Je suis en train de reprendre mon journal. Pourquoi ? je me demande bien pourquoi. Ça doit faire… Pfff, dix ans ? Quelque chose comme ça… D’accord peut-être pas dix ans. En fait, je suis retombée sur une photo que j’avais complètement oubliée. C’est un selfie, vieux, très vieux, il date de ma troisième année de fac. Ouais, toi tu sais bien de quoi je parle… Bah… depuis le temps qu’on se connaît… Ça fait quoi ? Trente ans ? Je sais plus trop. La mémoire me fuit. À mon âge, c’est moche. Enfin je dis ça, avec ce maudit selfie, j’ai tout qui me revient en tête. C’est horrible. Je sais ce que tu dois te dire, Albert, je me suis aperçu que je t’avais appelé comme ça, enchanté à nouveau Albert. Donc ! Je sais ce que tu te dis : « Roh, mais elle me casse les couilles à me chialer dessus pour une photo. » Alors, déjà… Albert t’es hyper vulgaire, comme moi, et franchement c’est pas bien ! T’as pas honte ? Et ensuite : va te faire ! Je suis triste et je te pleure dessus si je veux.

Bon, en fait, quelque part, si, c’est très con de pleurer pour une photo. Tu as tout à fait raison. En soi, la photo je m’en cogne ! Tu comprends ça Albert ? Puis franchement c’est pas la plus belle que j’ai. En fait, si tu veux tout savoir sur ce qu’il s’est passé entre elle et moi je vais te raconter. Même si t’as pas envie t’as pas trop le choix, j’ai besoin de parler. Je l’ai retrouvée et je suis allée ouvrir le carton. J’en ai un énorme avec des tas d’affaires, de papiers, des fringues, des CD. Enfin, tout un tas de merdier à elle. Je sais toujours pas pourquoi j’ai pas tout balancé. Après tout, c’est elle qui m’a quittée, qui m’a lâchement abandonnée. Elle ? Albert tu suis pas, je te parle de Cathleen. Elle m’a quittée en me laissant seulement une lettre. Tu parles d’une petite amie ! Dire qu’on sortait ensemble depuis la fin du lycée ! Ouais. L’Amour c’est plus ce que c'était : on s’envoie des SMS pour dire qu’on s’aime et on s’écrit des lettres pour se dire au revoir.

Elle nous a tous laissés en plan.

Moi, eux, le groupe de musique… Dire qu’elle avait un talent de dingue pour chanter. Avec elle, on aurait pu aller bien plus loin que ce qu’on est allés tous les six. Dire que les autres ont tenté de me dire que ce n’était pas sa faute, qu’il fallait la comprendre, qu’elle avait fait de son mieux. J’aimerais les croire, penser que c’est uniquement de ma faute, je n’y arrive pas. Tu sais quoi Albert ? Je suis retombée sur sa lettre…