FUITE

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Dans un appartement sombre ... 

J'étudie mon reflet dans la glace et une rage froide circule dans mes veines. Cette peine que je ne veux pas ressentir, ce verre d'alcool fort qui me brûle les entrailles est une substitution analogique de ce que je suis devenu. Pourquoi me rendre si pathétique ? Je ne le sais pas, ou si je le devine, mais je ne veux pas l'admettre. À l'abri de leur regard, ils ont fait de moi une créature malfaisante qui a vu ce qu'ils faisaient. Les voir ainsi m'a mis en parfaite adéquation avec ce que je ressens aujourd'hui.

Car ainsi tapis dans l'ombre, je suis une parfaite métaphore de la haine. Perdue comme ils l'étaient l'un dans l'autre, ils semblaient brûler d'une passion indescriptible. Je les déteste de s'enfoncer dans cette relation destructrice. Parce que même s'ils ne le savent pas encore cette chose va les détruire. J'espère voir la tristesse les dévorer. Je veux que la douleur les rende malades. Je prie que le regret les tienne éveillé. J'implore pour qu'ils ressentent le poids du regret. Je supplie que leurs cicatrices mutuelles les plongent dans une inquiétude constante.

La colère me submerge alors que mon esprit fait défiler les images de cette nuit.

Ils s'étreignent, s'embrassent, se caressent. Elle gémit, il la suce, il est excité, la pénètre, il la nique, ils finissent par jouir ensemble. Je connais ce besoin, ce désir, ce qui me donne envie de vomir mes tripes.

La suivre elle jour après jour, nuit après nuit augmente ma folie. Mon aversion pour elle grandit à mesure qu'il l'accepte dans ses bras. Ambre et Lucas, Lucas et Ambre. Je la hais plus que lui, le fait même qu'elle respire toujours me débecte réellement. Qu'elle vive est ainsi est une trahison, mais je vais me venger. Cette revanche sera tellement délicieuse. Je tremble d'anticipation et envoie valser mon verre dans le miroir qui se brise en mille morceaux un éclat me coupant au passage.

Avec mon cadeau, j'espère l'avoir rendue aussi tarée que je le suis. 

Ley

Mes paupières tentent s'ouvrir d'elles-mêmes une seconde, mais une chaleur agréable me retient comme une caresse. En conséquence, je les laisse obstinément fermée afin d'en profiter encore un petit peu. Je me sens si bien que je me blottis davantage contre cette source anonyme de bien-être. Encore embrumé dans les effluves du sommeil réparateur de cette nuit, je soupire d'aise. Je me sens si détendue que je pourrais rester à jamais ou je suis.

Mais la réalité me rattrape bien trop rapidement, car je finis par me souvenir. Le corps de Lucas sur le mien, la boîte à musique, les pleures, les aveux et sa déclaration d'amour. Malgré les événements traumatisants, je n'ai jamais aussi bien dormi que cette nuit. Ainsi, j'essaye de faire durer cette merveilleuse sensation.

Or, ce fantasme est fugace, mes yeux s'ouvrent enfin pour admirer le visage de Lucas endormi. Il est tôt. Seules les premières lueurs de l'aube éclairent la pièce. La lumière venant du dehors est diffuse. Ce qui cependant ne m'empêche pas de l'admirer. 

Mon Dieu, cet homme est tellement beau, qu'aucune expression, même la plus belle ne peut décrire le charme de ce corps en sommeil. Je voudrais pouvoir lui retouner ses sentiments, mais c'est tout bonnement impossible. Peureuse, je suis bien trop effrayée que mon monde s'écroule de nouveau. Bien que je le veuille, je ne peux pas le laisser entrer.

Même si mon passé ne le rebute pas, moi, il me terrorise beaucoup trop. Mes yeux se promènent sur sa personne pris dans les draps. Je veux graver cet homme en moi. Je souhaite me souvenir de son visage. Ses cheveux de jais un peu plus long que d'habitude qui auréole son front de boucles. Ses longs cils qui tombent comme des perles de pluie sur ses paupières closes. Sa bouche écarlate qui appelle à de tendre baisers. Son corps parfaitement sculpté tel un marbre noble au, mais d'un artiste le plus habile.

Seigneur, j'ai tellement envie de le toucher que j'en tremble. Or, je ne sais pas comment y parvenir sans le réveiller donc je renonce à cette idée. Lucas me fascine, me rend folle et ses bras me font tout oublier. Sauf que ce n'est pas bon, car je ne peux pas m'abandonner ainsi.

Il ne veut certainement pas le comprendre, mais m'éloigner de lui, c'est nous protéger du monstre dans l'ombre. La boîte à musique n'est pas apparue ici par hasard et je serais vraiment sotte de le penser. Décidée à m'en aller, je me lève du lit le plus discrètement du monde. J'aurais voulu être sereine, mais la vie ne me laisse pas cette insouciance. 

Je regarde de nouveau Lucas quelques secondes puis me détourne de lui à la recherche de mes vêtements. Quand je me rappelle que je n'ai plus de robe. Vêtu de la chemise de Lucas, je décide de la garder afin qu'elle fasse office de robe.

Pressée, je tente de dénicher mes chaussures et mon sac quand je remarque que ceux-ci sont rangés bien en évidence. Même mon portable et ma robe en lambeau sont là. Alors sans perdre une minute, j'enfile les chaussures, attrape mon sac et me dirige vers la porte.

