Impressionnant ! Tu gères ! Comment t’as fait ça, Karen ? »

Un garçon d’une dizaine d’années, trois autres un peu plus âgés et deux adolescentes étaient assis sur l’herbe ; ils portaient un regard admiratif sur une jeune femme pétillante. Ses cheveux noirs rebelles, son regard anguleux, son allure féline métissée et son tatouage étrange sur l’oreille gauche attiraient toute la lumière sur elle.

Karen Vorgström.

Ma belle Karen.

Elle aimait me dire qu’elle était un mélange de ses idoles, Lisbeth Salander, Mata Hari et Zećira Mušović, bien que je n’avais pas toutes les références. Cependant, pour me montrer agréable, je lui glissais toujours un regard impressionné en la voyant rougir.

Pour moi, Karen c’était la Trinity du geek, la Lara Croft du pauvre !

Elle était tout ce que je ne suis pas.

Habile.

Talentueuse.

Fabuleuse

Sociable.

Karen sprinta sur la pelouse du petit stade d'entraînement de Créteil puis, d’un coup de pied maîtrisé, fit s’élancer le ballon de football vers un ciel bleu lumineux. Le ballon monta devant les immeubles puis retomba rapidement. Elle le bloqua sur son pied gauche, le fit danser dans les airs, avant de le stabiliser sur le dessus de son crâne.

« Génial ! », s’écria, stupéfait, un des garçons plus âgé.

« Trop classe ! », ajouta une des filles du quartier.

Karen éclata de rire en laissant glisser le ballon de sa nuque. Elle remercia son public en s’inclinant avec humour tout en prenant un plaisir non dissimulé à se retrouver le centre d’intérêt du moment.

« Tack så mycket ! Merci beaucoup ! Il faudra vous entraîner des années pour pouvoir faire ça ! C’est encore trop sophistiqué pour vous ! », se venta-t-elle, d’un sourire ravageur.

Plus loin, une voiture ralentit puis s’arrêta sur le parking attenant. Karen reconnut une silhouette familière : c’était Franck Dreva. L’hôtel de Karen était situé à deux pas du stade et Franck savait qu’il la trouverait là-bas.

— Karen ! cria Franck, situé à une cinquantaine de mètres de la footballeuse, le bras appuyé sur sa voiture.

Après avoir salué ses fans, la sportive trottina jusqu’à mon oncle.

— Hej, Francky ! Désolée pour hier ; j’ai pas pu vous retrouver. On m’a simplement dit que Maya devait partir pour un congrès "Lits et ratures"… C'est bizarre, j’ai pas bien compris… T’as des nouvelles ? Elle a gagné, non ?

Le sourire de Karen contrastait avec le visage terne et fatigué de Franck.

— Tu… Alors tu ne sais pas non plus où elle est passée ? réalisa-t-il, inquiet. Ce n’est pas possible ! Elle a disparu. On m’a dit que je n’avais pas le droit de rentrer dans les loges. Je suis resté noyé avec la foule mais ils ont donné le prix alors qu’elle n’est jamais apparue ! Je croyais qu’elle s’était échappée et qu’elle était en vadrouille avec toi.

Franck paniquait en tournant la tête de droite à gauche comme pour la chercher autour du stade.

— Quoi ? C’est une blague ? se crispa Karen, consternée. Mais je ne l’ai pas vue du tout ! Elle doit sûrement être à son congrès-truc.

— Karen, écoute, il n’y a pas d’autres salons de littérature, rétorqua Franck, et Maya m’aurait prévenu ; elle sait combien je m’inquiète facilement !

— Je vois. La situation est konstig, mais… pas de panique ! C’est tout décidé, je cours à mon hôtel, je me change et je retourne au Parc des Expositions faire ma petite enquête en mode infiltration. Et surtout, ne t’inquiète pas ! No panic, ok ? le rassura Karen avant de courir vers une rue étroite : un raccourci vers son hôtel.

Franck ne put ajouter le moindre mot devant sa célérité.

Ni lui dire adieu.

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