Chapitre 7 - Cathleen

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Le rendez-vous avec la médecin avait été… utile ? Je n’en savais que trop rien en réalité… Nous avions discuté de mon traitement, de ma maladie, de tout cela. C’était étrange cette situation… J’observais le parc par la fenêtre en plissant légèrement les yeux. Il y avait un petit garçon jouant avec ses parents dans le parc avec un gros chien… Un truc énorme, qui ressemblait du coup plus à un petit ours blanc qu’à un vrai chien. Mais le gamin en soit était en fauteuil roulant et jouait au bâton. Je n’avais jamais vu un chien aussi énergique, bondir presque à un mètre du sol, retomber, revenir plus rapide qu’avant et cependant freiner et poser tout doucement le bâton sur les genoux de son maître. J’aimais bien regarder cette scène, c’était… apaisant. Le gros chien blanc. Le nom me revient brutalement en mémoire : un Patou. Un ? Ou une ? Aucune idée. Le petit garçon finit par rentrer entre les murs de l’hôpital. Je me frottais le visage, légèrement fatiguée, avant de m’asseoir à nouveau sur le lit et observer le mur en face de moi. Le rendez-vous de ce matin me tournait en tête et je finis par me prendre le visage entre mes doigts et presser mes paumes sur mes paupières en expirant. Je me devais de rester calme, ne pas paniquer. Comme ma mère.


Je me redressais lentement avant d’attraper une feuille et un stylo… avant de tout reposer. Je ne savais pas du tout si c’était une bonne idée. Et puis j’avais le droit de sortir de ma chambre pour me balader un peu. Autant faire une vraie rencontre. Je n’avais pas de perfusion aujourd’hui, je pouvais me promener librement dans l’hôpital. J’imaginais qu’il était au service pédiatrie… Et, je ne savais pas où était cet endroit. Je sortis de la chambre et observais un instant autour de moi avant de voir une infirmière. Cette dernière m’indiqua très gentiment l’endroit et je la remerciais avant de m’y diriger à pas souple. C’était étrange pour moi d’être en pyjama même à dix heures du matin un jeudi. Pas que cela me dérangeait, je me plaisais à rester en pyjama lors des weekends avec mes chaussons à la forme de licorne. C’était un cadeau d’Azelie, il était absolument hors de question que j’en mette d’autre.


Les couloirs étaient un véritable dédale… Une sorte de dédale angoissant. Je n’avais jamais aimé les hôpitaux et j’applaudissais les infirmières qui faisaient un travail de dingue… pour une paye de misère… Je soupirais et passais une main sur mon crâne lisse. C’était étrange… Je craignais d’avoir un rhume, si bien que j’allais finir par demander à ma mère un bonnet pour ne pas subir ce problème. J’avais déjà de mon cancer pour ne pas vouloir subir en plus un rhume. Les couloirs restaient malgré tout angoissant… Définitivement, je n’aimais pas les hôpitaux. Même si pour l’instant j’y vivais. Vivre quelque part ne voulait pas dire apprécier y vivre. Mon petit appartement étudiant me manquait affreusement. Et encore plus ma chambre chez mes parents… De toute manière, actuellement je n’avais pas le choix.


Après avoir erré un moment dans les couloirs et répondu à un message de ma mère pour lui dire que je me dégourdissais un peu les jambes. Même si je n’étais pas sûre d’avoir réellement le droit de déambuler de la sorte… Je repesais un peu à Yiddish Tango et souris tristement en secouant la tête. Pédiatrie. Je poussais la porte du service et observais autour de moi. Il y avait une petite salle de jeux, des peintures aux murs. On sentait bien la différence entre mon service et le sien. Je reconnus les parents sortir d’une chambre et je me dirigeais vers la porte et reconnu le petit garçon. Sa chevelure avait la teinte du chocolat noire alors que sa peau tirait plus sur le caramel avec deux yeux d’un bleu surprenant. Tout au plus il devait avoir huit ans au maximum. Huit ans et en fauteuil roulant… Je frappais délicatement à la porte et il m’observa avec attention. Je lui souris.


« Bien le bonjour, je peux rentrer ?

- Salut ! Euh… ben… oui ? »


Je m’avançais jusqu’au lit et lui souris. Je ne savais pas si je pouvais m’asseoir, je rouvris la bouche, mais il me coupa


« J’adore tes chaussons. Ils sont trop beaux.

