Je n’entendis plus parler d’elle durant au moins un mois. Je dois avouer que, si les évènements passés avaient un peu impacté mon moral, je les avais un peu oubliés car j’avais d’autres soucis. Mes soirées étaient plus qu’occupées par l’écriture de ma thèse ; je n’essayais même plus de sortir le soir ou le week-end avec les stagiaires présentes dans l’institut ! Ce n’est que la veille d’Halloween, le samedi, que je la revis pour la première fois depuis sa punition. Déboulant avec Gaelle du 4ème étage, elles sonnèrent à ma porte. Cette dernière était à Louis le Grand en prépa scientifique alors que depuis début octobre Valérie était à Assas ; elles avaient déjeuné en famille au 4ème et, assez excitées, avaient l’intention de sortir en ville. Comme elles descendaient l’escalier en courant, elles avaient trouvé excitant de vérifier ma présence. Gaelle avait entendu parler de moi sans, peut-être, connaître toute la réalité des évènements passés entre Valérie et moi, elle était curieuse de me connaître et de voir mon appartement, entre autres, mon atelier. Elles ont été un peu surprises que je leur ouvre de suite la porte mais j’étais juste derrière celle-ci et j’avais entendu leur cavalcade dans l’escalier. Elles ne semblaient, cependant, pas très sûres de mon accueil mais furent rassurées par mon sourire ; cela me faisait plaisir de les voir. Valérie était assez gênée car c’était la première fois qu’elle me revoyait face à face depuis sa punition et, tant elle que moi, ne savions pas trop comment nous comporter, j’avais mauvaise conscience en la voyant et elle me fusillait de ses yeux noirs comme l’aurait fait un procureur devant un justiciable. Heureusement Gaelle, qu’elle m’avait tout de suite présentée comme son amie de cœur, était excitée comme une puce à l’idée de jeter un œil sur mon espace de vie et, surtout, de vérifier les dires de sa copine concernant mes œuvres picturales. Elle avait déjà entendu beaucoup parler de moi !

Elles devaient passer toute la fin de l’après-midi avec moi dans l’atelier, touchant à tout et posant moult questions sur mes pinceaux, mes différents pots de pigments et tubes de couleur. Suivant mes conseils, elles s’essayèrent aux mélanges des teintes pour obtenir des couleurs irréelles ! Elles racontèrent leurs premiers pas dans l’enseignement supérieur et jouèrent aux critiques d’art en fouillant dans mes cartons. Elles se proposèrent même de poser pour moi ; je n’étais pas contre mais la discussion était devenue rapidement assez scabreuse car, que ce soit l’une ou l’autre, on sentait qu’elles avaient envie de poser en tenue d’Eve (une provocation comme une autre pour me tester avec aussi un certain désir de réalités futures non convenables) alors que je ne préférais pas. Je suis arrivé à les faire rougir en leur demandant si leur toison pubienne était de la même couleur que leurs cheveux ou qu’il fallait faire une étude plus sérieuse de leurs teintes. Elles ne me répondirent pas, me disant que c’étaient des renseignements trop intimes ; Valérie, tout sourire, m’avait murmuré en aparté qu’il fallait peut-être qu’il y en ait une de présente. Toutefois, j’étais prêt à faire leurs portraits. Comme elles revenaient à la charge, je m’en suis facilement tiré en faisant remarquer à Valérie qu’elle était mineure et qu’il fallait qu’elle demande à sa mère l’autorisation de poser nue ; par contre je n’ai pas pu utiliser cet argument avec Gaelle car elle avait 18 ans et c’est Valérie qui allait lui couper l’herbe sous les pieds en lui faisant remarquer qu’elle devrait demander à son copain Pascal ce qu’il pensait d’un tel exercice. Finalement, elles s’abstinrent de demander que je fasse un « nu » d’elles mais elles étaient très tentées de poser pour leur portrait.

Comme j’avais bien avancée sur mes de tableaux de la campagne écossaise, j’étais heureux de leur montrer mon travail en le mettant en parallèle avec les photos qui m’avaient inspiré ; cela me permettait de leur détailler ma démarche plastique car il y a toujours un fossé entre la vue d’un site ou d’une photo, et le tableau final inspiré par celles-ci. En fait, je n’ai pas cessé de parler d’art durant presque toute l’après-midi comme si je voulais les entrainer à avoir le même « hobby » que moi. Lors du passage de Gaelle dans les sanitaires je me suis aperçu que Valérie ne boudait pas sa joie de m’avoir sous ses yeux pour elle toute seule ; j’en profitais pour échanger sans détours quelques mots avec elle.

