New York, juste un rêve

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Chapitre 12

(Trois mois plus tard...)

Aujourd'hui, alors que je me rends chez Mathilde, la ville est un nuancier de peinture. Les trois derniers mois ont bouleversé ma routine. Ma relation avec elles est en dents de scie. Difficile de dire si nous sommes vraiment engagés sur quelque de sérieux et de stable... J'ai beaucoup de mal à la cerner, elle et aussi le chemin que prend notre histoire. Ses humeurs sont particulièrement changeantes. Ce dont je suis certaine c'est que je suis complètement accro à elle. Camée jusqu'à la moelle. Elle hante mes pensées jour et nuit. Elle me manque à chaque instant. Je n'arrête pas de penser à elle. En temps normal, je ne serais jamais allée aussi loin avec une fille torturée par son passé. Mais elle est extraordinaire. Le genre qui vaut le coup qu'on se batte pour elle. Le passé est derrière elle, pourtant il s'accroche à elle comme un parasite. Si seulement Mathilde pouvait croire en l'avenir, sans craindre les méandres de son histoire... Sans en avoir conscience, j'ai accéléré le pas. Mathilde est une source de motivation. M'imaginer dans ses bras me pousse à presser l'allure. Ma relation avec elle est similaire à ma course dans les rues de New York : intense, mouvementée, épuisante. Les obstacles surgissent de nulle part. Je dois les contourner ou les affronter pour pouvoir avancer. Je suis tenace et mon goût pour le challenge est un atout de réussite, même en amour. Et puis il y a Daryl...

(Pourquoi Daryl fait-il toujours interruption dans mon esprit lorsque je pense à Mathilde ?)

Peut-être parce que je sais que Daryl nourrit l'idée d'être un jour à la place de sa sœur. J'ai mis les choses au clair avec lui. C'est un ami qui s'est révélé de grande valeur. Je n'aurais jamais pensé cela de lui il y a quelque temps ! Alors que je soupire, perdue dans pensées, je réalise que je suis déjà arrivée en bas de l'immeuble de Mathilde. Comme à chaque fois que je m'apprête à voir ma bad girl, mon cœur tente de battre des records de vitesse et je deviens si faible que je me ficherais des claques ! Devant la vitrine du magasin d'en face je me recoiffe rapidement et prends une profonde inspiration. Mes mains sont moites et mon pouls s'accélère. J'y vais comme je suis, tant pis si elle n'aime pas ! Mon cœur cogne avec force dans ma poitrine lorsque je frappe chez elle. J'entends alors sa voix grave à travers la porte.

Mathilde :
"Si c'est un prospecteur, je n'ai rien à donner. Si c'est une princesse... à voir."

Je souris en l'entendant m'appeler princesse. J'approche au plus près de la porte et prends une voix suave.

Miss Mystère :
"Il se pourrait bien que ce soit une princesse qui vient prospecter."
Mathilde :
"Ça devient intéressant !"

Quand la porte s'ouvre sur Mathilde, mon cœur rate un battement. Seulement vêtue d'un pantalon, elle se présente à moi en sous-tif. Elle n'a rien à envier aux mannequins des magazines. Ses abdos parfaitement dessinés par sa pratique assidue du sport... Je profite du spectacle qui s'offre à moi. Je dois avoir l'air d'un bulot cuit à la fixer comme ça !

(J'espère que je ne bave pas, au moins !)

Mathilde :
"Salut princesse, ça va pas ?"

Je vois dans son regard une sueur espiègle. Elle s'amuse de ma réaction éberluée.

Miss Mystère :
"Tout va bien ! Merci de t'inquiéter pour moi, mais tu devrais faire attention à toi. Tu risques d'attraper froid, à moitié à poil !"

Elle affiche un sourire splendide. Elle devine l'effet qu'elle me fait. Je commence à avoir cette femme dans la peau.

Mathilde :
"T'as raison, princesse. Entre ! Je vais m'habiller de suite."

(Oh non, reste nue ! J'aurais dû me taire...!)

Elle s'écarte de l'entrée pour me laisser passer. Son doux parfum frôle mes narines lorsque je m'avance vers elle. Alors que je pense enfin passer le seuil de son appartement, elle me barre le passage avec son bras.

Mathilde :
"Et la taxe de passage, princesse."
Miss Mystère :
"Sans déconner ?"

Je me lève sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur. Elle retient son souffle, sans me quitter des yeux. J'approche mes lèvres de son oreille. Son parfum m'enivre littéralement. J'ai très envie de l'embrasser, mais je veux la rendre folle de moi. J'adore la taquiner moi aussi et je lui chuchote une plaisanterie.

Miss Mystère :
"J'ai toujours été très forte pour danser le limbo !"

Je passe sous son bras en me cambrant en arrière, comme dans la danse caribéenne, et entre dans son appartement sans l'embrasser. Je ne sais pas si c'est le chauffage qui est trop élevé ou ma marche rapide pour venir ici, mais j'ai vraiment très chaud.

(À moins que ce ne soit ce corps à couper le souffle, juste derrière moi...)

Miss Mystère :
"Tu me proposes rien à boire ? Je meurs de soif !"
Mathilde :
"Ça tombe bien que tu dises ça. Y a un nouveau bar qui vient d'ouvrir en ville, je voulais t'y amener."

J'ai très envie de sortir faire un tour avec elle.

Miss Mystère :
"Ok. Tu prends ta moto...?"

Je sais très bien que je prends des risques. Mathilde fait mine de chercher un t-shirt, mais je vois bien qu'elle est embarrassée.

Mathilde :
"Ma moto est en panne."
Miss Mystère :
"Ah bon ? Depuis quand ?"
Mathilde :
"Depuis deux ou trois jours. Pas grave, on y va à pied, c'est à deux pas."

Comme c'est pratique !

Miss Mystère :
"Mais pourquoi tu la fais pas réparer ? Tu vas faire comment pour aller au boulot ?"

Elle passe une main dans ses cheveux, ce qui ébouriffe encore plus sa coiffure et lui donne une allure "saut du lit" très sexy.

Mathilde :
"La pièce à changer coûte une blinde, au moins 2000 dollars. Il va me falloir du temps pour pouvoir la payer."

J'ai du mal à la croire, mais je sais très bien que la conversation pourrait rapidement tourner au vinaigre. Sujet épineux et hautement explosif en vue. Je n'ai pas envie qu'elle m'éclate une énième fois à la figure... Après tout, elle dit peut-être vrai, et même si elle ne me dit pas la vérité, j'attendrai de comprendre pourquoi.

Miss Mystère :
"Si tu as besoin d'argent, je peut-être t'en prêter !"
Mathilde :
"Non ! Pas de ça entre nous. C'est mon problème, pas le tien."

Elle s'avance vers moi doucement et replace une mèche de cheveux derrière mon oreille. Des frissons envahissent tout mon être. Elle n'a toujours pas enfilé de t-shirt, à ma grande satisfaction.

Mathilde :
"On a beaucoup mieux à faire que de parler de ça, princesse."

Je crois qu'elle sous-entend exactement ce dont j'ai envie. Le rouge me monte aux joues. Sa proximité me perturbe toujours au plus haut point.

Mathilde :
"Je ne veux pas passer une minute de plus sans voir s'afficher ce merveilleux sourire sur ton visage."
Miss Mystère :
"Lequel ?"

Son index frôle ma joue et son pouce s'arrête à la commissure de mes lèvres. Je souris.

Mathilde :
"Celui-là, princesse."

Des papillons volent au creux de mon estomac. Je suis hypnotisée par son regard ténébreux. Je penche mon visage vers le sien, mais elle s'arrête sa caresse.

Mathilde :
"Je me dépêche et on sort profiter.

Nous ne parlions visiblement pas de la même façon de profiter, et son sourire en coin me dit qu'elle comprit ma déception et qu'elle en joue. La semaine a été très intensive. Les dossiers se sont accumulés au travail et je n'ai pas eu une minute pour décompresser. J'ai à peine eu le temps de profiter d'elle. Après notre dernière soirée, nous n'avons pu qu'échanger des baisers volés dans l'ascenseur. Heureusement, ce vendredi soir s'annonce plus fun. Nous allons à un concert du groupe de Colin, dans un pub qu'ils affectionnent. Je me suis apprêtée avec beaucoup de minutie... Je sais très bien que Mathilde aime que je sois au naturel. Et je m'aime mieux ainsi. Je me vois mal débarquer en robe de soirée dans un pub. J'aperçois ma meilleure copine Lola en rentrant. Déjà installée, les jambes croisées avec grâce, elle est resplendissante, comme toujours. Elle m'adresse un large sourire lorsque j'arrive à sa table.

Lola :
"Enfin te voilà ! J'ai l'impression qu'on s'est pas vu depuis des années !"
Miss Mystère :
"Tu m'as manqué aussi."

Elle me regarde avec un drôle d'air. Elle devine toujours mes sentiments cachés.

Lola :
"Oh toi, ça va pas ! Si c'est à cause de Mathilde, je vais lui régler son cas !"

Mathilde ne mérite pas une correction de la part de mon amie, même si l'idée m'amuse beaucoup. Mais Lola est très perspicace. Mathilde me rend trop préoccupée. Elle est loin d'être une mauvaise fille, mais ses non-dits m'inquiètent.

Miss Mystère :
"Je sais pas trop, Lola. Je l’aime beaucoup, mais je crois qu'elle ne me dit pas tout."

Elle me regarde, pensive, à la recherche d'une solution adéquate.

Lola :
"Je vois... Buvons un coup d'abord et après tu me racontes tout."

Nous commandons chacune une pinte de bière et une assiette de tapas. L'ambiance décontractée du pub est en contradiction avec mon humeur.

Lola :
"Mathilde a beau être la femme la plus adorable que je connaisse.... Elle a tendance à se replier dans sa grotte quand ça l'arrange !"

Je suis un peu fatiguée qu'elle rejoigne sa grotte dès que la situation lui échappe ou l'incommode. Je ne pourrai pas passer ma vie à attendre qu'elle en sorte.

Miss Mystère :
"Elle ne me ment pas, mais... elle ne me dit pas tout. Je crois qu'elle n'a pas assez confiance en moi pour se confier."
Lola :
"Qu'elle ait des secrets, ça ne veut pas dire qu'elle ne te fait pas confiance. Tu ne veux pas qu'elle te raconte ses cauchemars, non plus ?"
Miss Mystère :
"Non, ni ses soucis aux toilettes !"

Elle manque de s'étouffer en avalant sa gorgée de travers. J'avoue que ça manquait de classe.

Miss Mystère :
"Elle a prétendu que sa moto était en panne et qu'elle avait pas les moyens de la faire réparer. Tu trouves pas ça bizarre, toi ?"

Elle fronce les sourcils et semble étudier ma question.

Miss Mystère :
"Je pense qu'elle ne veut pas réparer sa moto. Elle a trop peur qu'elle se mette en travers de notre relation. C'est la seule explication que j'ai trouvée !"
Lola :
"Si c'est le cas, ma chérie, c'est une bonne nouvelle. Cela signifie qu'elle tient beaucoup à toi."

Elle me fait voir les choses différemment. Si Mathilde veut protéger notre relation, en évitant de penser à son passé douloureux, je devrai l'accepter comme une bonne chose. Pourtant, j'aimerai qu'elle vive sa relation avec moi à cent pour cent, sans l'ombre de ses relations passées. Je dois en vouloir trop...

Miss Mystère :
"Je suis sûre qu'elle tient à moi. Mais j'aimerais juste qu'on puisse vivre notre histoire sans qu'elle souffre de son passé..."
Lola :
"Je comprends, mais on vit tous un peu dans le passé... Il faut du temps pour refermer les plaies. Et je crois qu'elles ne se referment jamais vraiment."
Miss Mystère :
"C'est étrange ce que je vais te dire... mais Daryl est plus enclin à la confiance qu'elle."

(Je les compare sans arrêt ! Faut que j'arrête !)

Elle tique un peu devant ma confusion.

Lola :
"Ouais, enfin... de ce que tu m'en as dit, c'est pas le genre honnête pour autant !"
Miss Mystère :
"Mmmm..."
Lola :
"Je veux dire qu'il est peut-être plus franc qu'il en a l'air. Et Mathilde, pas aussi cachotier que le pense ! Peut-être qu'elle fait des efforts pour s'ouvrir davantage à toi chaque jour. Faut que tu sois patiente, ma poulette."