- Ils sont beaux, c’est vrai. Je me nomme Caithleen et toi ?

- Tu parles comme une grand-mère. Moi c’est Jacob.

- C’est parce que j’étudie l’histoire. Alors j’ai pris l’habitude de parler comme cela. »


Jacob avait un franc parlé que je trouvais tout à fait adorable. Il me fit un sourire avant de rire aux éclats. Il me tira la langue et passa une main dans ses cheveux.


« Tu vas me faire croire que tous les gens de ta classe parlent comme ça ?

- Et bien… Peut-être ? Je ne les connais pas tous.

- Ahaha ! D’accord ! Pourquoi t’es venu me voir ?

- J… J’avais envie de faire ta connaissance. Je t’ai vu par la fenêtre de ma chambre, avec ton beau chien.

- Oh ! Tu m’as vu avec Baldr ! Il est beau mon chien ! C’est mon chien à moi. Il est trop gentil ! C’est un gros nounours !

- Oui ! Il est magnifique.

- Dis, pourquoi t’as plus de cheveux ?

- On me les a coupés quand je suis rentrée à l’hôpital. Pour qu’ils ne tombent pas partout.

- Ah.

- Et toi ? Tu acceptes de m’expliquer pourquoi tu es ici ?

- Je suis tombé et du coup me suis cassé les jambes d’une façon étrange, du coup, je dois me faire opérer… Et c’est pour ça que je suis en fauteuil. J’ai hâte d’être guéris ! »


Je souris face au petit. Il avait une sacrée vivacité, il s’agitait dans tous les sens avec son ours en peluche. C’était adorable. Je crois que je ne saurais jamais vraiment ce qu’il lui était arrivé, à moins bien sûr d’interroger ses parents, mais cela était déjà assez étrange d’aller parler à un enfant sans même le connaître simplement parce que nous l’avions vu de loin et que nous avions trouvé son chien beau. Après tout il y avait plus stupide comme rencontre… J’en étais presque sûre. Je repris la parole :


« Quel âge as-tu Jacob ?

- Six ans.

- Je croyais que tu en avais huit.

- Nan, j’en ai six !

- Je crains être très mauvaise pour deviner les âges. »


Je ris à nouveau amusée par le petit garçon. Il était absolument incroyable. Il se pencha comme il put, je restais attentive pour qu’il ne tombe pas, mais il se débrouilla très bien tout seul et me tendit un livre. Je lus à l’envers le titre Les zinzins de l’assiette.


« Tu m’le lis s’il te plaît ? »


Je pris doucement le livre de ses mains pour bien voir la couverture avant de tourner le livre pour lire la quatrième de couverture. Je ris doucement en avançant ma chaise près de la tête du lit.


« Ta maman ne cuisine pas bien ?

- Oh si ! Comme papa ! Ils font un super bon porc Mushu ! Le même que celui du super

héros. »


Le porc Mushu ? Comme le dragon de Mulan ? Et quel super héros parlait-il donc ? Aucune idée... Azélie aurait pu m’aider. Je haussais les épaules, je lui demanderais plus tard.


« Tu ne sais pas lire ?

- Si un peu, mais j’aime qu’on me lise des histoires.

- D’accord. Tu l’as déjà commencé ?

- Nan !

- Alors... On va le commencer tous les deux. »


Il s’installa avec son nounours et je me mis à lui conter l’histoire pendant quelques minutes jusqu’à ce qu’un infirmier ne rentre dans la chambre. Je levais les yeux et l’observais un instant, il avait une tête de nounours.


« Oh ! De la visite. Je crains qu’elle ne doive s’arrêter là. C’est l’heure de manger. »


Ah. Mince. Je dis au revoir à Jacob en lui promettant de revenir le voir avant de partir rejoindre mon unité de soin. Ouf ! Le plateau n’était pas encore arrivé. De toute manière, au pire : j’avais de quoi faire avec les compotes et les soupes qu’on m’avait gentiment livré. Je m’assis sur mon lit et soupirais longuement. Je n’aimais pas du tout cette fatigue qui me pesait lourdement sur les épaules. J’observais l’intérieur de mon bras.


Il y avait un nouveau bleu... Encore.


« Encore un bleu ?

- Oui, bientôt j’aurais une galaxie inversée sur le corps... Les étoiles en bleus et le ciel en

blanc.