— Tu ne m’en veux pas trop ?

— Actuellement non ! mais il y a un mois je n’aurais pas répondu ainsi à ta question. Pourquoi t’es-tu montré si sévère. Même maman n’a pas compris. A croire que tu voulais avoir des rapports « BDSM » avec moi.

— Je t’avais proposé de ne pas agir et tu as tout fait pour me pousser à bout ; je voulais te donner une leçon. Quand on dit à quelqu’un que l’on fait une chose on le fait ! J’ai trop vu mon père dire lors des repas : il manque les cuillères pour servir, je vais les chercher et se lever si lentement, que ma mère finissait toujours par dire : bouge pas, j’y vais. Et quand tu observes les personnes en société tu t’aperçois que nombreux sont ces dernières qui parlent, qui parlent en disant « je vais faire cela » et tu t’aperçois que le « cela » n’est jamais fait. Je dois t’avouer que je voulais te donner une leçon : tu voulais avoir une fessée, moi je n’étais pas chaud du tout pour cela mais, tu ne voulais pas changer ton point de vue et tu me faisais du « forcing » comme s’il était important pour ton équilibre que tu en reçoives une ; j’ai fait ce que tu désirais mais je n’allais pas rendre mon intervention symbolique. Tu le voulais donc tu l’avais avec une certaine réalité. Je dois t’avouer que tu m’avais énervé et que je ne me suis pas rendu compte que j’y allais un peu fort.

— Et pourquoi tu t’es éclipsé après ? C’est surtout cela que je te reproche. A mon réveil je me suis retrouvée toute seule dans un appartement désert et j’espérais tant me retrouvée contre toi pour être consolée !

— Je ne pouvais pas faire autrement, comme je te l’avais indiqué dans le mot que je t’ai laissé. Je te rappelle que je ne t’attendais pas cette après-midi-là et j’avais fait une promesse à Lucile, ma collègue du labo, pour assurer une surveillance rapprochée au début d’une manipe au labo ; il n’était pas question, vu la complexité de l’opération et le prix de revient engagé pour la mener à bien, que je ne tienne pas parole.

— Je dois dire que je n’ai pas pensé que tu m’avais laissé un message et je ne l’ai pas cherché quand je me suis retrouvée toute seule chez toi quand maman m’a réveillée en me téléphonant. Je dois t’avouer que je n’étais pas trop en forme. Je n’avais pensé sur le moment qu’à une fuite de ta part devant la responsabilité de acte et, quand maman était arrivée, je n’avais pensé qu’à notre face à face. Je t’en avais voulu énormément à ce moment là.

— Et maintenant ?

— Non, car la crise vécue il y a un mois m’a permis de resserrer les liens avec ma mère. Nous avons passé 8 jours merveilleux dans la maison des Dumont sur l’Ile de Ré. Maman m’a, enfin, raconté son histoire avec mon père biologique. J’ai pu lui glisser qu’elle avait eu tort de ne pas refaire sa vie avec un autre homme. J’étais demanderesse mais je crois maintenant, si elle rencontre un homme qui lui plait, qu’elle le fera dès que j’aurai trouvé quelqu’un avec qui me mettre en couple.

Tu vas te faire de nouveaux amis à la fac ; tu en trouveras, peut-être, un qui rendra amoureuse. C’est ce que je te souhaite !

J’aimerai bien que Mathieu pense à moi. Il pourrait faire un effort et me regarder ! il a l’air de toujours tomber des nues quand on lui soumet de nouvelles idées, à se demander s’il ne tient pas une conférence plénière avec sa conscience, avant de répondre ou de définir sa pensée exacte ; J’aimerai tellement qu’il m’embrasse ! Je ne peux pas lui dire de but en blanc : embrasse-moi. Pourquoi ne voit-il pas dans quel état il me met !

— ­Au fait, quand maman est venue en septembre me récupérer nous avons visité de fond en comble ton appartement. Et quel ne fut pas m’a surprise de trouver la grande suite qui donne sur la salle de séjour, grande suite dont la porte est cachée par un panneau de la bibliothèque qu’il faut faire coulisser pour atteindre l’entrée qui y mène. Quand je pense que lorsque nous avons rangé, il y a 3 mois ta salle de séjour, je n’avais pas trop fait attention à ce mur couvert de livres. Il faut dire que le mur de séparation entre cette suite et la salle de séjour avec tous ces livres est vraiment magnifique. C’est toi qui les as achetés ?

