Reynolds observa son équipe, les meilleurs guerriers des quatre royaumes. Il pouvait être fier d'eux. Après l'explosion qu'ils avaient provoqué quelques jours plus tôt dans la tour du mage sombre, ils avaient endigué l'avancée du mal assez longtemps pour sauver des milliers d'âmes. Peut-être même des dizaines de milliers.

 Mira et Tira, les jumelles, étaient la fierté de la race des elfes, et les femmes les plus adroites avec une dague que Reynolds ait rencontré durant sa vie. Eliott, le faune, décochait ses flèches plus vite que n'importe qui et pouvait se poster sur n'importe quel falaise ou surplomb rocheux grâce à ses habiles pattes de bouc. Grün était un peu grognon, mais n'est-ce une spécificité chez les nains ? En revanche il maniait son bec-de-corbin à la perfection.

 Reynolds, quant à lui, était un humain issu de la quatrième race de l'alliance. C'était justement après l'Unification des peuples que les souverains de chaque royaume lui avaient confié le commandement des Belettes, l'équipe d'élite des quatre races.

 À l'instant même, le groupe se reposait. Ils étaient tous conscients que leur mission était un succès, mais qu'ils n'avaient désormais aucune chance de rejoindre leur peuple. En combattant le sorcier noir, ils avaient empêché les morts-vivants de pénétrer sur les terres de l'alliance. Du moins pour un temps. Même si les goules circulaient désormais librement dans chacun des royaumes, la diversion avait au moins permis l'évacuation de la populace vers les montagnes, loin au Nord.

 Maintenant Reynolds et ses belettes se trouvaient du mauvais côté du pays, séparés de leur peuple par des milliers de morts-vivants qui erraient sans but sur ces territoires sauvages. En voyant les mines déconfites de ses compagnons, le capitaine des belettes poussa un long soupir. Lui-même n'avait personne qui l'attendait sur les versants de la chaîne montagneuse, mais ce n'était pas le cas des autres. Les jumelles pensaient sûrement à leur petit frère. Eliott se rongeait les sangs à l'idée de ne jamais revoir sa fille. Et Grün devait évidemment songer à sa femme.

- Allons-y ! cria le capitaine pour motiver ses troupes. Si nous marchons vite, nous atteindrons les montagnes en moins de trois jours.

- Aurais-tu perdu la raison ? s'étonna Mira. Nous n'arriverons jamais à traverser ! Les terres de nos ancêtres sont infestées de goules !

- Et alors ? Préfères-tu que nous restions ici à attendre l'instant de notre mort ? l'interrogea Reynolds. N'allez-vous donc pas saisir cette chance si vous avez la moindre opportunité de revoir vos familles et vos êtres chères ?

 Les paroles du capitaine avaient trouvé leurs cibles. Les quatre belettes se jetèrent des regards en coin pour essayer de deviner l'opinion des autres. Leur mission les avait éreinté, mais ils avaient toujours la rage de vivre. Eliott se leva le premier, son arc long en main, et vint se placer en face de son chef.

- Je te suivrais jusqu'au bout du monde Reynolds, si tu me permets de revoir ma tendre Saphira, déclara-t-il en lui posant une main sur l'épaule.

- Je suis d'accord ! gronda la voix gutturale du nain qui brandissait son lourd bec-de-corbin. Nous en profiterons pour renvoyer ces goules puantes dans les trous d'où elles n'auraient jamais dû sortir !

 Le capitaine toisa leurs deux compagnes, qui hochèrent la tête pour signifier leur approbation. Fier de ses guerriers, il brandit son épée bien haut pour les rallier autour de lui. En voyant leur visage déjà marqué par tant de souffrance, il se jura de les ramener chez eux. Il était prêt à donner sa vie pour eux.

- Nous sommes les belettes ! scanda-t-il, immédiatement prit en refrain par ses compagnons. Nous n'avons peur de rien ! Nous braverons tous les dangers ! Et à présent, les belettes vont traverser ce royaume maudit !