- Ça serait très original. J’espère que tu aimes la viande rouge et les brocolis.

- Les brocolis moins, mais puisqu’il faut que je mange un peu.

- Ça aide pour guérir. »


Jean déposa le plateau sur la tablette du lit et je m’installais pour manger. Il s’arrêta

un instant et me fit un clin d’œil.


« Tu veux une compote maison ?

- Oh oui ! Pourquoi pas. Si je ne la finis pas au repas, je la finirais dans l’après-midi.

- Parfait, je t’amène ça après. »


Il repartit et je penchais mon attention sur le plateau avant d’attraper mon portable et d’appeler avec la caméra Azelie qui décrocha immédiatement. Nous faisions comme nous le pouvions pour nous voir et discuter entre deux cours. Visiblement le repas chez eux non plus n’était pas des plus agréables. Cela arrivait régulièrement, on faisait tous avec notre propre nourriture. Nous ne devions pas nous plaindre, manger était déjà bien. Jean déposa la compote dans un bol sur la tablette et je plongeais ma cuillère dedans en riant à une blague d’Anna. Ils avaient visiblement décidé de faire un nouveau paquet de nourriture. Pourtant, je mangeais beaucoup qu’avant. Il fallait l’avouer que bien souvent la nourriture ne passait pas aussi bien que je l’aurais voulu. Je tentais de les tempérer comme je le pouvais. Mais ils avaient tous une idée en tête… Et je n’arriverais pas à leur en sortir. Je coupais après un petit moment sur la promesse de William de venir me voir, même s’il y avait ma mère. Il fallait dire que ma mère avait longtemps espéré nous voir en couple… Tant pis, moi c’était Azélie que j’aimais. Heureusement que mes parents le vivaient très bien. Je savais que ce n’était pas le cas de tout le monde.


Ils vivaient moins bien ma maladie… Peut-être que dans ce cas, il y avait ma vie en jeux ? Ce qui était donc logique… En tout cas… pour ma part le plus étrange pour l’instant était quand je prenais la douche et que je passais ma main sur mon crâne et au lieu de sentir ma tignasse, je ne sentais que la peau de mon crâne… C’était pour moi le plus perturbant dans mon physique pour l’instant. Même si je savais très bien que j’allais aussi probablement maigrir beaucoup, mais pour l’instant je gardais mes formes. J’avais de longues discussions avec le médecin pour tout comprendre… Parfois le soin passait également par la souffrance du corps. Je savais très bien que le chemin de la guérison allait être très long… Il me fallait juste être patiente… Je recueillis l’eau chaude de la douche dans mes mains avant de me frotter le visage avec un soupir. C’était toujours étrange l’hôpital, je n’y étais pas depuis très longtemps, mais je l’avais bien compris. Les infirmiers et infirmières n’avaient pas le temps toujours de s’occuper de tout le monde. J’ignorais encore comment Jean pouvait le prendre pour moi, pour m’aider et parfois prendre quelques instants pour discuter. Après, j’étais pour l’instant autonome…


Je sentis mon estomac se soulever et j’écartais le rideau de la douche, relevais la lunette des toilettes pour tomber à genoux devant. Je sentis la bile me brûler la gorge quand elle se déversa dans la cuvette accompagnée de mon repas du soir. Je tremblais de tous mes membres et claquais des dents. Je repris mon souffle entre deux haut-le-cœur. Je sentais l’eau tomber sur mes pieds, je retournais à quatre pattes en dessous en me gargarisant la gorge pour chasser le goût acide que j’avais en bouche. Tout doucement je repris un rythme cardiaque normal avant de prendre appuie sur le mur pour me redresser et finir ma douche. Je m’essuyai doucement la bouche et le visage avant de m’enrouler dans la serviette et de passer l’éponge sur mon crâne. À nouveau le manque de mes cheveux se fit sentir. Je m’enroulais soigneusement dedans. Mes doigts trouvèrent mon portable pendant que j’enfilais mon pyjama. Je sélectionnais le numéro de ma mère avant d’écrire :


« Pourrais-tu m’apporter un châle s’il te plaît ? J’ai froid à la nuque.