— C’est une idée de mon père qui déteste le bruit quand il dort. Il voulait isoler phoniquement la grande chambre de la salle de séjour d’où une grande bibliothèque tout le long du mur de séparation avec une partie en retrait coulissante pour le passage vers cet espace de vie qui dans les plans originaux devait devenir la suite parentale avec une vaste chambre à coucher un bureau et des sanitaires. Quand ils ont eu la dation de la part du promoteur de l’immeuble ils pensaient venir à Paris ; il avait obtenu de celui-ci de fusionner un 3 pièces avec un 4 pièces (en gardant les deux portes sur le palier) ce qui était assez facile car mes parents avaient acheté sur plan. Naturellement ils s’étaient réservés la suite faite avec le 3 pièces, laissant aux enfants futurs la partie où je suis installé. Au moment de l’achat, la suite constituée par le 3 pièces devait lui servir pour installer son cabinet mais ayant eu un poste à la fac de médecine de Rennes, il a renoncé à cette solution parisienne. La plus grande partie de ces livres ne datent pas d’hier ; ils ont été plus ou moins achetés par mes ancêtres au 19 ème. Mes parents les ont laissés à Paris car, avec ma mère et mon frère ainé, l’appartement de Renne croule sous les livres du 20ème.

— Pourquoi ne t’es-tu pas installé dans cette suite ?

— Dans ma tête c’est toujours resté un espace réservé à mes parents ; je suis bien mieux dans ma chambre actuelle avec l’atelier en face. Une autre raison est que le 3 pièces est toujours au nom de mes parents ; je n’ai que le 4-5 pièces à mon nom ; les deux entités peuvent redevenir indépendants du jour au lendemain car les réseaux électriques, ceux du gaz et de l’eau ainsi que ceux du chauffage sont séparés. Je dois dire que mes parents ne l’utilisent quasiment jamais car, quand ils viennent à Paris, ils descendent toujours dans le même hôtel, près de la place de la Sorbonne. Je crois qu’ils le connaissent depuis le début de leur rencontre quand ils ont eu leur coup de foudre réciproque. Je pense que, mon frère et moi, nous avons été conçus dans un des lits de cet hôtel.

Naturellement notre conversation était redevenue neutre dès que Gaelle nous avait rejoint. Elles faisaient beaucoup de messes basses entre elles. J’avais l’impression qu’elles parlaient beaucoup de moi mais il m’était difficile de les interroger. J’étais prêt à les retenir pour diner le soir mais elles avaient le projet d’aller au cinéma (nos discussions avaient été hachées à partir de 17h par de nombreux coups de fil à ce sujet) à Montparnasse avec d’autres jeunes ; je n’allais donc pas leur casser les pieds en m’incrustant dans leur groupe. D’ailleurs elles ne me proposèrent pas de me mêler à elles ; je devais être déjà trop âgé !

Elles partirent vers 18h 30 toute heureuses de leur visite. Je ne sais ce qu’elles avaient pensé de moi mais je leur avais donné un sujet de conversation car avant qu’elles reprennent en courant l’escalier j’ai entendu une ou deux petites phrases.

— ­Qu’en penses-tu Gaelle ?

— Je l’avais déjà vu dans l’escalier mais je ne pensais pas qu’il était aussi décontracté que cela. Il me semblait être un pissefroid …

— Il est, peut-être, timide ; je crois que je vais essayer de mieux le connaître. Je vais revenir le voir pour un portrait….

Après leur départ une question n’a pas cessé de tourner dans ma tête : Valérie serait-elle intéressée par moi ?

Il allait par la suite se passer un bon moment sans que je ne les revoie entre quatre yeux ; il se peut qu’elles soient repassées me voir mais j’avais été très occupé par ma thèse et par les manipes de l’équipe. L’automne est toujours une période de grande activité dans les labos car les repos étésiens sont toujours propices à des réflexions plus poussées, surtout que celles-ci sont nourries par les différents colloques et congrès auxquels on assiste.

Depuis que Gaelle était passée avec Valérie, elle me saluait, toujours souriante en me voyant, ne manquant jamais de me demander des nouvelles de ma thèse ou de mes peintures et, la rencontrant au bas de l’immeuble avec ses parents et son frère Thomas elle me les présenta en soulignant que j’étais l’ami de Valérie aussi bon en science qu’en arts plastiques. Je dois dire que les parents de Gaelle étaient fort sympathiques !

