La fin

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Jour 22

Au rapport : Anaïs

M. Tisserand est venu nous rapporter un pétale fané tombé naturellement. Le Comte est arrivé plus tôt d’une heure pour son apparition maintenant quotidienne auprès des touristes, avec ses charentaises aux pieds, pour constater discrètement les faits.

La jardinière-paysagiste est chargée d’ôter les pétales flétris avant qu’ils ne se voient. Cela suffira puisque pour le reste, l’arbuste conserve sa belle couleur.

Pendant que la jardinière opérait une première inspection, le comte a offert un snack gratuit aux visiteurs présents et leur a parlé de son livre autobiographique qui va bientôt sortir : Le Miracle aux portes du malheur. Il ne m’avait jamais dit qu’il écrivait un livre ! Avons partagé un mojito pour fêter cela.

Jour 23

Au rapport : Armelle

La société d’exportation de la lampe recevait ses ordres de la plateforme internet sur laquelle l’objet avait été acheté qui recevait un acompte d’une société sous pseudonyme située au milieu de l’Océan Atlantique pour pouvoir l’utiliser comme intermédiaire de vente. Autrement dit, on ne sait pas qui vendait la lampe ni encore moins qui la fabriquait.

Le groupe sectaire des Forsythiens de la dernière heure s’intéresse maintenant à un animal étrange, une espèce provenant d’Amazonie ressemblant à une belette mais avec de petite plumes violettes sur les côtés, aperçu dans un caniveau à la lueur des phares de voiture par l’un de leurs membres qui rentrait chez lui à la tombée du jour. Ils ont teint leurs toges en violet.

Avons reçu un appel du scientifique qui profite de ses jours d’arrêt pour se reposer et a rejoint l’Association contre les pollutions lumineuses. Nous le croiserons dans deux jours lors d’une action de leur part.

Jour 24

Au rapport : Anaïs

Le comte est triste car sa future femme est partie en exploration dans la montagne pour un mois.

Il tourne autour du buisson et trouve que sa couleur est moins belle. Je lui ai dit que je ne trouvais pas. Il est vrai que les visiteurs de maintenant ne sont plus aussi impressionnés. Il a encore neigé la nuit dernière, rien n’a changé autour.

Même M. Tisserand vient moins souvent. Il peint le ciel plus volontiers.

Jour 25

Au rapport:Armelle

Le recrutement de notre renfort tarde. L’affaire du forsythia a beau être mondialement célèbre, cela n’émeut pas la hiérarchie : scandaleux. Ne pas reporter cette phrase dans le rapport officiel.

Un réseau de bus a été mis en place entre la gare et le village. Cela devrait diminuer les bouchons.

L’action de l’Association contre les pollutions lumineuses s’essouffle.

Des milliers de personnes ont prévu de passer Noël dans le village. Nous nous coordonnons avec la mairie pour organiser leur accueil.

Jour 26

Au rapport : Anaïs

ça y est ! Le comte va publier son livre. Les journalistes qui l’ont lu les premiers ne l’ont pas épargné sur l’histoire de la lampe de poche qui aurait fait pousser le forsythia, car elle leur paraît improbable. Il reste quelques témoins oculaires, mais la lampe a bel et bien été volée et pas d’expérience définitive. Le comte va passer pour un doux illuminé. J’ai passé du temps avec lui.

Jour 27

Au rapport : Armelle

Sommes obligées d’expliquer à la presse les tenants et les aboutissants de cette histoire. Au diable le maire. Cette phrase ne sera pas reportée dans le rapport final.

Le Comte est la risée des touristes, qui ne se gênent pas pour plaisanter sur ce qu’ils considèrent comme des élucubrations paranoïaques.

L’Association contre les pollutions lumineuses s’est pointée cet après-midi. Nous ne pouvons pas leur donner tort mais nous devons assurer la sécurité publique. Avons dû faire évacuer les lieux car ils lançaient des lampes de poches sur les visiteurs.

Jour 28

Au rapport : Anaïs

Si le frère du Comte avait attendu, ses amygdales se seraient-elles dégonflées ? Le forsythia, lui, perd ses fleurs. La jardinière doit courir pour les ramasser. Ai dit au Comte qu’il serait temps d’assumer cette évolution.

Des habitants sont venus nous exprimer leur mécontentement : « Tout ça pour ça ? », « Je l’avais bien dit mais vous n’avez pas voulu me croire », etc. Nous n’y sommes pour rien. Sur mes conseils, ils sont allés parier au bar sur la date de fin de la floraison. Certains touristes ont réclamé le remboursement de leurs billets.

Jour 28

Au rapport : Armelle

La mort dans l’âme, avons démonté les stands. Entre deux achats de Noël, chacun peut librement regarder le forsythia se déliter comme une neige jaune formant une flaque marron au sol. Nous resterons deux jours encore puis partirons. Cette date ne doit pas être communiquée aux parieurs du bar.

Jour 29

Au rapport : Anaïs

L’alpiniste ne veut pas vivre ici pour toujours. Elle préfère la montagne. Le Comte la rejoindra dans une semaine. Il reviendra de temps en temps dans son hôtel particulier de famille, où il a ré-entassé tous ses objets. Peut-être grimpera-t-il des montagnes finalement. Il part après avoir suscité tant de passion qu’il est probable que Pamplecôte ne s’en remette pas.

Jour 30

Au rapport : Armelle

Le comte est venu passer la nuit de Noël auprès du forsythia. Initialement dans la maison, avec nous, il est parti le regarder. Il ne restait plus qu’une fleur. Au matin nous l’avons retrouvée dans les cheveux du Comte, endormi. Sa tête reposait sur les genoux de Gérard Gilbert, lui aussi en plein somme.

Le journal de bord se termine ainsi. Voilà pour les faits.

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