Si seulement je pouvais raisonner avec impartialité comme Lola... Mon cœur trompe ma raison. Je devrais attendre des faits avant de la condamner.

Lola :
"Je vais les observer, moi, ces deux-là, et je te donnerai mon avis !"

J'avale tranquillement ma bière, pendant que Lola me raconte les potins du bureau. Je suis sûre qu'elle embellit certaines anecdotes, mais elles sont toutes plus amusantes les unes que les autres. C'est déjà ma deuxième pinte, j'ai les joues en feu et je rigole plus que de raison. Je devrais tempérer ma descente si je veux m'éviter une humiliation, comme à la soirée chez Daryl... Faut dire qu'elle avait plutôt bien fini, dans les bras de Mathilde, après notre petit bain rafraîchissant dans la piscine. Le chauffeur de taxi doit encore s'en souvenir... À cette évocation, je me sens encore plus chaude, et ce n'est pas la faute de l'alcool !

??? :
"Miss Mystère... Toujours aussi facile à repérer ! J'ai reconnu ton rire depuis le fond du bar !"

Cette voix, je la reconnais tout de suite. Je manque de recracher ma boisson. Daryl se tient de devant notre table. Il arbore son petit sourire en coin en nous observant.

Miss Mystère :
"Daryl ! Qu'est-ce que... Qu'est-ce-que tu fais là ? Tu devais pas nous rejoindre plus tard ?"

Et voilà ! L'alcool, ça me rend cruche !!! Merde... ! C'est juste Daryl ! Il se paye clairement ma poire, en fixant tour à tour ma clope et ma tête. Son regard se déplace ensuite vers Lola.

Daryl :
"Tu me présentes pas ton amie ?"
Miss Mystère :
"Euh... Si, si ! Je te présente Lola, qui travaille aussi chez Carter Corp !"

Lola se lève pour saluer Daryl. Celui-ci quitte son chapeau, s'incline et se saisit délicatement du poignet de Lola pour lui déposer un baiser sur le dessus de sa main.

Daryl :
"Enchanté. Daryl."

Ses yeux pétillent de malice, tandis que Lola glousse comme une ado. Rien de nouveau sous le soleil. Daryl et son aisance naturelle avec les femmes. Il n'y a qu'a voir sa basse-cour lors de ses fêtes à la villa.

Lola :
"J'ai beaucoup entendu parler de toi !"

(Quoi ?! Mais pourquoi elle dit ça !!!)

Je lui fais des gros yeux, tout en essayant de reprendre mon calme devant lui. Il est hors de question qu'il pense que je n'arrête pas de parler de lui avec ma meilleure amie. Son ego surdimensionné ne s'en remettrait pas.

Daryl :
"De moi ? Vraiment...?"

Le voilà qui me regarde en biais, en affichant cet air victorieux du type qui vient de me griffer en beauté ! Je tapote nerveusement la table du bout de mes ongles, en levant les yeux au ciel. Je maudis Lola d'avoir parlé trop vite.

Miss Mystère :
"C'est ma tournée !"

Je sens que la soirée risque d'être surprenante... Lola et Daryl trinquent, en se fixant intensément dans les yeux. Pincez-moi, je rêve ! Lola papillonne des yeux en mode séductrice ! La conversation reprend de plus belle entre mes deux amis. Limite comme si je n'existais plus ! Génial ! Je tiens la chandelle maintenant, alors que Lola était tout excitée à l'idée de passer la soirée avec moi !

(Pas le choix : je vais devoir appliquer ma technique de ninja boxeuse pour faire fuir Daryl.)

Ce n'est pas ce que j'avais prévu. Mon vendredi soir festif se transforme en figuration. Je me sens presque de trop à cette table. Je regarde l'heure sur mon mobile. Mathilde ne devrait pas tarder à présent. Quant à Colin, il est sans doute déjà dans les backstages avec son groupe.

Miss Mystère :
"J'ai hâte que le concert commence. Colin est vraiment top sur scène !"

Je ne reçois que des hochements de têtes en guise de réponses. Les imaginer ensemble, me fait franchement bizarre. Le vrai bad boy avec la secrétaire bon chic bon genre ? Un cocktail aussi détonant qu'improbable ! Je me contente d'écouter la musique blues qui passe dans le bar. J'ai posé ma tête dans le creux de ma main et je soupire.

Daryl :
"Et si on allait danser ?"

Je suis une piètre danseuse. Heureusement qu'il n'a pas envisagé de danser avec moi ! Elle va se faire une joie de tourbillonner sur la piste de danse, elle adore ça.

Daryl :
"Je suis sûr que tu bouges ton corps comme une déesse, Lola."

(Oh pitié !! Arrête ton char, mec ! T'en fais des caisses !)

Pourtant ça marche ! Lola le remercie avec un sourire radieux et ils se dirigent vers la piste. Je les observe comme si je tapais l'apéro avec des extraterrestres. Je jette un coup d'œil à la tenue que j'ai choisi de porter, moi qui n'ai pas droit aux compliments... Quelle importance ? L'essentiel c'est que je plaise à Mathilde ! J'observe mes amis se dandiner sur le dansefloor, un pincement au cœur. Daryl n'est pas fait pour Lola. Je n'aurais jamais dû lui proposer cette sortie, ce soir. Moi qui m'attendais à ce qu'elle soit objective ! Son aide pour ces deux-là risque fortement d'être biaisée par le numéro de drague de Daryl ! Plantée seule au bar, je regarde à nouveau mon portable.

(Faites que le temps passe plus vite !)

Je m'ennuie profondément. Ce début de soirée était pourtant prometteur ! J'avais tellement de choses à raconter à Lola ! Et voilà que cette traîtresse m'a lâchement abandonnée pour danser avec monsieur Lamborghini... Accoudée à une table, je me distrais en faisant tourbillonner le nectar ambré au fond de ma pinte.

Mathilde :
"Bonsoir mademoiselle. Vous êtes seule, ce soir...?"

Je me redresse immédiatement en entendant la voix de Mathilde qui murmure à mon oreille.

Miss Mystère :
"J'attends une belle brune..."

Elle se penche vers moi et me dépose un baiser tendre sur ma tempe.

Mathilde :
"Désolé pour le retard ma belle, un pote avait besoin d'un service de dernière minute."

C'est ça de sortir avec une femme très demandée. Elle est souvent en vadrouille à droite à gauche pour aider des amis.

Miss Mystère :
"Pas de problème. Je ne peux pas t'avoir toujours pour moi toute seule..."
Daryl :
"Fallait prendre ton temps. J'étais en charmante compagnie..."

Mathilde foudroie presque Daryl du regard. Je sais qu'elle est contrariée de rencontrer son frère ici. Pourtant il ne se démonte pas et toise sa sœur avec son éternelle insolence.

Daryl :
"T'es une petite cachotière... Tu m'avais déjà caché Miss Mystère, mais je constate que toutes tes collègues de boulot sont canon. Ça me donnerait presque envie de faire un petit travail de fourmi docile, comme toi."

Elle serre les dents. Je décide d'intervenir pour faire redescendre tout de suite la pression. Daryl et son besoin irrépressible de provoquer sa sœur. Pour lui c'est un jeu, mais il ne rend pas compte qu'il pourrit sa relation avec Mathilde. Je trouve ça tellement dommage... Daryl m'a montré plusieurs fois qu'il pouvait se montrer charmant. Tellement différent de ce connard arrogant qu'il laisse voir. J'observe Mathilde. Elle n'a pas desserré les poings et sa mâchoire est contractée. Elle reste silencieuse, mais son regard en dit long sur son ressentiment.

Mathilde :
"La ferme, Daryl !"
Daryl :
"Ça va ! Détends-toi !"
Mathilde :
"J'étais pas chaud pour que tu viennes. T'as insisté, j'ai accepté, alors sois pas con. C'est à ma nana que tu parles. Et Lola c'est ma pote, donc tu te calmes."

Un jour, peut-être, Mathilde et Daryl arriveront à passer un moment ensemble sans se grogner dessus... Daryl jauge sa sœur un instant. Je serre sa ma pour lui faire comprendre que je n'ai pas envie que ça dégénère.

Daryl :
"Ok, je ne faisais que constater la beauté devant mes yeux."

Mathilde grogne entre ses dents serrées, mais n'a pas le temps de répliquer que déjà Lola revient vers nous, tout sourire. Je dirais même qu'elle affiche un sourire carrément béat ! Avec son teint pâle, ses joues qui s'empourprent sont difficiles à camoufler. Elle prend un air assuré, mais je la connais suffisamment pour savoir qu'elle cherche à reprendre le contrôle de ses émotions.

Lola :
"Qu'est-ce qu'il y a ? Je vous ai manqué ou quoi ?"
Miss Mystère :
"Tu me manques toujours, ma poulette !"

Elle me regarde en biais, avant de m'attraper par le bras. Elle me chuchote discrètement à l'oreille :

Lola :
"Craquant le Daryl !Tu m'avais caché ça..."

Je me crispe.

(Faillait-il vraiment le lui préciser ? Daryl est le frère jumeau de Mathilde, après tout.)

Je me contente de hausser les épaules, en tentant d'être la moins expressive possible. Pas question que Daryl se doute qu'on parle de lui. Le simple fait que je ressente cette pointe de jalousie me fait immédiatement culpabiliser ! Je suis avec Mathilde ! Après tout, Daryl peut bien sortir avec qui il veut ! En tout cas, je me vois mal mettre mon amie en garde. Elle est majeure et vaccinée. Je ne suis pas son chaperon... Je marmonne. Je ne la sens pas du tout, du tout, cette soirée ! Mathilde m'attrape par la taille et sa main se presse dans mon dos jusqu'à ce que nos fronts se collent. Son regard m'emprisonne dans une bulle, et la musique et le monde autour de nous disparaissent. Le concert de Colin se termine. Mon collègue est vraiment impressionnant sur scène. Je n'imaginais pas qu'autant de groupies s'agiteraient devant lui. Les fans étaient presque en transe quand Colin est apparu. Mathilde est moi sommes restées collées pendant tout le spectacle. Debout derrière moi elle tenait mes hanches que je remuais en rythme. Son souffle chaud frôlait ma nuque et chatouillait mes oreilles. Mathilde et moi étions connectés totalement. Rien ne pouvait faire éclater la bulle dans laquelle nous étions. Enfin, presque rien ! J'aurais préféré que Daryl et Lola cessent de se tourner autour... En sortant du pub, des acouphènes martèlent mon crâne. Je n'aurais pas dû me mettre aussi près des amplis.

Miss Mystère :
"Tu prends le taxi avis nous, Lola ? On n'aura pas à attendre deux voitures, et tu es sur notre chemin, en plus !"

Lola fouille dans son sac et marmonne quelque chose que je ne suis pas sûre de comprendre.

Miss Mystère :
"Tu rentres à la campagne ?"

Elle affiche un sourire embarrassé avant de me répondre. Je me force à bâiller pour déboucher mes oreilles.

Lola :
"Non, Daryl me raccompagne !"

Je ne pense pas avoir entendu. Elle ne rentrerait pas avec un gars qu'elle connaît à peine !

Miss Mystère :
"Qu'est-ce que tu racontes ?"

Elle fronce les sourcils. Elle n'apprécie pas que je juge sa décision. C'est compréhensible, mais j'aimerais juste lui dire de se méfier. Elle qui n'avait pas l'air d'apprécier Daryl quand je lui en parlais... Je n'aurais jamais cru qu'elle tomberait devant lui comme une mouche.

Miss Mystère :
"Lola, tu devrais..."

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase. Daryl rompt notre conversation.

Daryl :
"On décolle, princesse ?"

Lola me sourit et m'embrasse sur la joue. Je reste mortifiée. Le prénom est vraiment trop !! Elle me chuchote avec un clin d'œil :

Lola :
"T'inquiète pas, je suis une grande fille."

T'es peut-être une grande fille, mais tu es loin de connaitre le type que tu t'apprêtes à suivre !

Miss Mystère :
"Je croyais que t'appréciais pas Daryl ?"

Lola hausse les épaules et m'adresse un sourire innocent, avant de rejoindre Daryl. Mathilde se tient derrière moi. Elle était là depuis le début de la conversation. Elle a donc tout entendu et n'a pas trouvé nécessaire d'intervenir. Je commence à croire qu'elle trouve son avantage à ce que Daryl et Lola sortent ensemble.

Miss Mystère :
"Tu les laisses partir ensemble sans rien dire ?"

