Les complications

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Jour 15

Au rapport : Armelle

Le Comte va recevoir la Légion d’honneur pour avoir valorisé la culture française. Il n’y a jamais eu autant de touristes par ici. Nous sommes passés de zéro à 5000 par jour. Cela crée des tensions avec les habitants. Ai demandé une nouvelle recrue pour consolider l’équipe.

Jour 16

Au rapport : Anaïs

Des individus mal informés ont tenté de mettre en œuvre une soirée de rites sorciers impliquant la mise à feu du buisson. Sommes intervenues à temps. Ils ont élaboré un discours philosophique pour tenter d’expliquer leur acte : il s’agirait d’empêcher la déchéance de s’emparer de la beauté ; autant en finir tout de suite.

Il ne s’agit pas de membres du groupe sectaire des Forsythiens de la dernière heure dont le signe reconnaissable est une blouse jaune et un monocle en pendentif.

Les paris sont en cours au Café sur la longévité des fleurs.

Jour 17

Au rapport : Armelle

Avons reçu confirmation que la lumière de la lampe, maintenant chimiquement analysée, pouvait posséder des propriétés permettant un développement rapide de la flore, indépendamment de la saison, conférant aux plantes une résistance hors du commun. Des analyses sont en cours, mais une série de haricots est déjà sortie de sa gangue et a pris racine en une heure sur du coton, sous l’éclairage de la lampe-preuve.

L’histoire étant parvenue aux oreilles du maire, celui-ci nous a signifié qu’il ne souhaitait pas que la nouvelle se propage en-dehors du réseau industriel, car cela pourrait exciter l’instinct destructeur de l’Association contre les pollutions lumineuses, qui en est à son troisième happening artistique sur les bords de la nationale depuis le début de l’affaire du forsythia. Cependant, personne n’est encore parvenu à déterrer de lampadaire.

Le comte trouve cette explication trop glauque. Il craint qu’elle ne fasse fuir les touristes et préfère l’histoire officielle : la plante fleurissant magiquement sous l’endroit où son frère était mort. L’ai prévenu qu’il serait difficile d’empêcher la propagation d’une rumeur, vraie ou fausse, mais que nous pourrions attendre que le forsythia ait fané pour rendre compte de notre enquête aux citoyens. Il a soudain eu l’air abattu.

Jour 18

Au rapport : Anaïs

La presse people a annoncé que le Comte et machine (l’alpiniste) allaient fêter leurs fiançailles. Je pense qu’il ne se marie avec elle que par intérêt, pour retrouver son château. Il m’a confié qu’il avait toujours rêvé de renouer avec sa passion d’enfance d’escalader des montagnes et des glaciers, ce qui ne va pas avoir lieu, puisqu’ils vont se faire déposer en hélicoptère au sommet du Mont Blanc pour se faire photographier. Je lui ai dit qu’il n’était pas souhaitable qu’il s’éloigne trop de son forsythia, car tous les jours des événements surviennent. Il m’a répondu : « Je suis sûr que vous vous en sortirez ! »

Gérard Gilbert, le SDF, qui a été intégré comme comédien au spectacle de théâtre, a planté sa tente à côté de la nôtre. Il songerait à ouvrir un compte d’épargne.

Jour 19

Au rapport : Armelle

Le scientifique a été tabassé, la lampe et les échantillons de plantes dérobés au laboratoire. Tout est lié, mais nous n’avons pas le droit de le dire. C’est à souhaiter la mort du forsythia pour pouvoir commencer à faire notre boulot ! Cette remarque ne sera pas recopiée dans le rapport officiel.

Le village est doté ce mois-ci d’une courbe démographique ascendante pour la première fois depuis 30 ans.

Jour 20

Au rapport : Anaïs

Le comte est revenu de ses fiançailles avec une ride sur le front.

Avons reçu les informations de l’autopsie de son frère. Celui-ci était atteint d’une maladie curieuse dont il n’avait soufflé mot : ses amygdales, dont il avait subi l’ablation étant enfant, avaient recommencé à pousser, obstruant de nouveau ses voies respiratoires. Mais l’opération visant à les couper de nouveau avait échoué : les végétations, résistantes au scalpel, continuaient donc de gonfler. Il est probable qu’Edmond ait mis fin à ses jours en se pendant pour s’éviter un étouffement pénible et lent, ce qui paraît étrange mais possible étant donné l’esprit embué de l’individu.

Aujourd’hui, encore une fois, M. Tisserand s’est battu avec l’un des touristes car il ne souhaitait pas lui vendre sa peinture. M. Tisserand a fait une déposition comme quoi il souhaitait garder une reproduction du forsythia avant que celui-ci ne dépérisse, mais que cela lui était impossible face aux pressions des touristes.

Jour 21

Au rapport : Armelle

Embouteillage empiré sur la nationale. Sommes intervenues pour fluidifier la circulation. Avons aussi introduit M. Tisserand avant l’heure d’ouverture pour le laisser réaliser sa peinture du forsythia qu’il gardera. L’avons exfiltré au moment de l’ouverture par la forêt.

Le Comte, déménageant dans son ancien hôtel particulier, nous a offert de nous installer dans la petite maison, ce que nous avons accepté, car nous sommes menacées de piétinement dans notre tente, même estampillée « Gendarmerie ». De plus, Gérard Gilbert l’avait intégrée dans sa mise en scène : il se prenait les pieds dans les piquets pour faire rire les spectateurs.

Le Comte a rapporté qu’il s’était souvenu que son frère s’était plusieurs fois regardé le fond du palais avec sa lampe de poche, que c’était une chose qu’il faisait pour s’amuser ou observer sa gorge car il contractait souvent des angines. Il a décidé de porter plainte contre le responsable de l’entreprise fabriquant la lampe.

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