- D’accord je t’amène le mien demain »


Je lui envoyais un petit bisou avant de me laisser tomber sur le lit avec un soupir profond. J’observais le pot de compote avant de me relever pour le prendre et me diriger vers les toilettes. Rien que de voir sa couleur me levait le cœur. J’avais commencé les traitements, bien sûr, il fallait bien les commencer à un moment où un autre… Et je me doutais fortement que ces vomissements étaient dus à cela. La journée était passé… remarquablement vite, pour une journée à l’hôpital. Demain je devrais sans doute passer voir Jacob… Si j’étais pas trop fatiguée… Je me relevais pour fermer les volets en observant un instant le ciel… J’avais envie d’aller m’y envoler… Je secouais la tête avant de refermer la fenêtre pour me laisser tomber dans le lit. Je rallumais la lumière en sentant un manque. Où était Passiflore ?! Je me relevais en fouillant avant de le sortir sous le lit. Je soupirais de soulagement avant de me réinstaller dans le lit et de frotter mon nez à son tissu. Rappeux à souhait, mais actuellement je ne m’en passerais pour rien au monde. Je pris une profonde inspiration avant d’expirer lentement. Il fallait que je m’endorme.


« Tiens, du coup le foulard je te l’ai ramené.

- Merci… »


Je pris le foulard des mains de ma mère pour l’enrouler autour de ma gorge et de ma nuque avec un soupir de soulagement. La conversation flotta autour de nous sans qu’aucun d’entre nous n’arrive à l’attraper. Ma mère posa sa main sur la mienne et je soutiens son regard.


« Tu as l’air fatiguée ma puce.

- Un peu les traitements sont lourds… Même si ça vient juste de commencer.

- Si je te dis que c’est qu’un mauvais moment à passer… ça te rassure ? »


Je ris et me laissais aller contre ma mère qui m’embrassa le front avec douceur. On discuta un long moment toutes les deux avant qu’elle ne parte. Je bus un peu d’eau avant de m’appuyer contre mes oreillers. Ah oui ! Il fallait que je visse Jacob. Je rajustais le foulard autour de ma gorge avant de me relever pour sortir reprendre mes déambulations. Non définitivement, je n’aimais pas les hôpitaux, pas du tout. Mais il fallait bien se soigner d’une manière ou d’une autre. Et même si je n’étais pas une fervente adepte de me gaver de médicament et que je préférais limiter au maximum le fait d’en absorber, et bien j’avais mes vaccins à jour et je venais me soigner à l’hôpital. J’observais le service pédiatrie avec un nouveau soupir, c’était tellement triste de voir ça, des enfants souffrants et étant blessés… Bon, je n’avais vu que la partie immergée de l’iceberg, je ne m’amusais pas à aller en service de néo-natologie ou ce genre d’endroit. Je n’en avais pas le courage. Je frappais à la porte de Jacob et il me sourit largement.


« Coucou jeune grand-mère !

- Bonjour. »


Je m’avançais avant de m’asseoir près de lui. Il se pencha pour regarder mes chaussons que j’avais toujours aussi ridicules. Mais moi je les aimais ainsi. Il me donna un nouveau livre et je m’installais pour lire un petit moment avant de devoir retourner dans ma chambre. Jean me sourit et déposa le plateau devant moi alors que je m’assis maladroitement sur le matelas en passant une main dans mes cheveux. Je sentis quelques mèches tomber dans mes doigts. Déjà que je n'en avais plus beaucoup puisqu'ils m'avaient rasé le crâne. L’infirmier m’observa avec attention.


« Ça commence.

- Il semblerait. J’aurais de beaux cheveux après. »


Jean me sourit gentiment et observa avec attention le plateau que je ne touchais pas. Il prit en silence les quelques mèches que étaient sur le lit, Il plissa le nez avec attention.


« Tu n’as pas faim ?

- J’ai peur de vomir.

- J’aimerais que tu manges un peu. Rien qu’un peu. »


Je soupirais un peu avant de mâcher avec application ce qu’il y avait dans l’assiette. Mais soit, ce n’était pas forcément très bon, surtout avec moi. J’avais l’impression d’avoir du coton dans la bouche. Jean se gratta la joue.


« Il y a un cercle de discussion cet après-midi. Pour les patients de ton âge. Est-ce que tu veux y aller ?

- Serais-je obligé de parler ?

- Non, tu parles si tu en as envie.

- Eh bien… Pourquoi pas… cela peut me faire du bien…

- OK ! Je viendrais te chercher dans une heure. Ça te laissera le temps de te préparer. »


Je hochais la tête en silence et il sortit. Eh bien je savais quoi faire de mon après-midi.

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