Mathilde lève les épaules, le visage surpris.

Mathilde :
"Quoi ? Je devrais les empêcher de se voir ?"

(Bah oui ! Tu devrais !)

Miss Mystère :
"Tu plaisantes là...? Daryl ne va faire qu'une bouchée de Lola. Ils viennent à peine de se rencontrer. Ça va beaucoup trop vite !"
Mathilde :
"Comme si elle était un modèle de vertu ! Arrête un peu... !"
Miss Mystère :
"J'ai pas envie que ton frère l'entraîne dans ses histoires louches !"
Mathilde :
"Tu connais Lola, non ? Dans une semaine on entendra plus parler de Daryl."
Miss Mystère :
"Oh génial ! Alors, comme tu comptes qu'elle te jette, tu dis rien !"
Mathilde :
"Lola est adulte et elle a pas besoin de toi pour maman. Elle sait très bien ce qu'elle fait en rentrant avec mon frère. J'ai pas à me mêler de sa vie privée, et toi non plus."

J'inspire profondément. Parfois j'aimerais qu'elle prenne davantage position, plutôt que d'afficher toujours cet air détaché ! Colin arrive à notre hauteur et nous sauve d'une dispute imminente.

Colin :
"Vous partez ? Les gars du groupe veulent boire un verre."

C'est un comble, Colin qui met de la bonne humeur entre Mathilde et moi ! Je le savais que cette soirée serait ratée !!! J'accepte avant qu'elle puisse avoir l'idée de refuser. Lundi matin, j'arrive au bureau de mauvaise humeur. J'ai atrocement mal dormi cette nuit. Mathilde est déjà à son bureau. Après la soirée de vendredi, nous ne sommes pas appelés. J'ai profité de mon week-end pour m'occuper de Topaze. Je l'ai tellement négligé ces derniers temps. Il en avait besoin.

Mathilde :
"Salut ma belle !"

Je jette un œil de droite à gauche pour être sûre que personne ne nous observe. Tout le monde doit être au courant de notre relation, au bureau, mais je préfère rester discrète. Je dépose un baiser furtif sur ses lèvres. Elle s'approche plus près de moi pour prolonger notre étreinte. Je recule aussitôt.

Miss Mystère :
"Je vais prendre un café et on s'y met."
Mathilde :
"Ouais... Tu peux le prendre en perf, princesse ! Gabriel nous a pas ratés !"

J'adore travailler chez Carter Corp. Je me demande parfois si c'est le cas pour elle. Plus les dossiers présentent de difficultés, plus je les apprécie. Ils me permettent de forger mon expérience.

Mathilde :
"Tant mieux ! Si je travaille ici c'est pas pour flâner à la machine à café..."

Elle fronce les sourcils devant mon air renfrogné. Je baisse les yeux devant son inquiétude. Elle n'a rien fait aujourd'hui pour attiser ma colère, mais je ne peux pas m'empêcher d'être amère. Si je me calme autour d'un café, je pourrai peut-être reprendre mes esprits, et cesser d'être aussi désagréable.

Mathilde :
"Je dis juste que Gabriel abuse, c'est tout."

Mathilde use d'un ton beaucoup plus froid qu'à mon arrivée. Je ne vais pas pouvoir garder mon self-control bien longtemps.

Miss Mystère :
"Ouais, mais faut parfois aller au-delà de ses limites !"
Mathilde :
"Tu sous-entends quoi, au juste ? Je comprends pas bien là..."
Miss Mystère :
"Que la vie n'est pas une promenade de santé. Et que si t'as peur des difficultés, autant rester chez toi."

Elle lève les sourcils, étonnée par mon agressivité. Il faut dire que je m'étonne moi-même. Je ne suis pas sûre que le café soit une bonne idée, finalement... Je me connais assez bien pour savoir que, si je regrette sûrement mes paroles. Tant pis pour la discrétion, il faut bien crever l'abcès un jour ou l'autre. Elle me sait l'avant-bras et me contraint ainsi à la regarder dans les yeux.

Mathilde :
"Qu'est-ce que t'as ? C'est quoi le problème ?"

À chaque fois je dois lutter contre ce petit cœur qui s'emballe dès que je me trouve trop près d'elle. Mais je ne me démonte pas. Ce n'est pas le moment.

Miss Mystère :
"Tu manques de courage !"
Mathilde :
"Quoi ? Pour le truc de Gabriel ? C'est pour ça que tu t'emballes ?"

(Bordel...! Parfois je me dis que tu ne comprends pas à mes attentes !)

Miss Mystère :
"Je m'en fous du truc de Gabriel ! Tu vois pas que tu choisis toujours la situation de facilité pour éviter les conflits ?!"
Mathilde :
"Putain, mais de quoi tu parles ?"

Elle nie ou minimise les problèmes qui me rongent. Je suis si agacée que j'élève la voix. Quelques regards se tournent vers nous. Il faut dire que pour la discrétion on repassera ! Elle n'a toujours pas lâché mon bras. Je la défie du regard.

Miss Mystère :
"Pour commencer, pourquoi tu veux pas réparer ta moto ?"

Elle pousse un petit soupir agacé. Genre tu me prends la tête pour rien.

Mathilde :
"Je te l'ai dit. La pièce à changer coûte une blinde."
Miss Mystère :
"Je te crois pas une seconde. T'as pas le courage de me dire la vraie raison !"

Elle fronce les sourcils et resserre sa prise autour de mon bras pour m'attirer tout contre elle. Sa voix résonne alors dans tout l'open-space.

Mathilde :
"Ah ouais ? J'ai pas assez de cran à ton goût ?"

J'ai surement tapé dans le mille pour qu'elle sorte enfin de ses gonds. Je l'ai rarement vu dans cet état. Elle qui est d'habitude si attentionnée et calme... Elle cache beaucoup d'aspects de sa personnalité. Et c'est bien ça qui m'attire aussi chez elle...

Miss Mystère :
"Si t'avais du cran, t'aurais empêché ton frère de draguer Lola !"

Elle recule tout à coup sa prise et se recule d'un pas.

Mathilde :
"Ah voilà ! On en finit toujours par arriver à Daryl. On tourne en rond là ! Tu ferais mieux de prendre ton café avant que ça dégénère..."
Miss Mystère :
"Ouais, t'inquiète ! Je vais le prendre mon café !"

Je tourne les talons avec l'allure d'une diva, mais, avant de quitter notre box, je m'arrête et me tourne vers elle, plus amère que jamais.

Miss Mystère :
"T'as pas le courage d'affronter ton frère, ni même d'affronter ton passé, et encore moins de m'affronter moi, et d'avouer la vérité à propos de..."
Gabriel :
"Miss Mystère ?"

Je me retourne, et mon nez percute presque la veste de Gabriel. Je dois relever la tête pour plonger mes yeux dans un regard bleu glacial.

Gabriel :
"Je t'attends dans mon bureau. Tout de suite !"

(Et voilà ! J'aurais mieux fait de me taire ! Bravo Miss Mystère ! Je ne te félicite pas !)

Gabriel :
"Toi aussi Mathilde."

En traversant l'open-space jusqu'au bureau de Gabriel, je ne fais pas la fière. Mon cœur bat la chamade. J'ai peur d'être allée trop loin sur mon lieu de travail... Mathilde a perdu sa langue. Je crois qu'elle est dans le même état que moi.

Miss Mystère :
"Gabriel nous a sûrement pas convoqués pour des dossiers à traiter."

Nous entrons dans le bureau de Gabriel dans un silence pesant. Nous devons avoir l'air de deux gosses pris la main dans le sac ! Notre boss se tient debout derrière son bureau. Il nous dévisage tour à tour, sans prononcer un mot. Et qu'il ne parle pas, ce n'est pas bon signe du tout !

Gabriel :
"Asseyez-vous."

Le ton est donné. Nous nous exécutons sans broncher. Je m'assieds la première. Mathilde se place à mes côtés. Mes doigts triturent avec angoisse les rebords de mon gilet. Je ne pourrais pas me pardonner mon écart de conduite si je me faisais sanctionner. Ce silence est insupportable pour mes nerfs. Je vais finir par craquer tant il est oppressant. J'ai la bouche pâteuse, mais je prends mon courage à deux mains pour engager la conversation.

Miss Mystère :
"Gabriel..."
Gabriel :
"Il me semble que vous et moi avons déjà eu une conversation à propos de votre relation."

Je blêmis immédiatement. J'avais encore l'espoir que cet entretien ne concernerait pas ma relation avec Mathilde.

Gabriel :
"Je ne peux pas tolérer que vous rameniez votre vie privée au travail. Vous vous êtes clairement donnés en spectacle devant tout le monde."

Mais au lieu de ça, je la vois serrer les dents. Pour sûr qu'avec le peu de sympathie qu'elle voue à Gabriel, elle se retient de répondre.

Gabriel :
"Je vous ai laissé une chance, la dernière fois. Les relations personnelles au sein de Carter Corp ne sont pas appréciées. Vous êtes ici pour donner le meilleur de vous-mêmes, dans le but de satisfaire pleinement nos clients."

Venant du type qui a pour réputation de s'être envoyé la moitié du service, je trouve ça gonflé !

Miss Mystère :
"Notre objectif n'a pas changé, il est le même que le tien."

Il me fixe avec insistance. Mes propos ne semblent pas le convaincre. Je réalise la gravité que pourrait avoir les conséquences de ma dispute avec Mathilde. Je dois absolument faire comprendre à Gabriel ma détermination et mon engagement pour Carter Corp.

Gabriel :
"Comment est-ce que je peux vous faire confiance à nouveau ? Votre relation empiète clairement sur votre travail."
Mathilde :
"Nos disputes n'ont aucune influence sur notre boulot. Tu le sais très bien..."

Je serre les mains contre mes poches. Je n'arrive pas à croire que Mathilde se permette tant de familiarité avec notre boss ! C'est le moment de s'écraser, Mathilde !

Gabriel :
"Ce que je sais c'est que vos soucis personnels doivent rester personnels. Ils n'ont rien à faire ici. J'ai du mal à croire que ça n'influence pas l'efficacité de votre collaboration."

Il a raison. Les problèmes survenus entre Mathilde et moi m'ont clairement déstabilisée. J'ai consacré de nombreux efforts à l'accomplissement de ma carrière, j'aurais du mal à renoncer à mon travail. Mais l'amour est si difficile à trouver de ne jours ! Mathilde est une perle rare. Mes sentiments envers elle dominent tout le reste, même si c’était stupide de renoncer à ma carrière. Le temps qui semble passer au ralenti est une épreuve. Je n'ose pas regarder Mathilde à mes côtés.

Gabriel :
"Si vous finissez par ne plus vous entendre, je serai obligé de vous séparer, et l'une d'entre vous devra travailler dans un autre service de la boîte."

Le choc m'assaille. Sauter en chute libre du haut de la statue de la Liberté doit faire le même effet. Sauf que là, pas de parachute ! Elle semble garder son sang-froid. Elle attend la décision de Gabriel, sereine. J'ai l'impression que ça ne lui fait ni chaud ni froid, et cette indifférence me fiche au coup au cœur. Je vivrais mal de ne plus travailler avec ses côtés... Mais peut-être qu'elle n'attend que ça au final...? Je dois me recentrer, ne pas me laisser envahir par mes émotions... Je sais que Gabriel est un manager très exigeant, mais il est aussi très juste. J'ai travaillé trop dur pour être à ce niveau. Je ne supporterais pas de tout perdre pour une histoire aussi compliquée que la nôtre. Après tout, je ne sais toujours pas où nous en sommes vraiment avec elle, et je vais tout foutre en l'air pour du vent...?

Mathilde :
"Gabriel, c'est ma faute. Elle n'a rien à voir avec tout ça."


Je me tourne tout à coup vers elle et la fixe, bouche bée.

(Mathilde... Qu'est-ce que tu fais...?)

Mathilde :
"C'est une collaboratrice géniale dont tu aurais du mal à te passer. Mute-moi ou... vire-moi, si tu penses que c'est nécessaire."

(Mon Dieu ! Elle met son job en péril pour moi !)

Miss Mystère :
"Non !"

Elle me dévisage, comme si elle avait vu la vierge, mais je l'ignore et me retourne vers Gabriel, les mains sur cœur.

Miss Mystère :
"Gabriel ! Ne fais pas ça ! Je te promets que nous allons redoubler d'efforts ! les dossiers que tu nous ans confiés seront impeccables !"

