Chapitre 17

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Je sors de la planque.

Désormais une centaine de journalistes se tiennent immobiles au milieu de la salle de sport.

Le temps semble s’être arrêté.

Tous attendent une réaction de ma part. Certains me regardent attentivement, essayant de lire sur mon visage. « A-t-il réussi ? »

Arthur et son binôme se détachent sous le regard incrédule de la foule.

Une goutte coule le long du front du présentateur.

Il s’approche timidement, Dario me pointe son objectif dessus.

Arthur ne dit pas un mot et me tend son micro.

Je balaye la salle du regard pour finir par fixer la cam de Canal 7.

- Et bien chers téléspectateurs…Je pense qu’il est temps d’aller faire un joli dodo, demain boulot ! Vous ne craignez plus rien, la ville est maintenant en sécurité, vous pouvez dormir tranquille !

Je termine ma phrase en hurlant et levant le poing de la victoire.

Explosion de joie.

Pleurs. Crépitements de flashs. Applaudissements.

Les gens se prennent dans les bras, la pression retombe. La masse humaine se jette sur moi, me félicite, me tape dans le dos. Leur regard admiratif me fait prendre conscience de ce que je suis.

Un héros.

Puis le professionnel reprend le dessus.

C’est un véritable défilé.

Des dizaines de micros m’entourent.

« Lapin , Steven Brookman de la chaine NBFFWK. Comment sort-on indemne d’un tel moment de stress ? Toutes ses vies entre vos mains, est-ce soutenable ?

- Écoutez, dans ces moments-là, on ne calcule pas. J’ai fait une promesse aux habitants de cette ville. Je me suis fait une promesse en enfilant ce costume. Protéger les miens jusqu'à mon dernier souffle, et voyez par vous-même, on a encore de la marge, je dis en me tapant fièrement les poumons.

- Lapin, Rose Mc Connors pour Channel 111. Comment avez-vous réussi à désamorcer cette effroyable bombe ? Auriez-vous l’intelligence et le savoir aussi puissants et étendus que vos biceps saillants ? me dit une journaliste en me dévorant des yeux et me caressant le bras gauche.

- Merci, c’est très flatteur. Vous savez, je ne suis qu’un homme. Déterminé, observateur et surtout intuitif. J’ai longuement analysé le schéma du détonateur pendant deux secondes. Un feeling et surtout beaucoup de chance. Beaucoup de chance d’être parmi vous ! Parmi cette ville ! Si j’ai vaincu, c’est surtout grâce à vous !

La foule s’emballe, scande mon nom. Ils seraient assis par terre, ils me feraient une standing ovation.

Ça applaudit de plus belle. Concert de sifflets, une holà s’improvise dans le gymnase.

Je prends la parole une dernière fois.

- Merci à tous et à toutes, je vais devoir vous laisser. J’ai eu une journée assez éprouvante, je souhaite retrouver mes proches pour les prendre dans mes bras. Je vous aime !

« Comme il est mignon »,

« C’est un héros, c’est notre héros »,

« Que son costume lui va bien ».

Je pose vite-fait pour quelques photos, je m’éclipse, laissant la frénésie du gymnase pour le silence morbide des couloirs.

Ça commence à puer la viande avariée.

J’arrive enfin devant la salle de classe. Les enfants se font évacuer à l’extérieur.

Je retrouve Lucy qui me saute dans les bras, suivis de Garret et Ed.

- Putain, t’as assuré mon lapinou ! Lucy me dévore la joue de baiser.

Je la repousse légèrement. Sans effet.

Je la repousse plus fermement, elle est tenace.

Je colle ma bouche contre son oreille.

- On se casse. Vite.

- Ça va, profite un peu, c’est ton quart d’heure de gloire, tu l’as bien mérité.

Je lui chope la tête à deux mains et la fixe.

- Lucy. On se casse. On se casse d’ici et vite !

Elle n’aime pas ce regard.

Moi non plus, je n’aime pas avoir ce regard.

Mais c’est le regard qui correspond le mieux à ce genre de situation.

- Lapin…non c’est pas vrai…ne me dis pas que…

- Oui.

- Non ! Putain ! T’as pas réussi à désamorcer la bombe ?! C’est pas possible ?!

- Oui.

- Oh non.

- Mais tu croyais quoi ? J’y comprends rien moi à tous ces trucs électroniques, ces fils, ces machins ! Je la tire par le bras pour se barrer.

- Merde ! Mais c’était quoi tout ce cinéma avec les journalistes ? Les applaudissements ?

Je lui fais signe de parler moins fort, faudrait pas qu’on nous entende.

- Mais quoi ?! Je n’allais pas leur dire, oh ben je suis désolé, faites vos prières on va tous crever, j’ai perdu mais l’important c’est de participer ! Ils auraient paniqué, Les habitants aurait paniqué, ils auraient essayé de quitter la ville, du coup, bouchons de malades et on aurait été bloqué ici avec eux !

Lucy se passe les mains sur le visage et éclate en sanglots.

- Allez, allez, on se reprend, c’est pas le moment, passe-moi les clés de la caisse. Garret ! Ed ! Il est tard, on y va !

Lucy déguerpit, accompagnée de son neveu et Ed.

Une petite fille me tire le bras.

C’est Marion. Qu’est-ce qu’elle fout là encore ?

Elle me tend une feuille avec un dessin dessus.

Un dessin approximatif d’un gars habillé en lapin avec une batte carotte qui écrase la tête d’un policier éventré suspendu à une corde.

C’est assez perturbant.

- Merci ma puce, c’est toi qui l’as fait ?

- Oui, c’est pour te dire merci.

Je suis un peu gêné.

- Oh… tu sais, c’est pas grand-chose.

- Moi, quand je serai grande je serai comme toi ! Une justicière et je sauverai les gens.

Qu’elle est mignonne.

- Par contre il faut te dépêcher, il ne te reste plus que quinze minutes…

J’embrasse la petite et me barre en courant.

Pas une minute à perdre. Lucy a fait chauffer le moteur.

Il va en avoir besoin. Je grimpe au volant.

- Attachez vos ceintures !

Je passe la première et accélère plus fort que jamais.

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