En sortant, je tombe sur un couloir balcon et sur l'ascenseur aux parois de verre que nous avons empruntés en rentrant hier. J'espère juste qu'il n'y a pas de code pour y accéder de l'intérieur. Alors que je prends celui-ci qui Dieu merci ne dispose pas de sécurité, je compose le numéro de V. Celle-ci décroche à la première sonnerie.

- Bordel de merde Ley ?

Elle crie pratiquement, mais je m'en fous, car mon unique désir est de fuir au plus vite.

- Oui, c'est moi, dis-je à voix basse.

Elle grogne de frustration. 

- Putain ! Où es-tu ? explose-t-elle.

Paniquée, je souffle.

- Je ne le sais pas vraiment.

Je me rends bien compte que je n'ai pas d'adresse à lui fournir.

- Comment ça, tu ne le sais pas vraiment ? C'est une blague ? Tu te fous de ma gueule ? Hein ? C'est ça, vocifère-t-elle.

- Calme toi V. dis-je plus bas dans l'espoir de garder ma fuite discrète.

Chose difficile puisse que je tombe sur une femme qui semble être une employée de maison. Elle me dévisage de façon curieuse pendant que V au téléphone perd son sang-froid.

- Que je me calme ? Tu te fous vraiment de moi ? Et pourquoi tu parles aussi bas ? Tu as disparu pendant notre sortie. Tu as disparu Ley ! J'ai cru qu'on t'avait kidnappé, qu'il t'était arrivé quelque chose de grave bon sang. Tu devais me rejoindre place Vendôme. Toute l'après-midi et toute une nuit, je me suis fait un sang d'encre Ley. Et ça, c'est sans compter la réponse bizarre que tu as fourni à Lagrange au téléphone. Et toi, tu veux que je me calme ? s'énerve-t-elle. 

Je ne lui réponds pas de suite et demande à l'employé de m'aider à sortir. Étrange, elle ne me pose pas de question et m'aide en m'indiquant comment m'en aller.

V, quant à elle, pète littéralement un câble.

- Tu ne m'écoutes pas ?

Je débite de suite une explication brève qu'elle ne m'allume pas davantage.

- Écoute V je peux tout expliquer, mais dans l'immédiat, j'ai réellement besoin qu'Isaac vienne me chercher.

Elle laisse échapper un son de frustration.

- Et tu veux qu'il vienne te chercher où ? Toi-même, tu ne sais même pas où tu te trouves. dit-elle d'un ton ironique.

Agitée, je prends sur moi et lui répond.

- Je t'envoie la géolocalisation et calme toi s'il te plaît, tu me rends cinglé. 

ntendre sa désapprobation au bout du fil, n'arrange rien à la nervosité que je ressens à m'enfuir comme une voleuse de chez Lucas.

- J'ai mandaté Isaac, il est en route.

Sa voix est monocorde. Elle me raccroche au nez sans me laisser la remercier.

Après vingt minutes d'attente, Isaac m'ouvre la portière. Je pénètre dans l'habitacle sans un mot. Épuisée autant physiquement que mentalement, je me laisse aller au coussin de la voiture. Alors que le véhicule s'engage dans la ruelle, je me tourne vers la demeure de Lucas et des larmes silencieuses roulent sur mes joues.

La voiture me berce, je ferme les yeux et m'endors. Étourdie par le sommeil, je distingue la voix d'Isaac de manière lointaine avant de finir par ouvrir les yeux.

- Ley ma belle nous sommes arrivé, me dit-il.

Je secoue la tête, me redresse pour sortir de la voiture quand je constate la présence de V dans le garage. 

- Où étais-tu passé ? me balance-t-elle à peine ai-je déposé le pied hors de la voiture.

Je décide de ne pas tergiverser et réponds ironique.

- Pour quelqu'un qui se targue de tout savoir, tu aurais pu deviner où je me trouvais. dis-je aussi énervé qu'elle.

- Ne joue pas à ça. réplique-t-elle sévère.

- J'étais chez Lucas.

Elle accuse le choc et perd légèrement contenance.

- Tu étais chez Lambert ? me questionne-t-elle un brin inquiète.

Je ricane et lève les bras au ciel.

- Je croyais que tu me poussais dans ses bras V ?

- Je t'ai dit de coucher avec lui Ley, pas d'aller chez lui. 

Je me mets à applaudir quand une rage inconnue me submerge. Et je reprends cynique.

- Je peux lui donner ma chatte, mais c'est tout. Tu as tous fait que j'admette mon attirance pour lui. Tu voulais que je guérisse de ma peur des hommes de mon passé. Tu m'as même fait accepter une thérapie à la noix, mais être avec lui, chez lui est exclu.

- Tu étais déjà attiré par lui comme un papillon par la flamme. Et j'étais d'accord que tu t'ouvres à lui, mais c'était avant de comprendre que ton problème avec les hommes est beaucoup plus sombre que je croyais.

- Que veux-tu dire ?

- Tu parles dans tes cauchemars Ley. La nuit que tu as passée chez moi m'a plus ou moins éclairé là-dessus. Du reste le docteur Lagrange pense qu'il est trop tôt pour t'engager dans une relation.

- Quoi ? Je croyais que ce putain de médecin respectait le secret professionnel !

- Il ne m'a pas parlé de vos séances, mais moi, j'ai dû lui parler de tes cauchemars. Qui est Damian Ley ?

Elle me regarde indécise. Dégoûtée, j'aborde cette question très mal.

- Si tu avais vraiment conversé avec ce cher Lagrange, tu saurais qu'il ne faut en aucun cas me poser cette question.

Je lui tourne le dos et emprunte la direction de mon appartement. 

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