Il réfléchit un instant. Son air calculateur laisse à nouveau place à son air glacial.

Gabriel :
"Je prends note de cette proposition et j'attends les résultats de cette promesse. En attendant, évitez les débordements, car ma patience n'est pas sans limites."

Je respire enfin, comme si cet entretien avait été un exercice d'apnée. Gabriel nous libère et je sors de son bureau sans attendre Mathilde. C'est une catastrophe ! Comment ai-je pu tomber si bas ? Mêler ma vie sentimentale à mon travail n'était pourtant pas dans mes projets ! J'avance d'un pas rapide. Ma tête grouille de question sans réponses. J'entends Mathilde qui m'appelle.

(Pas maintenant...!)

J'agrandis mes enjambées et mes talons frappent le sol à un rythme plus soutenu. Je fonce vers la salle de pause ! Il est hors de question que je m'arrête ! Gabriel a été assez clair et mon état émotionnel n'est pas maîtrisable, pour l'instant ! Mathilde prononce mon prénom une deuxième fois. Plus fort cette fois. Je m'immobilise au milieu de la large pièce. J'ai peur qu'elle alerte toutes les commères de l'entreprise. Je devrais lui répondre, mais, alors que je m'apprête à parler, des collègues passent à côté de moi. Je soupire et repars aussitôt pour éviter d'alimenter les ragots. Mon humeur de chien est en train de battre des records ! Déjà que je n'aime pas lundi, ce début de semaine est loin d'être prometteur ! J'arrive à la salle de repos. Heureusement il n'y a personne. J'ai besoin d'être seule un moment, et surtout il me faut un café ! Je fixe la machine comme si elle allait me sauver la vie. Je promets que si elle ne me délivre pas comme il faut ma boisson, je la démonte ! Il faut bien que passent mes nerfs sur quelque chose ! Bon... Du calme... On va la faire en moins stresser... Avant toute chose, mettre mes considérations personnelles de côté, pour éviter des ennuis supplémentaires. J'espère seulement que Mathilde fera un effort pour que notre collaboration professionnelle se déroule sans entrave. J'ai l'habitude de contrôler mes émotions depuis toujours. Cette semaine n'est qu'une épreuve de plus, elle sera réussie haut la main. Si je considère Mathilde uniquement comme ma collègue, il n'y aura aucun problème. J'avale une gorgée de café chaud et ferme les yeux une seconde pour apaiser mes tensions. Je me sens tout de suite mieux. Comme le baiser tendre d'une mère, la boisson chaude calme ma nervosité.

Cassidy :
"Déjà en pause, mademoiselle Rivoli ?"

(Génial... Je n'avais pas prévu le baiser de la marâtre...)

Il ne manquait plus que cette garce de DRH pour m'achever en beauté ! À croire qu'elle a flairé ma détresse.

Miss Mystère :
"Bonjour Mademoiselle Sparke."

Je me retourne sur cette pimbêche au décolleté plongeant.

(Au passage il attire vraiment les yeux...!)

Cassidy :
"Vous avez une mine affreuse, mademoiselle ! Jose espérer que c'est la charge de travail ici qui vous préoccupe !"

Une force supérieure s'amuse probablement à tester mes résistances, pour m'infliger les remarques de Cassidy maintenant. Est-ce que je lui ai demandé son avis en cosmétique pour qu'elle se permette de juger ma mine ? Elle devrait plutôt être satisfaite que je ne sois pas à mon avantage. Je ne lui ferai pas concurrence aujourd'hui.

Miss Mystère :
"Le travail, entre autres choses qui ne vous regardent pas."

Elle me lorgne avec dédain. Son silence me laisse penser un instant qu'elle en a terminé avec moi. Je me trompe, bien sûr. Cette harpie est aussi tenace qu'un pitbull sur un os à mâcher.

Cassidy :
"J'ai appris votre relation avec votre collaboratrice. C'est regrettable ! Vous devez sans doute être informée du fait que les rapprochements intimes ne sont pas tolérés au sein de Carter Corp ?"
Miss Mystère :
"Je suis au courant."
Cassidy :
"Quel dommage de briser sa carrière pour une partie de jambes en l'air ! Moi qui croyais tellement en vos compétences ! Retenez bien que l'une de vous devra partir si vos résultats baissent !"

Un silence pesant accompagne son sourire hypocrite. Une lueur de méchanceté brille dans ses yeux. Elle a quelque chose derrière la tête et son idée maléfique la galvanise.

Cassidy :
"J'aime beaucoup Mathilde. Elle est brillante, bien plus que vous."

(J'hésite entre lui balancer mon café à la figure ou à lui arracher son chignon...)

D’une, elle me menace, et de deux, elle se permet des remarques sur MA MEUF ? Cette femme n'est pas seulement une allumeuse aguerrie. Elle possède le pouvoir d'influencer Gabriel dans sa décision. Elle pourrait nous écraser comme on piétine une fourmi. Je suis obligée de faire profil bas devant sa fourberie. Ça me tue, mais je n'ai pas le choix, j'ai des factures à payer...

Miss Mystère :
"Mathilde est assez brillante pour que nos résultats ne baissent pas. Vous n'avez pas d'inquiétude à avoir. Je dois filer travailler, excuse-moi."

Je jette mon gobelet encore à moitié plein à la poubelle et quitte la salle, avant que Cassidy ne crache à nouveau son venin.

Lorsque je suis rentrée à l'appartement, Topaze m'a accueillie avec une frénésie. J'ai attendu ce moment toute la journée. Travailler avec Mathilde a été une vraie torture. Elle a essayé de crever l'abcès entre nous, mais ma fierté a coupé court à ses tentatives, alors qu'en temps normal je n'aurais attendu que ça. Mon esprit était embourbé. J'avais besoin de prendre l'air. J'ai pensé que courir me ferait le plus grand bien. Topaze aussi ! Il tournait autour de moi comme une roupie pendant que j'enfilais mon survêtement et mes baskets. En courant dans les allées du parc, j'observe Topaze à mes côtés. Si j'étais un chien, je ne me poserais pas tant de questions. Je profiterais de chaque instant comme un cadeau. Une simple sortie au parc romprait la monotonie. Un point de côté paralyse ma course. Je presse ma main sur la douleur pour estomper, mais celle-ci m'oblige à m'arrêter. Je continue de marcher pour ne pas m'infliger une crampe et respire profondément. Topaze aboi à cause de ma lenteur.

Miss Mystère :
"Je suis désolée Topaze, j'ai sous-estimé ma fatigue ! Tu veux que je te dise...? On est bien là tous les deux. ?"

Topaze lève une oreille quand il sent que je m'adresse à lui. Parfois, j'ai le sentiment qu'il ne lui manque que la parole.

Miss Mystère :
"J'arrive à rien en ce moment. Je me suis disputée avec ma petite amie, je risque de perdre mon travail. La DRH me harcèle, ma meilleure amie tourne du côté obscur et j'arrive même plus à faire le tour du parc sans m'arrêter !"

Je soupire. La vérité paraît encore pus pitoyable lorsqu'on la révèle à son chien. Topaze aboi à nouveau en sautant sur mes cuisses.

Miss Mystère :
"Ok, je me remets à courir, petit impatient !"

Au bout de quelques foulées, j'aperçois une allure familière au loin. La personne qui arrive devant moi ressemble à Mathilde. Mon esprit me joue des tours. Je la vois partout, à force de penser à elle. Elle se rapproche très vite et je n'ai alors plus aucun doute, c'est bien elle. Mon Dieu qu'est-ce elle est sexy dans son survêtement ! Ses écouteurs dans les oreilles, elle ne semble pas m'avoir aperçue. Je n'ai pas eu le temps de rassembler mes esprits. Je suis venue courir pour cesser de penser à elle deux minutes, et voilà qu'elle surgit à nouveau. J'aimerais tant qu'il n'y ait eu aucune dispute entre nous, je pourrais plonger dans ses bras et passer mes mains sur ses muscles... Avec un peu de chance, je vais passer à côté d'elle sans qu'elle me remarque. Je baisse la tête lorsque j'arrive à sa hauteur.

(Regarde les graviers, Miss Mystère !)

Les écouteurs dans ses oreilles, elle n'entend pas Topaze aboyer. Oh non ! Topaze va finir par nous faire remarquer ! Trop tard ! Topaze se précipite sur elle, et manque de la faire trébucher.

(Je peux mettre une croix sur le mode incognito !)

Mathilde cesse de courir et croise mon regard lorsqu'elle relève la tête. Ses yeux sont embués, sans doute à cause de la fraîcheur du soir et du vent. Topaze jappe à ses pieds. Il frotte entre ses jambes dans l'espoir de recevoir une caresse.

(Le traître !)

Miss Mystère :
"Topaze ! Viens ici tout de suite !"

Topaze ne veut pas quitter Mathilde. Comment ose-t-il ? Après tout ce que je lui ai raconté de ma journée !? Je ne pensais pas que le soi-disant meilleur ami de l'homme serait le prochain emmerdeur sur la liste... Je suis obligée de m'avancer vers elle pour récupérer Topaze par le collier. Parfois je me demande s’il ne serait pas aussi accro que moi à ma belle brune ! Elle me regarde avancer. Mon cœur tambourine de plus en plus vite dans ma poitrine. L'aura de Mathilde m'hypnotise. Pourquoi faut-il que je sois fière ? J'ai tellement envie de l'embrasser !

(Ah ! Miss Mystère tu es si faible !)

Miss Mystère :
"Topaze ! Viens là, je te dis !"

Topaze ne bouge pas d'un iota. Je rougis sous l'emprise du regard de Mathilde.

Miss Mystère :
"Topaze, tu m'as piégée ! Tu n'es vraiment qu'un traître !"

Elle esquisse un sourire amusé. Je me force à serrer les lèvres pour retenir un sourire. Il est hors de question que je lui cède aussi facilement. Bouder est mon arme secrète, jusqu'à ce que je croise à nouveau son regard. Alors nous éclatons de rire toutes les deux devant notre entêtement à vouloir éviter l'inévitable.

Mathilde :
"Contente de te retrouver, princesse."

Elle avance d'un pas dans ma direction. Je sais à cet instant qu'elle a gagné. Je n'ai qu'une envie : me blottir contre elle. Ses yeux m'emprisonner dans une bulle où il n'y a plus qu'elle qui compte. J'ai perdu trop de temps à lui faire la tronche. J'efface la distance qui nous sépare encore en agrippant mes bras autour de son cou. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point Mathilde m'avait manqué. Son doux parfum, sa tendresse et la chaleur de son corps m'apaisent intensément. Mon oreille posée contre son torse, j'entends les battements de son cœur qui s'accélèrent.

Mathilde :
"Désolé pour les soucis que je t'ai causés."

Quand elle m'appelle par mon prénom, et pas par un surnom, c'est soit qu'elle est très fâchée, soit très sérieuse.

Miss Mystère :
"C'est oublié. J'ai pris les choses trop à cœur et je nous ai entraînés dans cette galère."
Mathilde :
"Je te promets qu'on va arranger ça. Tu risqueras par ton poste dans ce service."

Mathilde m'embrasse sur le dessus de la tête. Je lève les yeux sur son visage.

Miss Mystère :
J'espère que si je risque pas mon poste toi, non plus !"
Mathilde :
"Fais-moi confiance, princesse. Gabriel, j'en fais mon affaire."

Je souris devant son air mutin. Impossible pour elle de rester sérieuse trop longtemps. Topaze nous tourne autour en aboyant. C'est le signal pour avancer, il déteste faire du sur place. Ou peut-être qu'il déteste tenir la chandelle ?

Miss Mystère :
"On devrait marcher avant que Topaze nous saute dessus !"
Mathilde :
"Je viens de te retrouver poupée, pense même pas une seconde que je vais te lâcher tout de suite !"
Miss Mystère :
"Ok, c'est bien parce que je veux bien."
Mathilde :
"Tu le veux bien ? Arrête un peu princesse. T'en meurs d'envie !"

Je lui balance un coup dans les côtes pendant qu'elle pouffe de rire. Je tente de me défaire de ses bras sans grande conviction.

Mathilde :
"T'essaies de t'échapper là ? Non parce que j'ai rien senti..."
Miss Mystère :
"Méfie-toi. Tu risques bien de sentir ma main dans ta jolie petite figure si tu continues !"
Mathilde :
"Oh oh !!! Je tremble de peur !!!"

