Chapitre 16

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Je dévale les escaliers, enjambe des cadavres d’agents et le retrouve, allongé par terre. Il est dans un sale état mais vivant. Il s’est fait un garrot avec sa blouse pour stopper l’hémorragie.

- Ça va ? Tu tiens le coup ? je lui demande.

Il prend appui sur le mur, se relève, je lui file un coup de main. Il refuse. Il a du caractère ce con.

- On devrait se bouger le cul si on veut terminer tranquille, il me balance et pointant son menton en direction de l’entrée.

Une armada de journalistes micros en main suivis de leurs techniciens, déferlent dans l’école.

Les charognards de l’info.

Ils sont au moins une trentaine, affolés et surexcités.

On déguerpit aussi sec.

Un caméraman s’arrête pour faire un gros plan de la gorge tranchée d’un agent de police en short. Une bonne mise en bouche pour le journal de vingt heures.

On arrive à l’étage, Harry paraît impressionné quand il passe devant le corps inanimé de Cyrus avec ses deux pattes sortant de sa bouche.

On contourne le cratère, les restes de Keels pendouillent toujours au centre de la classe. On se fraie un chemin parmi les milliers de canards inertes.

Je n’en avais jamais vu autant dans un si petit espace, c’est écœurant.

J’ouvre la fenêtre donnant sur la cour d’école.

C’est pas très haut, je descends le premier et récupère Harry qui se laisse tomber.

On pénètre enfin dans la salle de sport.

Je n’ai jamais pu blairer les salles de sport des écoles.

Ça résonne, ça a une odeur particulière.

Ça rappelle plein de choses…

Un gymnase, trente ans en arrière.

« Allez Tracy, on va pas y passer deux heures ! On n’aura plus le temps pour jouer si tu continues ! »

Lars est sur les nerfs.

L’équipe de volley-ball est presque au complet.

Tracy, la capitaine de l’autre équipe a du mal à choisir. Il ne reste plus que trois personnes en face d’eux pour compléter leurs équipes.

Mouss, Julie et moi.

Tracy souffle, elle est désemparée, mais sous la pression de son équipe, décide de prendre Mouss.

Celui-ci est soulagé mais vite ramené à la réalité lorsqu’on lui envoie le ballon.

Il panique, essaie de l’attraper, se mélange les bras, fait tomber la balle, marche dessus et se ramasse comme une merde devant l’hilarité générale.

Lars consulte ses potes.

Se retourne assez rapidement, il ne perd pas de temps. I

l sait ce qu’il veut et surtout ce qu’il ne veut pas.

Il me fait un clin d’œil.

Je suis sauvé.

« Bon ben, pas le choix, je prends Julie ».

Éclat de rire.

Je baisse les yeux…

- Lapin, tu fais quoi là ?

Je secoue la tête.

Harry se tient derrière un panneau de basket, devant un mur qu’il examine.

Il tapote, ça sonne creux. « C’est là ».

J’attrape ma batte et cogne sur le plaquo qui cède sous mes coups.

Harry rentre dans l’ouverture, je le suis.

Un caisson en verre est posé à la verticale devant une minuscule console. Á l’intérieur se trouve Penny.

Merde, comme elle est belle.

Elle dort. Même branchée à une dizaine de fils, elle semble apaisée. Je m’approche d’elle. Me colle contre le caisson.

Je n’arrive pas à la quitter des yeux.

- T’attache pas, t’es pas son style, me taquine Harry.

Très drôle.

Je distingue un petit boitier. Le détonateur. Faut en finir.

Harry se tient le bras. Il a du cran. Réussir à tenir le coup jusqu’au bout avec sa blessure, je dis chapeau.

- Laisse, je vais le faire, avec tout ce que t’a enduré, tu mérites bien une petite pause, je lui souris.

- Non je vais très bien, pourquoi tu me dis ça ?

Il me fixe. J’aime pas trop quand il me fixe.

- Ben, je disais ça comme ça…

Il regarde son bras, se met à éclater de rire.

- Pour le bras ?! T’es sérieux ?! Ah oui, excuse-moi, t’as toujours le tien ! Ça va ? Pas trop fatigué le lapin ? Mais non, bien sûr qu’il n’est pas fatigué, c’est pas comme s’il s’était sacrifié, s’était fait déchiqueter, laissé pour mort comme un chien pour permettre à ses collègues de jouer les héros !

