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Ce soir-là à l’hôtel, je consultai ma copie du carnet vert.

Je n’avais eu aucune nouvelle de celui qui œuvrait dans l’ombre pour soi-disant le bonheur d’Emmanuelle. Et vu la manière dont il avait quitté le Grenadier, je me demandais si tout cela n’allait pas nous exploser au visage à tous, provoquant de gros dégâts dans leurs vies.

Le rendez-vous de l’après-midi, et surtout, le regard d’Emmanuelle après son récit, m’avaient fait forte impression. Lui, je le savais, était éperdument amoureux, mais je me rappelais que leur première rupture avait eu lieu à peine un mois après l’épisode de Leroy-Merlin.

Et cette rupture était de son fait à elle. Elle semblait pourtant l’aimer.

Carnet vert page 10

Ma relation avec Emmanuelle n’a pas toujours été simple. Et nous avons eu un épisode particulièrement difficile pour moi, et sans doute pour elle aussi.

La rentrée des classes 2019.

Elle était partie en vacances avec son mari durant le mois d’août. Et s’il était normal que nos échanges se raréfient, ils étaient petit à petit devenus plus distants, plus « froids » de sa part.

J’ai reçu, le trois septembre, un message de rupture que je retranscris ici :

Bonjour,

Je suis désolée, sincèrement désolée de te laisser comme ça, mais je n'ai pas le temps, je n'ai plus le temps.

Je n'ai pas envie de te parler de mes soucis, ça touche au très personnel et je préfère gérer ça avec Fabrice, et uniquement lui.
J'espère que tu comprends.

En ce qui nous concerne, je ne peux plus t'écrire comme avant, la quantité, le contenu...je me consacre entièrement à ma famille et mon travail, rien de plus.

Je sais que tu vas être très déçu... A part te demander pardon, je ne sais pas quoi faire.

Je n'ai plus le temps d'être amoureuse de toi...pardonne-moi.
Je ne veux pas que tu me détestes, mais tu en as bien le droit.

J'aimerais qu'on reste "amis" mais je suis pas sûre de pouvoir assurer ce rôle-là non plus.

Tu es un homme INCROYABLE et je suis la femme la plus chanceuse au monde d'avoir croisé ta route.
Jamais je n'oublierai tout ce qu'on a fait, dit, écrit, vécu.
J'espère avoir un jour le temps d'écrire sur toi (sans te nommer promis) et sur nous.
Mais ce n'est pas pour tout de suite.
Cette rentrée a été compliquée avec la nouvelle inspectrice qui nous cherche des poux, et évidemment, je suis inspectable cette année
alors j'ai intérêt à être hyper carrée sur le côté administratif de mon boulot ( et ça, c'est pas du tout mon point fort, bien au contraire)
et du coup ça me prend beaucoup de temps...

Si tu me détestes pas trop, je me permets de te demander comment tu vas. J'espère que tu as passé de bonnes vacances.
Tu m'as dit que tu étais tout seul dans ton bureau, ton collègue ne sera pas remplacé ?

Je suis obligée de te laisser.
Je te souhaite une bonne journée, j'imagine qu'on est lundi matin au moment où tu lis ce mail.
Alors bon courage pour le boulot.

Je lirai ta réponse sûrement entre midi et deux et si je peux (et si tu veux...) je te répondrai mais je n'aurai pas beaucoup de temps.

Encore une fois pardon pardon pardon....

Le monde s’est écroulé ce jour-là. Je ne comprenais pas ce qu’il pouvait se passer.

Nous avons continué à échangé un petit peu, j’essayais de comprendre, et de la convaincre qu’une autre voie était possible. Jusqu’à ce que je me résigne à la perdre.

Vois-tu Emma (puisque je ne pourrais plus t'appeler Mon cœur), je me
doutais de ce qu'il se passe aujourd'hui.

Je te l'avais dit, depuis vos vacances, tu avais changé. Je suis même
un peu surpris que ça ait tenu jusqu'à aujourd'hui.

Ce n'est pas grave en soit, on s'est toujours dit tous les deux que
notre vie "réelle" devait passer avant nous. Mais ça ne m'empêche pas
d'être triste, et cette fois, ce n'est pas de la mélancolie.

Triste, parce que j'e viens de perdre une partie de moi. Tu fais, ou
faisais, je ne sais que dire, partie intégrante de mon bonheur, de ma
vie.

Triste parce que je viens de perdre une femme formidable, une femme
unique, avec qui je prenais plaisir à discuter de tout et de rien, à
rire. Même parler météo ou pollution parisienne me rendait heureux. Et
ne parlons pas de nos jeux, ils m'enchantaient. Je t'ai vu changer,
prendre des initiatives, j'adorais ça. Tu as su être une amante
virtuelle imaginative, sensuelle et terriblement excitante.

Triste parce que je croyais que tu avais assez confiance en moi pour
me parler de tes soucis, que tu me considérais comme un ami. Je
suppose qu'un autre saura t'aider à passer ces moments difficiles.

Triste parce que quoi que tu fasses, je t'aime, et je ne pourrais plus
te le dire, te l'écrire. Je ne pourrais plus m'enflammer en t'écrivant
mon amour, mes envies de toi.

Triste parce que je me faisais un plaisir de te revoir dans deux mois.
Je voulais nous offrir une journée inoubliable.

Mais ce qui me rend le plus triste, c'est que tu ne m'aimes plus, sans
savoir ce que j'ai pu faire pour perdre cet amour.

Je resterais ton ami, si tu le veux bien entendu, et j'espère de tout
mon cœur que tu seras heureuse.

Je veux quand même que tu saches que je t'aime, et que rien, à part
peut-être le temps, ne changera ça.

Sois heureuse, tu le mérites.

J’étais triste, abattu. Pendant le mois qui a suivi, ma morosité a même mis mon propre couple en danger. A mon grand regret aujourd’hui, je lui ai aussi fait prendre des risques à elle. En envoyant des sms, en essayant de l’appeler sans être sûr qu’il n’y avait aucun risque.

C’est en partie cet épisode de notre relation qui m’a fait partir loin d’elle et loin de tout aujourd’hui.

Je suis parti pour résister, pour ne plus être tenté.

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