Ces moments de complicité m'ont tellement manqué. Avant, avec elle c'était toujours comme ça simple. Simple et vrai. Mais rapidement, les choses se sont envenimées. Trop d'histoires avec son frère, le gang et... Lana. Mathilde m'étreint amoureusement. C'est le moment ou jamais de lui avouer ce que j'ai sur le cœur.

Miss Mystère :
"J'ai besoin de savoir la vérité... Ça me bouffe de penser que tu me caches des choses !"

Elle se défait de moi et prend mon visage en coupe.

Mathilde :
"Je te cache rien. Rien du tout. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?"

Je reprends une profonde inspiration. Je sens que ce moment de complicité va disparaître aussi vite qu'il est apparu...

Miss Mystère :
"Tu sais ton histoire de moto, je te crois pas du tout. Je crois que... Que tu veux pas la faire réparer..."

Elle me coupe la parole.

Mathilde :
"Je t'ai déjà..."
Miss Mystère :
"Non, attends, laisse-moi finir !"

Elle s'exécute. Elle écoute attentivement. Bon dieu, où est-ce qu'on peut trouver une fille aussi adorable de nos jours...?

Miss Mystère :
"Je crois que tu fais ça pour moi... Tu veux me protéger, et je trouve ça trop chou, mais tu peux pas faire ça !"

Garder ce qui nous tracasse au fond de nous n'est vraiment pas une solution. Ça fait un bien fou de pouvoir se libérer. Elle doit prendre le temps de digérer mes propos, car elle est très silencieuse.

Miss Mystère :
"Dis quelque chose ! S'il te plaît..."

Mathilde m'embrasse sur les lèvres. Un baiser tendre qui réveille en moi une série de frissons le long de mon épine dorsale.

Mathilde :
"Je suis vraiment folle de toi, et je flippe que tu montes à avec moi. Mais c'est pas pour ça que je repars pas. J'ai pas le fric, point barre. La pièce à changer vaut au moins mille balles. J'ai pas les moyens de mettre autant là-dedans, maintenant."

Elle semble extrêmement sincère. Merde, je me suis fait des films ! Mon imagination tordue se méfie de tout ce qu'une femme peut raconter. Je devrais sans doute apprendre à lâcher un peu de lest dans notre relation.

Miss Mystère :
"Ok."

Elle me prend dans ses bras, songeuse. Je profite de cet instant encore une fois.

Mathilde :
"C'est ma faute si t'as pas assez confiance en moi. Je suis pas... Enfin, c'est pas mon truc de raconter ma vie, tu vois ?"

(Oui, mais, j'ai un grand besoin de communiquer !)

Mathilde :
"J'ai envie qu'on passe plus de temps ensemble. Tu veux pas venir chez moi ?"

Mon cœur fait une embardée.

(Chez elle ? Maintenant ?)

Miss Mystère :
"Avec plaisir !"

Elle me lance un sourire coquin.

Mathilde :
"Tu le regretteras pas ma belle."

Lorsque nous entrons dans son appartement, Topaze est comme un fou. Il renifle et inspecte tous les angles en remuant la queue.

Miss Mystère :
"Cherche Topaze ! On sait jamais !"

Il s'en donne à cœur joie comme à chaque fois qu'on joue à ce jeu.

Miss Mystère :
"Je suis désolée... Mon chien risque de tout salir !"
Mathilde :
"C'est pas un problème, princesse. Il peut difficilement faire pire que moi ! Laisse-le faire !"
Miss Mystère :
"Ah bon ? Tu veux dire qu'il t'arrive de dévorer ton matelas ou de mâchouiller les pieds de tes tabourets ?"

Elle esquisse un sourire et s'adresse à Topaze qui le regarde un bref instant avant de recommencer à fureter de partout.

Mathilde :
"Si tu fais ça, mon pote, on aura une petite discussion, toi et moi."

J'esquisse un sourire je m'avance à la fenêtre du salon. Le soleil se couche et de chaudes couleurs s'étendent dans le ciel. Son appartement est sympa, mais j'ai pris l'habitude de vivre seule. Je n'ai pas mes repères ici ! Des affiches de sport, des gants de boxe, des magazines sur les motos... D'un côté je préfère ça plutôt que de voir traîner des affaires louches ayant appartenue à d'anciennes conquêtes ! Elle m'appelle. Elle est derrière la banque de sa cuisine. Je la rejoins et me cale sur un de ses tabourets de bar. Elle est penchée sur l'évier. Son pantalon de survêtement lui donne un fessier à croquer. Seigneur, même la plus sage des nonnes renierait son vœu d'abstinence devant un spectacle pareil ! Je me perds totalement dans la contemplation de ce cœur d'athlète, mon menton confortablement installé dans les mains. Soudain, elle se retourne.

Mathilde :
"Des glaçons dans ton verre d'eau ?"
Miss Mystère :
"De... hein ?"

(Bravo ! Prise en flagrant délit de matage ! Fais un effort pour avoir l'air moins coupable !)

Mathilde :
"Glaçons. Verre d'eau."

Elle me tend les deux objets dans chacune de ses mains et m'observe, un sourire en coin. Je suis sûre qu'elle m'a captée !

Miss Mystère :
"Euh oui... Je veux bien..."

Je devrais lui demander de remplir sa baignoire de glaçons, histoire de faire baisser ma température et mes idées coquines. Mais aussi, on n'a pas idée d'avoir un corps pareil !! Pour me donner une contenance, je grimpe sur la banque en un mouvement agile. J'ai toujours rêvé de faire ça !

Miss Mystère :
"Alors chef, qu'est-ce que vous allez nous préparer ?"
Mathilde :
"Ça dépend des ingrédients... J'avoue que ce qui se présente à moi là me donne très envie de cuisiner !"

(Ok. Deux baignoires de glaçons s'il vous plaît !).

Miss Mystère :
"Tant que tu ne m'embroches pas..."
Mathilde :
"Ne me fait pas ce genre de proposition, j'ai une très grosse envie..."
Miss Mystère :
"Mathilde !!!"


Je me retourne, faussement boudeuse, et je retiens un rire, en croisant les bras sous ma poitrine. J'entends le bruit d'un verre l'on pose. Je retiens mon souffle pour guetter le moindre mouvement derrière moi. Le silence à envahi la pièce et j'ai peur que les battements de mon cœur couvrent le bruit du réfrigérateur. Elle se rapproche. Je ne vois pas, mais je la sens. Chaque particule de mon corps se réveille à son contact. Lorsque sa main chaude frôle la peau délicate de ma nuque, aucune partie de mon cerveau n'échappe à l'effet explosif de ce contact. Elle glisse ses doigts dans mes cheveux et les écarte pour libérer l'accès à mon cou. Je sens son souffle contre mon oreille. Des frissons m'envahissent, de la racine de mes cheveux à la pointe de mes orteils. Involontairement un hoquet de surprise s'échappe de mes lèvres. À moins que ce soit un râle suppliant et impatient. Je ferme les yeux. La sensation de lui appartenir est divine. Ses baisers contre ma peau s'intensifient. Sa langue se promène avec grâce le long de ma nuque. Ses lèvres tendres se pressent et m'aspirent avec délectation. Seules les sensations qui m'envahissent occupent mon esprit et mon corps. C'est une torture. Je veux qu'elle me touche, qu'elle me saisisse contre elle. Je n'en peux plus de ce petit jeu. Je tente de me retourner, mais elle referme sa prise pour m'en empêcher. Elle continue de me frôler et je presse mon dos contre le sien afin qu'elle comprenne mes intentions ! Ses lèvres dansent sur ma peau sensible. Ses baisers sur ma nuque réveillent en moi un désir inavouable. Mathilde m'avait manquée. Son délicat parfum se mélange agréablement aux effluves de sueur et lui confère la puissance de son état... J'aime quand elle est entreprenante. Ses gestes témoignent de son tempérament combatif, alors que ses lèvres traduisent son infinie douceur. Sa main puissante glisse sur mes hanches, pour se loger sur mon ventre, et libère une envolée de papillons au creux de mon estomac. Mon corps est incontrôlable. La lenteur de ses gestes me donne envie de hurler. Ils me font languir le désir qui m'attend. Je ne peux m'empêcher de gémir quand elle approche de ma délivrance. Nos corps se juxtaposent avec délice. J'ai l'impression d'être à elle tout entière. Sa main rugueuse et douce à la fois dessine des lignes imaginaires sur ma peau. Elle se promène sous mon t-shirt et me fait frissonner. J'ai envie qu'elle me touche. Mon désir pour elle se manifeste avec audace. Le désir que Mathilde suscite en moi libère une nouvelle Miss Mystère. Bien moins timorée que l'ancienne ! Je pose ma main sur la sienne et la guide, plus bas. Elle pousse un râle sexy dans mon cou, amplifiant ainsi la myriade de sensations qui se diffusent délicieusement dans toute mon échine. Son cœur qui bat à tout rompre se superpose au mien, prêt à exploser. Nous avons étreint toutes les deux une sorte d'excitation commune. Le lendemain, Mathilde et moi travaillons d'arrache-pied sur le dossier en cours. Notre complicité est revenue à la normale et notre collaboration porte ses fruits. Gabriel ne le regrettera pas. En fin de matinée j'ai envoyé un message à Lola. Nous ne nous sommes pas parlé depuis le soir où elle est partie avec Daryl... J'ai très envie de savoir comment cette soirée s'est terminée pour elle. Quelque chose me dit que je regretterai sûrement ma curiosité, mais son silence est encore plus intrigant. J'ai droit à tous les détails croustillants, d'habitude ! Nous nous retrouvons chez Felipe pour le déjeuner. J'arrive la première au restaurant. La salle est bondée et l'odeur des plats italiens réveille mes papilles. Je raffole des mets de Guiseppe et j'ai une faim de loup, ce midi. Je m'installe et attends patiemment mon amie, en grignotant quelques gressins. Lorsque Lola pousse la porte d'entrée, son sourire illumine le visage de tous les clients. Elle est vraiment superbe. En temps normal c'est le genre de femmes qui me donne des complexes.

Miss Mystère :
"Waouh ! T'es radieuse dis-moi ! T'as fait des séances d'UV ou bien ?"

(À moins que ce soit l'effet Daryl... Le souvenir de cette fameuse soirée où il s'était fait passer pour Mathilde me revient en mémoire.)

Il ne fait aucun doute qu'il doit être un amant passionné...

(Merde ! Pourquoi je pense à ça ?!)

Elle émet un rire taquin en me tapant gentiment l'épaule.

Lola :
"Non, pas du tout ! C'est qu'il fait chaud ici ! C'est sans doute le changement de température qui me donne le teint d'une écrevisse."

J'ai enlevé une épaisseur aussi en entrant. Nous commandons et parlons de tout et de rien, mais il y a comme un malaise. Je devine aisément pourquoi elle est si radieuse et cette idée me hante. Je veux savoir comment s'est terminée la soirée en compagnie de Daryl.

Miss Mystère :
"Alors ? Daryl a cherché à t'embrasser ? T'es allée chez lui ? Il t'a appelée depuis ?"

Elle m'observe avec son petit air satisfait. C'est officiel, on va se faire des soirées tous les quatre ! Plus glauque, tu meurs !

(En attendant, je note que je devrais postuler à la CIA. Enfin, s'ils aiment les agents qui manquent de tact...)

Miss Mystère :
"Dis-moi tout ! Je vais devenir folle !"
Lola :
"Je me demandais quand tu allais enfin me demander..."

Elle semble excitée comme une gosse devant les premières neiges. Je redoute le pire.

Miss Mystère :
"Alors...? Accouche !"

(Enfin, façon de parler ! Car un bébé Daryl dans le ventre de Lola, je crois que là je fais un malaise...)

Lola :
"Il m'a gentiment raccompagnée !"

(C'est tout ? Remarque, ça dépend ce qu'elle entend par "gentiment" ! Un baiser mouillé, c'est gentil, non ?)

Miss Mystère :
"Et...?"

Elle avale une gorgée de chianti, pendant que je la fixe avec insistance. Je bois le mien d'une traite.

Lola :
"Après... eh bien... Tu savais que sa voiture était si confortable ?"

(Oh putain !!!)

Je manque de recracher ma gorgée de vin et me précipite pour attraper une serviette en papier.

Lola :
"Je lui ai proposé un dernier verre..."

