reprendre la parole :

« Bon et sinon, ton voyage ? C’était comment ?

- Tu parles, Yasmina m’a torturé à l’hôtel en m’obligeant à regarder des concours de Mini-miss aux États-Unis !

- Et sinon ?

- T’as vraiment b’soin qu’j’te raconte ? Y en a pas une qui a joué à la journaliste ? »


J’eus un rire devant son air boudeur avant qu’elle ne se penche vers moi pour poser ses lèvres contre les miennes. Je la laissais faire, heureuse de l’avoir contre moi. Qu’est-ce que je pouvais réclamer d’autre à cet instant ? J’aimais qu’elle soit là. Azelie entreprit ensuite de me raconter sa version des faits de la cérémonie, même si j’avais eu la vidéo. Je préférais ainsi avoir sa propre manière de raconter. E discours m’avait beaucoup touché. Après un moment elle s’arrêta :

« Et toi tes groupes de soutiens ?

- Et bien… C’est très… Américain ? Si on peut dire ? Tout le monde se dit bonjour, on discute, on parle… Enfin…

- Les autres ? Pas toi ?

- Je n’aime pas trop parler de ce que je ressens.

- Et c’est à ta p’tite amie que tu dis ça ?

- Ne te moque pas…

- Moi j’aime bien… Je sais lire dans tes yeux depuis le temps ma rousse. »

Je ris doucement à sa remarque avant de l’embrasser de nouveau. On passa un moment ensemble à discuter avant qu’Azelie ne doive partir. Elle n’avait pu rester très longtemps en réalité elle était arrivée tard… Je ne me souvenais déjà plus de son emploi du temps. Moi le mien était plus que simple… Sans doute plus simple, mais peut-être plus triste également. Après tout mon quotidien était de vivre dans un hôpital, les activités et les occasions de sortir étaient bien moindres comparées aux siennes. Cependant, j’en profitais pour rattraper mes lectures dans les classiques, ou dans mes recherches pour mes masters. Malgré le fait que j’étais à l’hôpital, je pouvais bien préparer mon avenir, après tout j’avais quand même accès aux cours, on pouvait remercier les plateformes numériques. Et les professeurs qui pensaient à mettre leur diaporama dessus. C’était suffisamment rare pour que cela soit appréciable. Dans un geste habituel et entièrement mécanique je glissai une mèche inexistante derrière mon oreille et je sentis quelques cheveux me tomber sur les épaules. Un frisson me remonta l’échine et j’époussetai mon épaule avec un geste lasse. Heureusement que les soignants les avaient coupés court à mon entrée ici. Mais ce n’était plus la peine d’y penser, je devais me concentrer sur mon travail, mes études. Je ne voulais pas être trop en retard en sortant. Je ne savais pas encore quel master je ferais, je naviguais sur ceux de ma fac avec attention. Je n’avais pas envie d’en partir… Mais je savais très bien que j’allais devoir regarder ailleurs. Savait-on jamais, même si je n’aimais pas cette idée. Cependant il fallait être réaliste, il y avait une possibilité que je n’ai pas mon master, surtout à cause de cette maladie.

Je refermais l’ordinateur avant de soupirer longuement. Mon regard se porta sur l’extérieur sans que je ne bouge plus. Autour de moi le calme et les ombres de la nuit. Jean était passé me voir pour la perfusion, tout cela, il y a bien une heure. J’avais l’impression que le temps n’était plus le même autour de moi. Je cillai en voyant mon reflet dans le reflet déformateur de la glace. Cette maladie, je voyais bien ma mère faire de gros efforts, tout faire pour paraître forte, pour me faire croire que tout allait bien. Non, tout n’allait pas bien, je le savais très bien. Mais il fallait vivre ainsi, j’allais guérir et bientôt tout cela serait derrière moi. Je souris à mon reflet. Il fallait y croire d’une manière ou d’une autre. Il fallait croire à la médecine, j’avais été prise en charge rapidement, j’avais toutes les chances de mon côté. J’étais jeune, robuste, j’allais vraiment pas mourir pour ça. Mais cela me blessait de voir la souffrante de mes proches. C’était bien ça le pire. Je passais une main sur mon visage, fatiguée par avance de tout cela. Je ne pouvais rien lâcher, tant pis si j’allais repiquer cette année ! Mais le plus important c’était aussi… que je me soigne, que j’aille bien, et que j’avance. C’était ça, il ne fallait pas voir le chemin qu’il me restait a parcourir, mais déjà tout ce que j’avais fait. D’ici quelques mois tout irait mieux, je retrouverais ma vie d’avant. Oui, ce que je vivais ce n’était pas facile ! Mais il y avait pire que moi, je pouvais toujours rebondir. Puis… Puis j’y arriverais ! Je passais une main dans mes cheveux, je sentis une pluie tomber sur mes épaules. Bientôt j’aurais aussi une jolie crinière magnifique. Moi qui râlais sur mes pointes abîmées, là elles seront parfaites.


Je fermais les yeux en regardant la perfusion dans mon bras. Il fallait juste être patiente, c’était tout. Bientôt ça serait fini… Je me redressai un peu et souris gentiment à Jean qui s’approcha avec le plateau.


« Tu veux tenter de manger ? Ou du moins j’aimerais que tu boives un peu. OK ?

- Je veux bien boire, manger… Si c’est pour passer la nuit sur les toilettes à vomir, je passe mon tour. »


Il hocha la tête et repartit aussi vite. Je me demandais vraiment combien d’heures supplémentaires les infirmiers et le corps médical faisait… Et dire qu’on leur tapait dessus pour tout et n’importe quoi. Où était l’argent des hôpitaux ? J’en savais rien… C’était à ceux d’en haut qui savaient. Je me forçais à boire un peu avant de me rallonger, j’étais tellement fatiguée… J’imaginais très bien que c’était les médicaments, la maladie… Mais j’avais même l’impression que mes veines pesaient des tonnes. Jean repoussa la tablette et replia l’ordinateur avant de sortir après m’avoir souhaité une bonne nuit. Est-ce que c’était possible d’avoir une bonne nuit. En écoutant avec attention, je pouvais entendre les milles et un bruit de l’hôpital. C’était vraiment comme une fourmilière qui ne dormait jamais. Je finis par m’endormir et ce fut la main de ma mère dans la mienne qui me réveilla.

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