- Harry… C’est pas le moment. Il me fait une nouvelle crise de démence.

- Tu penses que je ne sers plus à rien ?! Que je suis un infirme ?! Un incapable ! Je ne vaux plus rien ?! C’est ça que tu penses ?!

- Mais… J’ai jamais dit ça ! Je lui réponds mais je sais très bien que dans l’état où il est, il ne m’écoute même plus.

- Je te fais de la peine ?! J’ai besoin d’une « petite pause » ! Putain, tu me dégoutes ! Tellement tu me méprises, tu ne prends même pas la peine de répondre !

Qu’est-ce que je disais. Il ne m’écoute plus.

- S’il te plaît…

Il paraît plus excité que jamais, ses yeux partent dans tous les sens, il se ronge les ongles de son unique main.

- Je ne suis plus aux normes pour sauver notre ville ? Un bras ne suffit pas pour sauver notre ville ?! Hein ?! Avec un seul bras, tu penses que je ne suis pas capable de désactiver ce putain de détonateur ?! Et bien bravo Lapin ! Dans le mille ! J’en suis incapable !

Hein ?! Il a dit quoi ?!

Harry ouvre le boitier, et tape de toutes ses forces sur le petit bouton vert.

Non ! Je regarde l’écran de la console.

« Réveil activé ».

Putain…Il a activé la bombe ! Il a réveillé Penny.

Je lève ma batte, lui matraque son épaule mutilée et l’achève en faisant disparaitre son visage de la surface de la terre.

Des petites lumières clignotent à l’intérieur du caisson.

Les paupières de Penny se mettent à trembler.

- Mais qu’est-ce que vous avez foutu ?! me hurle Arthur trouvant toujours le bon moment pour venir fourrer son nez.

Dario rapplique à son tour, je plaque ma main sur l’objectif de la cam et la baisse.

- Éteins-moi ça !

Dario s’exécute.

« La bombe ? Elle va exploser ? » me demande Arthur, complètement paniqué.

Je suis dans la merde.

Je le savais, c’est bien connu pourtant !

Ne jamais faire sortir un gars enfermé dans une cellule d’un hôpital psychiatrique, même s’il te le demande gentiment.

Comment je vais faire quoi maintenant ?

C’est quoi cette phrase chelou ?

Je ne sais plus ce que je dis, ce que je dois faire.

Je souffle. J’évacue le stress.

Bon. Primo. Qu’est-ce que je ne dois pas faire ?

Je mate Arthur et l’autre naze.

« Ne pas laisser deux trous du cul dans mes pattes, c’est déjà assez flippant, je n’ai pas besoin de ça »

- Les gars, je suis désolé mais vous ne pouvez pas rester, faut que je me pose, le temps presse ! Et surtout n’en parlez à personne !

- Mais Lapin, je ne vois pas en quoi…

- Cassez-vous ! je leur gueule et les fous dehors.

Je jette un œil dans le gymnase, il est rempli de journalistes, des flashs crépitent dans toute la salle.

Je rentre dans la planque.

La foule de vautours télévisuels s’agitent. Arthur n’a pu s’empêcher d’ouvrir sa gueule. Toute la ville est désormais au courant. Ils ne comptent plus que sur moi.

Je m’isole avec Penny.

Enfin seuls.

Je tâtonne le caisson. Il y a une petite plaque en métal.

Je la retire doucement. Un écran digital m’indique le temps restant.

C’est pas énorme.

Plusieurs fils de couleurs se croisent et s’emmêlent.

Il doit y avoir un moyen de l’arrêter. Penny ne s’est pas encore réveillée, c’est encore possible.

Elle commence à s’onduler dans son caisson, son visage frétille.

Comment une fille aussi agréable à regarder peut-elle faire autant de dégâts ?

Je me lance.

C’est quitte ou double. Désolé poupée.

Je coupe le fil vert et ferme les yeux.

J’ouvre un œil, mate l’écran digital affichant le compte à rebours.

Je reprends mon souffle.

Je me lève et la regarde une dernière fois.

« Adieu Penny ».

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