J'imagine le pire, mais de l'entendre dans la bouche de mon amie, ça me déprime. Entre Daryl, qui n'a aucun tabou, et elle, qui assume totalement sa vie de femme libérée, je devais m'attendre à ce qu'ils ne passent pas la soirée à jouer au Scrabble !

Miss Mystère :
"Chez toi ?"
Lola :
"Non, chez le pape... Ben oui, chez moi, banane !"

Mon amie triture sa fourchette en souriant.

(Non... Pitié...)

Miss Mystère :
"Me dis pas qu'il s'est passé un truc entre vous ?"

(Je sais pas ce que j'espère, là...)

Elle quitte des yeux ses couverts un moment, pour me dévoiler ses dents blanches et ses petites fossettes.

Miss Mystère :
"C'est pas vrai ????"

Je connais mon amie par cœur. Pas la peine qu'elle prononce un mot pour deviner ce qu'elle n'ose pas me dire. Cette fois, je dois lui arracher les vers du nez pour avoir quelques détails ! d'habitude, elle me fait l'inventaire de la soirée, y compris la couleur des vêtements du type.

(Elle et lui ! Je n'arrive pas à le croire ! C'est une blague, c'est ça ? Je suis dans un mauvais sitcom et tout le monde rigole à ce moment précis ?)

Miss Mystère :
"Attends, attends... Je croyais que tu l'aimais pas quand je t'en parlais ?"

Elle hausse les épaules.

Lola :
"J'ai pas dit que je l'aimais pas. Je le connaissais pas, c'est différent !"
Miss Mystère :
"D'accord, mais ce que je t'en disais te mettait plutôt sur la réserve. Je te rappelle qu'il a des fréquentations un peu spéciales. Avec Daryl, on parle d'un vrai mauvais garçon, ma belle !"

Je ne devrais pas juger mon amie, mais là j'ai du mal à la suivre.

Miss Mystère :
"Il te plaît alors ?"

Lola semble gênée par ma question. Elle qui est pourtant si bavarde d'habitude...

Lola :
"Je crois que oui, mais tu sais c'était très bizarre, j'avais l'impression d'être avec Mathilde, des fois."

(Quoi ?!!!)

Je manque de m'étouffer avec mon gressin, tandis que Lola, le regard dans le vide, semble perdue dans la remémoration de certains souvenirs... Ça fait deux fois que je manque de m'étouffer ! Ce repas va mal finir ! Dans ma tête des images se superposent. Elle et Daryl. Elle et Mathilde. Elle avec Mathilde et Daryl... Oh Bon Dieu !!!

Miss Mystère :
"Euh franchement, j'apprécie moyen que tu les compares..."

(Comme si ça ne m'arrivait jamais ! Sainte Miss Mystère, reine des hypocrites.)


C'est certain, à présent la situation va être plus délicate ! Elle est à l'aise. Comparer Daryl à Mathilde n'était probablement pas volontaire, mais j'ai beaucoup de mal à avaler la pilule. Je me remémore mon câlin avec ma petite amie et je ne peux m'empêcher d'imaginer Lola à ma place. Le malaise !

Lola :
"C'est pas vraiment ce que je voulais dire. C'est qu'ils se ressemblent tellement !"
Miss Mystère :
"Oui, je comprends. Je te rappelle que je les avais confondus..."
Lola :
"Ils sont quand même différents. Le style, la façon de parler, le parfum. Et le caractère, je t'en parle même pas ! Ce sont des faux jumeaux, non ?"
Miss Mystère :
"Eh non, des vrais..."

Je vois bien qu'elle essaie tant bien que mal de s'accrocher aux branches pour ne pas me plonger dans ma mauvaise humeur. Elle réalisé sa gaffe, mais sa tentative pour faire oublier sa remarque est infructueuse. C'est stupide, mais j'ai la sensation désagréable de m'être fait voler une relation. J'étais la seule, jusqu'à présent, à avoir un lien étroit avec Daryl et Mathilde. Et où sont passées les belles paroles de Daryl me concernant...? Après tout, j'ai fait mon choix. Je ne vais pas demander à Daryl de ne pas aimer d'autres femmes, alors que j'ai rejeté ses avances. Ce serait égoïste. Que Lola entre dans ce triangle m'insupporte. Mathilde et Daryl sont indissociables. En aimer un, c'est aimer un peu l'autre, ils sont si ressemblants.

(Oh mon dieu ! Qu'est-ce que je raconte ?)

Pourtant, être aimée par l'un, c'est être aimé aussi par l'autre.

(Leur patrimoine génétique fait sûrement qu'ils partagent les mêmes goûts, non ?)

Mathilde est ma petite amie. Je ne veux la partager avec personne. Si Lola éprouve de l'attirance pour Daryl, c'est qu'elle en éprouve aussi pour Mathilde ! Si ça se trouve, elle a des vues sur ma petite copine depuis le début ! Lola remarque sans peine que je fais un peu la gueule. Elle tente de dévier la conversation.

Lola :
"Et sinon, toi et Mathilde, ça va ?"

(Oui, on file le parfait amour. Mathilde est formidable. Mais tu t'en doutes depuis que tu as couché avec Daryl, non ?)

Comment pourrais-je encore parler de mes sentiments profonds à Lola ?

Miss Mystère :
"Oui, ça va ! On croule sous le boulot !"
Lola :
"Ces pâtes sont délicieuses. Je devrais me contenter d'une salade, mais j'y arrive pas !"

Mon amie cherche à chasser la mauvaise ambiance qui vient de s'abattre sur notre déjeuner. Mais c'est peine perdue. Pourtant je n'ai pas le droit de la faire culpabiliser sur sa relation avec Daryl. Je lui en veux, c'est vrai, mais ça ne change rien. Lola est mon amie avant tout. Pour elle aussi ça doit pas être facile. Elle doit sûrement avoir envie de partager sa joie. Lorsqu'une histoire sentimentale débute, toutes les filles aiment en parler à leurs copines.

Miss Mystère :
"T'as changé la couleur de ton rouge à lèvres, non ?"
Lola :
"Ah... Tu l'as remarqué..."
Miss Mystère :
"Une amie voit tout, tu sais…
Lola :
"En parlant de régime, ça serait bien qu'on aille courir toutes les deux. Ça nous motiverait !"
Miss Mystère :
"Oui, pourquoi pas. On pourrait s'encourager !"

Des images de Lola en short se projettent sous mon crâne. Elle sur la banque de la cuisine de Mathilde...

(Oh merde...! Arrête de penser à des trucs comme ça !)

Lola :
"Je suis pas si nulle que ça à la course. Il se pourrait peut-être même que je te batte !"

Elle m'adresse un clin d'œil. Elle n'a aucune idée des pensées saugrenues qui me traversent l'esprit. La phrase de mon amie reste en suspens. Lola n'est pas une rivale, mais sa relation avec Daryl change la donne. Il se pourrait qu'elle me batte dans la conquête du cœur Ortega. Elle m'avait promis de me donner son avis impartial, de m'aider à clarifier mes sentiments. À présent, elle ne pourra pas tenir sa promesse. Et je lui en veux terriblement pour ça. Je n'arrive pas à m'enlever de l'idée ce qu'elle a dit : l'impression d'être avec Mathilde. Ça me reste en travers ! Au moment du dessert, je passe mon tour. Je n'ai plus faim et je veux écourter ce déjeuner.

Miss Mystère :
"J'ai pas trop le temps cette semaine. J'ai vraiment beaucoup de travail et Gabriel nous a à l'œil."
Lola :
"Ok..."

Elle n'est pas dupe. Son beau sourire s'estompe. Mais je ne veux pas rester plus longtemps. J'ai besoin de recul pour digérer tout ça, et je ne parle pas des pâtes de Giuseppe. Le soleil se couche sur la ville. Le bruit des Klaxons dans la rue s'amenuise. Il est déjà tard et tous les travailleurs ont fini par quitter leur bureau. Les bouchons sur la route s'estompent. Il serait temps que je rentre chez moi. Je parcours des yeux une dernière fois le dossier en instance. Clôturer ce dossier ce soir est une bonne chose de fait. Je vais pouvoir décompresser. Rien de mieux qu'une promenade au parc avec Topaze. Ça nous fera du bien à tous les deux ! Dans les couloirs de Carter Corp, je ne croise plus personne. Il semblerait que je sois la seule acharnée à travailler si tard. Même Mathilde est partie plus tôt. Je ne peux pas lui en vouloir, elle devait donner un cours à la salle de sport. Je lui ai promis de passer m'entraîner si je ne finissais pas trop tard. Me dépenser à la salle de sport est le meilleur des antistress ! Les lumières sont éteintes. Je devrais me dépêcher avant de rester coincée pour la nuit dans l'immeuble. Je traverse l'open space jusqu'au bureau de Gabriel. Je dois déposer notre travail sur son bureau. Il le trouvera demain en arrivant. Mon manager est très matinal, il l'aura déjà lu avant que j'ai traversé le hall de l'immeuble. La porte de son bureau est entrouverte et la lumière est allumée. Je ralentis le pas... Il est encore là ? Si Gabriel me voit au bureau si tard il sera convaincu de mon implication. En plus, si je lui donne le dossier en main propre, il pourra le détailler maintenant. Je vais frapper à sa porte lorsque j'entends des voix. Mon poing reste figé devant moi. Je suis curieuse de savoir qui travaille aussi tard que moi, mais j'hésite à m'annoncer. Le côté commère de ma personnalité serait prêt à parier qu'il n'est pas question de travail de l'autre côté de la porte. Et si c'était Cassidy à la recherche d'un avantage en nature...? Je m'en voudrais pas sauter sur l'occasion pour découvrir une information juteuse. Si seulement je pouvais avoir une longueur d'avance sur elle ! J'inspire profondément avant de commettre un péché de petite fille : J'avance doucement et plaque mon oreille contre la porte. Les voix se font alors plus distinctes. Il ne s'agit pas Cassidy.

(Et mince ! Mon plan machiavélique tombe à l'eau !)

La voix grave, le langage distingué... C'est Mark. Je suis surprise qu'ils aient un entretien si tardif, même si le directeur de la filiale est un drogué de travail. Je retiens mon souffle pour mieux entendre ce qu'ils se disent. Si je me voyais de l'extérieur, je me ferais honte. Mais parfois c'est bon, la honte !

Gabriel :
"J'ai fait mes preuves au sein de ce service, je pense qu'il est temps que je passe à autre chose !"

(Quoi ?!)

Mark :
"Ta soif d'évolution est tout à ton honneur, et nous apprécions ton travail aussi sein de Carter Corp, Gabriel. Mais je ne comprends pas ce souhait soudain. Quelles sont tes motivations réelles ?"

Je me colle un peu plus contre la porte, ma joue plaquée contre le métal froid, la bouche ouverte et les yeux ronds comme des soucoupes.

Mark :
"Je suis étonné que tu désires quitter ce service dans lequel tu excelles."

Il veut se barrer ? Mais...

Gabriel :
"J'ai mes raisons, Mark. J'aspire à autre chose dorénavant."

