CLXIII. Droit dans le soleil

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CLXIII. Droit dans le soleil*


(Episode 4 : Ingrid

Soleil couché, ciel d’hiver, Louka parti sous la douche et moi, assise en tailleur sur le lit.)


« - Oh ! Quelle bonne nouvelle, Romy ! Je suis heureuse pour toi. Enfin, pour vous… Mais surtout pour toi.

- ...

- Tout va bien ? Tu te sens bien ?

- Oui ! Oui… Merci, Ingrid.

- Et Louka ? Il a réagi comment ?

- Ecoute, je ne sais pas trop quoi te répondre. Aussi bien que possible, je crois. Même si ça le remue beaucoup plus que ce qu’il veut bien montrer… Mais je m’attendais à pire ! Si j’étais tombée enceinte ne serait-ce que quelques mois plus tôt, je crois qu’il serait parti.

- Moi, je suis sûre qu’il sera top avec le bébé. Il suffit de le regarder s’occuper de Lucia pendant deux minutes pour le savoir.

- Oui, je sais. Tout le monde le sait, je crois. Sauf lui…

- Il va apprendre. Grâce à toi. Avec toi.

- Je l’espère, Ingrid.

- Pietro va être fou de joie quand il le saura !

- …

- Oh… Il le sait déjà depuis des semaines, c’est ça ?

- Il est le seul à qui Louka en ait parlé.

- Evidemment… Et il ne m’a rien dit, le vilain !

- Tu aurais voulu qu’il t’en parle alors que Louka lui avait demandé de ne pas le faire ?

- Non, bien sûr. Mais je suis un peu jalouse quand même…

- Ingrid, je tiens vraiment beaucoup à toi. Tu le sais, n’est-ce pas ? Mais ils ont trente ans d'avance sur nous. Ils sont pires que frangins : ils sont jumeaux, ou quelque chose comme ça.

- Je sais…

- …

- Bon, tu vas me promettre une chose.

- Quoi donc ?

- Dans trente ans, quand Louka et toi aurez à nous annoncer que vous allez devenir grands-parents… Je veux le savoir en même temps que Pietro.

- I promise !

- Je suis tellement contente pour toi ! Nos enfants aussi seront presque jumeaux.

- Comme leurs pères… Ça promet.

- Chiara va être folle de joie… Elle le sait ?

- Oui, Louka vient de le lui annoncer. Elle a crié si fort que je l’ai entendue alors que j’étais à au moins cinq mètres du téléphone ! Du très grand cinéma.

- Je vois ça d’ici… Tu sais, je crois vraiment qu’elle les aime autant l’un que l’autre, mais elle a pour Louka une éternelle inquiétude qu’elle n’a pas pour Pietro.

- Oui, c’est vrai. Je me suis déjà fait la même réflexion en les observant tous les trois. Chiara se couperait un bras pour chacun d’eux s’il le fallait. Mais elle le ferait plus vite pour Louka que pour son propre fils. Parce qu’elle a peur qu’il tombe, tout le temps. Comme son père est tombé… Alors que Pietro, lui, est plus solide.

- Louka va assurer, Romy. Vous serez heureux. J’en suis sûre, maintenant. Fais-lui confiance. »


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(Episode 6 : Lucia

Le lendemain soir, dîner chez les Battisti, émotion palpable, nuit tombée sur Paris.)


« - Cara mia ? Viens me voir, j’ai quelque chose à te dire.

- Sì, Zio Louka ?

- Voilà. Si tu es sage, d’ici quelque temps, Romy et moi, nous allons avoir un petit bébé.

- Oh ! Comme Maman ?

- Oui.

- Mais Romy n’a pas le ventre gros ?

- Non ancora. Mais bientôt.

- …

- Tu es contente ?

- Je ne sais pas... Il faudra que je lui prête mes jouets, comme pour mon petit frère ?

- Oui, ce serait bien, Lucia mia. Mais lui aussi, il partagera les siens.

- Et tu lui achèteras plein de Legos qu’il pourra me prêter ???

- Tu verras bien, cara mia. Plus tard.

- Alors je saurai plus tard si je suis contente ou pas.

- Va bene… Petite chipie…

- Tu me lis une histoire ?

- Pas ce soir, Lucia. Va plutôt te mettre en pyjama. Allez hop, file ! »

Elle partit comme une luciole assez fofolle, droit vers sa chambre. Elle en revint quelques minutes plus tard, plus doucement, Mayol 2 dans les bras. Elle portait un petit pyjama blanc qui arborait un tapis volant tout rigolo, brodé de mille couleurs et doté d’un grand sourire et d’une inscription arabe en lettres de strass. Un cadeau de qui, selon vous ?

Lucia tenta de grappiller encore quelques minutes, puis son père l’appela dans sa chambre. Elle soupira avec une théâtralité que n’aurait pas reniée sa grand-mère, et entreprit la tournée des bisous : d’abord Ingrid, puis son ventre, puis moi et enfin Louka. Puis elle trottina vers Pietro… Avant de faire demi-tour comme une étoile filante et de revenir vers moi.


Elle déposa, à ma grande surprise, un petit bisou tout doux sur mon ventre encore si plat… Puis repartit en courant de plus belle en claironnant : “Buona notte a tutti !”



*Droit dans le soleil, de Détroit ; in Horizons, 2013.

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