Je n'en reviens pas. Il veut laisser tomber l'équipe ! C'est impossible ! Il est mon mentor, en quelque sorte. Son exigence et sa communication sont les moteurs de ma réussite. Quand je pense qu'il nous a menacés de nous virer dans un autre service, Mathilde et moi. Ce sont que des foutaises ! Au fond de lui, il espère ne plus travailler avec nous, c'est tout ! Je suis confuse. Apprendre cette nouvelle est un coup de couteau dans le dos. Les voix se rapprochent ! Il est temps que je déguerpisse, avant d'être surprise en plein délit d'espionnage. Je repars sur la pointe des pieds, aussi légère qu'une plume, mais le cœur lourd comme du béton.
J'ai décidé de rejoindre Mathilde à la salle de boxe. M'entraîner un peu me fera le plus grand bien. J'ai besoin de me défouler ! Ma frustration doit être évacuée, et taper dans un punching-ball fera l'affaire. Si je ne me fatigue pas le corps, je n'arriverai jamais à dormir cette nuit. Ma tête est une fourmilière de préoccupations. À la minute où je fermerai les yeux, mes questions joueront aux chaises musicales sous mes paupières. Avec un peu de chance, en m'épuisant à l'entraînement je n'aurai pas le temps de penser, lorsque je poserai la tête sur mon oreiller. J'essaie d'appeler Mathilde sur le chemin, mais elle ne décroche pas. J'espère qu'elle m'a attendue. J'arrive à la salle de boxe en un rien de temps, ce temps qui semble passer tellement plus vite quand je pense à elle. J'entre dans les vestiaires pour me changer en vitesse et me mettre en mode Ninja. J'ai hâte de retrouver ma femme pour m'éloigner de la pression du travail. Mon téléphone bipe au moment où je le range dans mon casier. Je m'empresse de regarder l'écran : c'est Lola. Elle me demande si je suis libre pour aller boire un verre avec elle. J'aimerais passer du temps avec elle, comme avant. Oublier nos querelles et la gêne qui s'est installée entre nous. Mais est-ce que c'est vraiment possible, maintenant qu'elle fréquente Daryl...? C'est encore trop frais et je me vois mal faire comme si de rien n'était. Je lui réponds et four mon téléphone dans la poche de mon sac à main. Inutile d'attendre sa réponse. Chaque chose en son temps, et là il est l'heure de rejoindre la prof de boxe la plus sexy de New York ! J'entre dans la salle en parcourant du regard les personnes présentes. Il y a beaucoup de monde, ce soir. À croire que les habitants de Brooklyn ont tous besoin d'évacuer leur stress. Je ne vois pas Mathilde. Elle est peut-être dans les vestiaires et je n'ai pas fait attention... Je n'aime pas m'entraîner seule. Les punching-balls sont tous pris, de toute façon. Je ferais mieux de m'asseoir et de ne pas trop m'épuiser, si je veux mettre la pâtée à Mathilde. Je m'installe sur un banc et regarde les personnes qui s'entraînent. Tous ces muscles en travail me perdent dans des songes inavouables... Comme un ballon de baudruche qui éclate, la voix de Mathilde me ramène à la réalité. Elle est entrée dans la salle avec un ami. Son débardeur trempé de sueur témoigne d'un entraînement intensif. Ils s'avancent vers le banc à côté de moi, sans me voir. Je lève la main dans sa direction pour lui signifier ma présence. Je passe complètement inaperçue, au milieu des bruits de frappes et d'efforts. Tant pis ! J'attends qu'elle finisse sa conversation et je lui ferai la surprise ensuite. Les cheveux en bataille, les joues colorées par l'afflux sanguin, des gouttes perlées sur la tempe, Mathilde boit d'un trait sa bouteille d'eau. Je pense pouvoir avancer dans sa direction lorsque j'entends son ami parler de moto. Je m'arrête tout de suite. Écouter aux portes ne va quand même pas devenir ma spécialité ? D'autant plus qu'elle m'a déjà confié la vérité sur sa moto. Elle ne me mentirait pas avec autant de conviction. Je la crois maintenant. Je tends l'oreille dans leur direction.

??? :
"Alors, t'as décidé quoi pour ta moto ? Mon offre tient toujours, cette pièce à 300 dollars, c'est un cadeau ! Tu devrais pas hésiter, sérieux !"

Je crois tomber des nues. C'est une blague ?! Est-ce que tout le monde me cache quelque chose ? Je suis tellement naïve ! Il a suffi que Mathilde me fasse son beau sourire, et me prenne dans ses bras, pour que je me fasse embobiner comme une bleue ! Elle m'a menti en me regardant droit dans les yeux ! La colère et la peine se mélangent en un dangereux poison. Je sens mon sang qui bouillonne dans mes veines. Si je dois me défouler, un punching-ball ne sera pas assez efficace ! J'avance doit sur Mathilde avec la ferme intention d'avoir des explications.

Miss Mystère :
"Mathilde ?"

Elle se retourne, surprise.

Mathilde :
"Oh, salut princesse ! T'es là depuis longtemps ?"

Elle passe une main dans ses cheveux avec un air gêné.

Miss Mystère :
"Bien plus longtemps que tu l'imagines ! Et j'ai tout entendu ! Alors comme ça, la pièce à changer sur ta moto est extrêmement chère ?"

J'ai levé le ton. L'ami de Mathilde écarquille les yeux et s'écarte discrètement. Il me semble qu'il envoie un regard de mâle compatissant, ce qui m'achève de m'énerver.

Miss Mystère :
"300 dollars, c'est hors de prix pour toi ? Tu m'avais parlé de plusieurs milliers de dollars ! Tu te fous de moi ?"

Elle a l'air inquiète et très embarrassée. J'attends des explications. Peu importe si tout le monde me regarde. Je me sens soudain un peu honteuse de m'afficher en public. Je vois bien que tous les regards sont braqués sur nous. J'essaie tant bien que mal de redescendre un peu en pression. Elle ne sait pas quoi me répondre. De toute façon je la bombarde de question et ne lui laisse pas le temps de parler. Je suis hors de moi. Lui faire confiance était une erreur de ma part. Je n'aurais pas dû. Je sentais bien qu'elle me mentait à propos de sa bécane mais mon amour pour elle m'a aveuglée.

Miss Mystère :
"T'as osé me mentir en me regardant droit dans les yeux !"
Mathilde :
"Non. T'as pas compris..."
Miss Mystère :
"Mais oui, c'est moi qui comprends mal, et puis quoi encore ?"
Mathilde :
"Mon pote m'a proposé une pièce au rabais, mais je suis pas sûr de la lui acheter, je lui fais pas confiance, c'est tout."
Miss Mystère :
"Pourquoi tu lui ferais pas confiance si un pote ?"
Mathilde :
"Je le connais. Ça ne veut pas dire qu'on est potes, lui et moi."

Je m'approche d'elle avec un doigt pointé sur sa cage thoracique, le regard menaçant.

Miss Mystère :
"T'avais l'air de bien t'entendre quand même !"

En même temps, elle s'entend bien avec tout le monde... Sauf peut-être avec la hiérarchie, à Carter Corporation.

Mathilde :
"Je mets pas n'importe quelle pièce sur ma moto, princesse."

Elle me parle avec ce ton condescendant. Comme si j'étais la pire des crétines.

Miss Mystère :
"Ok... Tu sais quoi ? Ça me gonfle. Je me tire..."

Je prends mes criques et mes claques et je commence à tourner les talons, lorsqu'elle me retient fermement par le bras.

(Je vais lui en retourner une !)

Mathilde :
"Pourquoi tu te mets dans des états pareils..."
Miss Mystère :
"Lâche-moi..."

Ma voix est menaçante. Je suis à deux doigts de lui balancer un uppercut. Heureusement pour elle et moi, elle me libère. Je m'effondre sur le banc à côté. Je plonge la tête entre mes mains, les coudes appuyés contre mes genoux.

Miss Mystère :
"Tu m'avais juré que c'était à cause du prix, si tu pouvais pas réparer ta moto."

J'ai les larmes au bord des yeux. J'ai l'impression d'avoir été trahie. Mon Dieu, je suis pathétique !

Mathilde :
"Oui... Et c'est vrai."

Je l'observe, incrédule. Je lâche un petit soupir d'agacement devant son regard effronté. Des sanglots obstruent ma gorge et les yeux me piquent. Elle se frotte le visage. Elle passe une main sur sa taille. Elle regarde un instant en l'air, comme pour chercher l'inspiration.

Mathilde :
"Ok ! J'ai menti, c'est vrai ! Mais pas pour les raisons que tu crois !"
Miss Mystère :
"T'es pas assez fous pour inventer encore un mensonge ?"

Elle sourit légèrement puis baisse ses yeux, avant d'ancrer son regard au mien.

Mathilde :
"J'ai assez d'argent pour payer la pièce de ma moto. C'est pas la question."
Miss Mystère :
"Je le savais ! T'as osé me mentir en me regardant dans le blanc des yeux !"

Elle souffle, avant de s'accroupir devant moi et de poser ses deux mains sur mes jambes flageolantes.

Mathilde :
"T'es vraiment une tête de mule, princesse..."

Elle m'observe avec ce regard enamouré qui me désarme à chaque fois. La chaleur de son contact m'envoie une myriade de frissons. Comme à fois, son regard suppliant abat toutes mes barrières. Elle caresse ma joue et essuie une larme qui roule le long de la mâchoire.

Mathilde :
"Écoute-moi bien et essaie de ne pas me couper la parole. J'ai assez d'argent, mais j'ai tout dépensé pour te redonner le sourire, et putain... Je suis trop conne ! Maintenant t'es en pleurs devant moi !

Je ne comprends plus rien. Qu'est-ce qu'elle veut dire ?

Mathilde :
"Je tenais à te faire la surprise, mais tant pis... J'ai réservé un week-end aux Bahamas, pour toi et moi. Je veux qu'on avance. On a besoin de se retrouver toutes les deux, loin de tout. Les réparations de ma moto peuvent attendre."

Ses paroles sont comme une bombe d'eau fraîche sur le visage, en pleine canicule. À cause de ma paranoïa, j'ai réussi à gâcher un moment de bonheur. J'ai douté d'elle, alors qu'elle cherchait à me faire plaisir. Un week-end aux Bahamas ! Seules avec elle ! J'en rêvais. Je la regarde, elle et son regard plein d'amour, et je réalise toute la chance que j'ai de l'avoir mes côtés, avant de fondre dans ses bras. De la colère je suis passée à l'euphorie ! les Bahamas ! Je n'en reviens pas ! C'est si mignon d'avoir pensé à cette surprise ! Mathilde a vu juste. J'adore les voyages, et encore plus les week-ends en amoureux. Mathilde pour moi, rien que pour moi, pendant deux jours et deux nuits ! Rien que d'y penser, je suis tout excitée. Je crois que je lui dois de plates excuses...

Miss Mystère :
"Je suis désolée. J'ai douté de toi et j'aurais pas dû..."
Mathilde :
"T'as pas à t'excuser, c'est ma faute. J'aurais dû me douter que ton esprit tordu irait chercher n'importe quoi..."
Miss Mystère :
"Mathilde !"

Et maintenant, juste après mes excuses, je lui adresse une moue faussement boudeuse. Avec un sourire rassurant, elle se lève et me tend la main pour que je la suive.

Mathilde :
"Princesse, comme t'es têtue, je te donne l'occasion de te faire pardonner sur le ring. Laisse-moi te montrer qui est la boss et tu seras peut-être pardonnée."
Miss Mystère :
"Quel dommage...! Moi qui pensais déjà à me faire pardonner d'une façon plus douce..."
Mathilde :
"N'essaie pas de te débiner, princesse."

Elle monte sur le ring et me fait signe d'approcher.

Mathilde :
"Monte sur le ring !"

Elle est aussi têtue que moi. Nous nous battons sans nous faire de cadeaux. Je refuse de perdre. De toute façon j'ai horreur de ça. Question de principe. Je ne lâche rien et évite ces coups en sautillant, comme si j'étais montée sur ressorts. Je ne pensais pas que j'aurais autant de ressources ce soir !

(Sûrement que les Bahamas y sont pour quelques choses...)

Nos corps sont en nage et nos souffles sont erratiques. Elle dégage une sensualité qui ne me déplaît pas du tout. Je suis tant obnubilée par sa beauté sauvage que je ne m'étais pas rendu compte qu'il ne restait plus que nous dans la salle. Je la regarde, et mon désir pour elle ne cesse de s'accroître. Je crois que je pourrais me jeter sur elle ici, mais j'ai trop peur qu'on nous surprenne...

Miss Mystère :
"Je prends une douche rapidement et on se retrouve dehors !"

Elle me lance un clin d'œil taquin avant de récupérer ses affaires sur banc.

Mathilde :
"Très bien, princesse. Ton programme me plaît."

Lorsque j'arrive aux douches, j'actionne le robinet pour faire couler l'eau chaude. La buée envahit vite le petit espace et la chaleur m'enveloppe de douceur. Je m'apprête à retirer mes vêtements quand le bruit d'une porte me surprend. Je me retourne avec appréhension et mon cœur explose devant le spectacle qui s'offre à moi. Elle est entrée dans la douche. Elle est seulement vêtue de son bas de survêtement et d'une brassière et elle m'offre une vue imprenable sur son corps. Son regard provocant me scrute à travers les vapeurs d'eau chaude. Telle une prédatrice prête à fondre sur sa proie, avance doucement vers moi. Elle approche de plus en plus et mon rythme cardiaque accélère de plus belle. Sans prononcer un mot, elle se retrouve à quelques centimètres de moi. La chaleur ambiante me fait presque suffoquer. Ses yeux fixent mes lèvres avec tant d'indécences que mes jambes se mettent à flageoler. Elle m'hypnotise sans que je ne puisse me rebeller. J'ai l'impression d'être un cobra sous influence de la flûte de sa charmeuse de serpent. Sa bouche m'attire comme un aimant et je l'embrasse. Ses lèvres s'unissent aux miennes et m'emprisonnent dans un tourbillon de délices. Ses mains glissent sur la chute de mes reins et me maintiennent fermement contre elle. Nos respirations se calquent l'une sur l'autre et j'aspire son souffle en moi. Nos langues dansent en harmonie et s'enlacent, comme si elles s'étaient toujours attendues. Mathilde mordille ma lèvre inférieure, et mon désire pour elle se décuple. J'ai envie de la dévorer pour qu'elle m'appartienne à tout jamais. Ses yeux pétillent d'une lueur espiègle lorsqu'elle m'entraîne, tout habillée, sous le jet d'eau chaude. Mon dos cogne contre la paroi de la douche et je fonds sur elle. Immédiatement nos vêtements s'imprègnent d'eau. Mon débardeur colle à ma poitrine et mon t-shirt se plaque sur mes cuisses. Elle dégage la mèche de cheveux devant mes yeux. Elle maintient mon visage entre ses mains. Son regard brulant me fixe, à travers les gouttes d'eau qui perlent au bord de ses cils bruns. Je peux la sentir au plus près de moi. Je passe mes bras autour de son cou et mes jambes autour de son bassin. Elle agrippe mes fesses et me plaque plus fort contre elle. Ses baisers se font plus en plus insistants. Les miens de plus en plus suppliants. Elle plaque une main contre le mur à côté de ma tête et m'observe un instant, le souffle court et le regard profond.

Mathilde :
"On ne va pas aller chez moi tout de suite..."
Miss Mystère :
"Ah... Pourquoi ?"
Mathilde :
"J'ai envie de continue ici dans la douche... te donner du plaisir..."
Miss Mystère :
"Ok... Très bien alors continue... j'adore !!!"

Elle introduit sa langue au niveau de mon intimité. Ce qui a le don de m'exciter au haut point ces petits coups de langue sont à la fois doux et puissant à la fois. Délicats et sensuelles !
Je pousse à ce moment précis un cri de plaisir extrême. Je fends la foule pour rejoindre Lola à notre table. Le Starlite est plein à craquer, ce soir. Les glaçons dansent dans les cocktails et menacent de déborder sur la piste à chaque secousse. J'arrive enfin à notre table et le sourire aux lèvres de Lola m'annonce que je ne suis pas la seule à avoir soif.

Miss Mystère :
"Ouf, c'est le parcours du combattant, ici !"
Lola :
"J'ai cru que t'allais jamais y arriver ! Trinquons avant que ma gorge s'assèche !"
Miss Mystère :
"On attend pas les autres ?"

Mathilde et Daryl sont venus avec nous, mais voilà déjà dix minutes qu'ils sont sortis pour discuter.

Lola :
"Je sais pas ce qu'ils font ! Tant pis pour eux !"

Nous levons nos verres l'un contre l'autre en ne nous quittant pas des yeux. J'ai l'impression de marcher sur des œufs, ce soir. La situation est plus que bizarre. Et le fait que ces deux-là se soient isolés dehors ne présage rien de bon... J'avale une gorgée en plissant les paupières. Autant en avoir un peu dans le nez, ça m'aidera à supporter la tempête qui s'annonce.

Lola :
"Alors, raconte-moi tout !"
Miss Mystère :
"À propos de quoi ?"

Elle lève les sourcils devant mon air perplexe.

Lola :
"Tu plaisantes ou quoi ? Hier, par texto, tu m'as teasé avec un scoop à me dévoiler. Dis-moi que Cassidy démissionne, je t'en supplie !"

Je m'esclaffe devant tant de démonstration. Lola joint les mains en signe de prière. Je ne suis malheureusement pas une sainte pour exaucer son vœu. J'attends le retour de Mathilde pour le lui dire aussi, car je ne voudrais pas qu'elle soit la dernière au courant.

Miss Mystère :
"Malheureusement il ne s'agit pas de Cassidy... Crois-moi, j'aurais préféré ! Elle a pas arrêté d'être sur mon dos, cette semaine !"
Lola :
"Tant qu'elle est sur ton dos, elle est pas sous le bureau d'un des patrons, c'est déjà ça !"

Elle et moi éclatons d'un rire si soutenu que je manque de recracher mon cocktail. Ça faisait longtemps que je n'avais pas lâché prise ainsi. Je retrouve une entente légère avec mon amie. Elle a toujours réussi à me changer les idées. Mon cœur se serre à l'idée que ce soit plus compliqué entre nous deux, maintenant... Lola est une amie exceptionnelle. Ce sera vraiment dommage qu'un mec gâche tout entre nous. Et pourtant... On ne parle pas de n'importe quel mec ! On parle de Daryl, l'un des principaux grains de sable qui fait dérailler ma relation avec Mathilde... Je me perds un instant dans la contemplation des corps qui bougent en rythme sur la musique du DJ. Les soirées se suivent, mais ne se ressemblent pas. La semaine dernière était chaotique. Entre les non-dits et les révélations indésirables, je n'avais pas la tête à faire la fête. Les choses ont changé. La perspective du week-end aux Bahamas avec Mathilde prend le pas sur toutes mes autres préoccupations. Je regarde les verres commandés pour eux. Les glaçons à l'intérieur ont quasiment tous fondu.

(Qu'est-ce qu'ils font... ?)

Miss Mystère :
"Je sais pas ce qu’ils font ! Je vais en profiter pour passer aux toilettes !"
Lola :
"Si t'arrives à les récupérer au passage, dis-leur de se bouger, sinon je finis leurs verres !"

Je fais mine de prendre la direction des toilettes, tant que je suis dans le champ de vision de Lola, puis je coupe à travers la piste bondée de monde. La foule est de plus en plus dense et le volume de la musique a augmenté. Il est difficile de reconnaître un visage à travers les lumières tamisées, même s'il est plus facile pour moi d'en chercher un, puisqu'ils sont deux. Je pousse la porte blindée qui même au parking. Les néons du Starlite éclairent les voitures en stationnement, mais pas les Ortega.

(Où sont-ils passés, bon sang !)

C'est étrange ! À moins que le froid ne les ait poussés à discuter dans la voiture ! Je n'ai pas un excellent souvenir du parking du Starlite, mais j'en ai marre de les attendre. J'avance en direction de leurs voix. Elles sont de plus en plus fortes et un mauvais pressentiment me submerge. J'aperçois Mathilde et Daryl derrière une rangée de voitures. Ils ne m'ont vue tant ils sont absorbés par leur conversation. Le ton monte entre les deux acolytes et leur simple discussion se transforme vite en dispute. Je soupire devant le choix indiscutable qui se présente à moi, encore une fois !

(Mode ninja enclenché !)

Je ne peux pas repartir sans savoir ce qui met les deux compères en désaccord. Tant pis pour la bonne conscience, un espionnage de plus ou de moins ne fera pas la différence sur la liste de mes péchés. J'avance en catimini derrière un énorme 4x4 et m'accroupis pour ne pas être vue. L'échange entre Mathilde et Daryl se poursuit. J'ai bien peur que les révélations indésirables ne soient pas terminées... J'épie la sœur et le frère à travers la fenêtre de la voiture derrière laquelle je me cache. Si quelqu'un me voit, il va me prendre pour une psychopathe. Mathilde semble contrariée. Ses mains ne cessent d'ébouriffer ses cheveux et elle fait les cent pas devant Daryl. Qu'est-ce que Daryl a encore pu faire ? Je suis prête à parier qu'il s'agit d'une de ses magouilles.

Mathilde :
"Qu'est-ce que tu racontes ?"

Et voilà ! J'en étais sûre ! Daryl n'a pas pu s'empêcher de causer du tort à sa sœur. C'est probablement au sujet de Lola. Mathilde ne doit pas approuver que son frère de son amie de trop près.

Daryl :
"C'est sérieux, cette fois !"

J'avoue que je ne suis pas bien avancée... Je m'installe comme je peux derrière la voiture, mais ma jupe et trop courte pour que je puisse me mettre à mon aise. Si je me baisse trop, on va voir ma culotte !

Mathilde :
"Putain, arrête tes conneries !"
Daryl :
"Je plaisante pas ! Ils en avaient après toi."

Mon souffle se coupe comme on sectionne les branches d'un rosier. Ok, c'est bien du gang dont il s'agit... Je croyais naïvement que ces problèmes étaient réglés et que nous pourrions vivre sans craindre une mort par balle. La peur refait surface au fond de moi. La dernière fois, tout a failli très mal se terminer. À croire que nous ne pourrions jamais vivre tranquilles ! Il y aura toujours quelque chose pour nous pourrir l'existence ! Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que je vacille légèrement. Pourquoi ces gens s'acharnent-ils sur Mathilde ? Comment peut-on s'en prendre à quelqu'un comme elle ? Ou alors c'est juste leur façon de faire chanter Daryl. Je commence à regretter amèrement son existence ! Sans elle, la vie de Mathilde n'aurait pas tant de complications. Sans elle, ma relation avec ma meilleure amie ne serait pas ternie !

Daryl :
"Tu m'as foutu dans la merde jusqu'au cou, Mathilde !"

(Quoi ?!)

J'hallucine totalement. Je n'ai pourtant pas laissé traîner mon verre au bar. Aucun inconnu n'a pu m'administrer une drogue sans mon consentement. Mathilde donne un coup de pied dans la roue de la voiture, avec une rage que je ne lui connaissais pas. Ça ne lui ressemble pas du tout, et si elle est aussi violente, c'est mauvais signe ! Son visage est déformé par la colère. Des rides barrent son front, ses mâchoires se contractent violemment et son regard se perd dans la nuit. Je suis pas très à l'aise de la voir ainsi. J'aimerais me lever pour la prendre dans mes bras, la rassurer et la protéger du mal qui la ronge. Mais elle est quelquefois si secrète que je ne pourrai comprendre ce qui lui arrive qu'en l'espionnant encore un peu.

Daryl :
"Il allait te foutre en l'air !"
Mathilde :
"T'étais pas obligé de faire ça ! J'aurais trouvé une solution pour me défendre !"

Il lève le ton.

Daryl :
"Tu délires ou quoi ?! Putain, ton job à Carter Corp te rend plus mou qu'un bisounours ! Le gang ne plaisante pas. Et t'as pensé à Miss Mystère ?"

Est-ce qu'il a un risque que le gang s'en prenne à moi...? Ne me dites pas que je suis impliquée là-dedans ! Elle enferme son visage entre ses mains. Ses doigts se crispent dans ses cheveux jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.

Mathilde :
"Tu me prends pour une conne ?! Bien sûr que j'y ai pensé !"
Daryl :
"Tu sais très bien comment ça se passe. Il t'aurait pas lâché, et il se serait vite aperçu que t'as une nouvelle nana ! Tu crois qu'il aurait laissé tranquille, elle ?"
Mathilde :
"Putain..."

(Je m'entraîne depuis mon plus jeune âge à ne plus laisser personne me faire du mal. Je suis prête à le recevoir, celui qui voudra s'en prendre à moi !)

Daryl :
"Je l'ai balancé pour te sauver les miches, sœurette. Et pour ta belle aussi..."

Ses derniers propos heurtent violemment mon cœur. Je savais qu'elle tenait à moi, mais pas à ce point. Elle soupire et ses épaules s'affaissent de désespoir.

Mathilde :
"Et maintenant, c'est pour toi que ça craint ! On a toujours un gros problème..."

Daryl s'avance vers Mathilde et pose une main sur son épaule. Mes cuisses s'ankyloser à force de rester accroupie, mais ce n'est rien en comparaison de la douleur qui irradie dans ma poitrine. Je perds l'équilibre et mon talon raye le sol avec un crissement très désagréable, et surtout très peu discret. Le frère et la sœur m'aperçoivent immédiatement. Je lis l'inquiétude et de la colère dans leur regard, mais je ne me défile pas. Je me redresse avec le plus de grâce possible, en essayant d'ignorer mes muscles endoloris.

Daryl :
"Qu'est-ce que tu fous là, Miss Mystère ?!"

(Je passais dans le coin et je me suis dit : "Tiens, si je m'agenouillais derrière ce 4x4..." )

Je clopine vers ex, en gardant le plus de dignité possible, et je croise les bras sous ma poitrine.

Miss Mystère :
"C'est quoi cette histoire ?"

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