De temps en temps, allant faire mes courses le dimanche dans la petite surface proche de mon immeuble je rencontrais à nouveau Valérie tenant une des caisses ; très appréciée pour son sérieux et son dynamisme elle avait repris un service de caisse durant les week-ends ; c’est avec un grand sourire qu’elle m’accueillait. Nous échangions quelques mots et, souvent, j’avais un malin plaisir à la faire rougir en lui proposant de poser pour moi dans la tenue d’Eve et je lui soulignais qu’il fallait qu’elle me fasse remarquer spécialement les détails secrets de son corps à observer, telles les taches de naissance ou, encore, quelques verrues mal placées pour être sûr de bien caractériser son corps. Elle s’en sortait toujours en me répondant : commence par faire mon portrait et je verrai après. J’étais bien dans l’incapacité de faire son portrait, vu tout le travail que j’avais à faire.

Cependant, début décembre, elle me proposa que je l’accompagne à une soirée chez un de ses condisciples. Bien qu’hésitant à lui répondre par l’affirmative je finis par lui dire « oui » car elle n’avait aucun garçon avec qui y aller ; elle m’avait assuré que le dénommé Paul qui l’avait invitée, était parmi les plus sérieux et les plus sympathiques de son groupe de TD et qu’il lui avait dit, alors qu’elle était rétissante à y aller, qu’elle pouvait venir avec un ami si elle avait peur de se sentir isolée. Le fait que pour elle j’étais devenu pour elle un ami me surprit un peu mais je dois dire que je ne boudais pas cette montée en grade. Je pensais aussi que le fait de l’accompagner, allait faciliter les négociations avec sa mère pour sortir ce soir-là. Elle était couvée par Mme Malgrange qui n’appréciait pas, aux dire de sa fille, de la voir circuler, seule dans Paris, la nuit mais qui la laissait toutefois assez libre de sortir à partir du moment où elle disait exactement ce qu’elle allait faire. Il faut dire aussi que la possession d’un téléphone mobile lui facilitait bien les choses mais je me demandais parfois si sa mère n’avait pas installé un mouchard sur son téléphone car aux dires de Valérie elle semblait surveiller ses déplacements et activités avec beaucoup de précisions.

C’est ainsi que je me suis retrouvé avec Valérie à 19h aux pieds d’un immeuble cossu avenue Bosquet à Paris. Je ne sais pas combien l’appartement faisait de m2 mais la salle de réception dans laquelle nous avions pénétré au 4ème était immense, vu que la trentaine de personnes que nous étions, étaient assez dispersées. Je ne détonnais pas trop car si certains garçons étaient en nœud pap, d’autres portaient des « Jeans » et polo. Les filles avaient sorti leur petite robe noire qui devaient avoir un certain prix et Valérie était à croquer dans ce même type de robe s’arrêtant au-dessus des genoux. Il ne faisait aucun doute qu’elle avait l’habitude d’aller dans des soirées « habillées » avec sa mère. Toutefois, je me suis senti un peu vieux car ils avaient plus ou moins tous moins de 20 ans et je faisais un peu office d’ainé. Bien qu’ils étaient assez diserts je me sentais plutôt étranger ; leurs discussions m’intéressaient assez peu car, entre garçons ils parlaient voitures, vacances ou filles et, si les filles les rejoignaient, la base des discussions avait trait aux sorties en boîte le samedi soir ou les dernières sorties de bandes « son ». J’avais un peu dansé avec Valérie et deux autres filles mais je dois avouer, qu’ayant peu danser dans ma vie, j’avais surtout fait tapisserie près du buffet qui heureusement était bien fourni en alcool divers et en nourritures terrestres. Cela m’allait très bien car cela faisait plus de 8 jours que je n’avais pas réellement fait de repas tant j’avais eu à faire au labo jusqu’à des heures indues.

Le dénommé Paul, en bon maître de la soirée, était toutefois venu me tenir compagnie ; il avait subodoré que je n’étais pas exactement comme eux.

— Vous travaillez dans le cabinet d’avocats de la mère de Valérie ?

— Non ! je suis actuellement en deuxième année de thèse et je n’ai rien à voir avec le « Droit ». Je fais de le chimie-physique. Je suis un ami de Valérie ; elle ne voulait pas venir toute seule à cette soirée. Elle est parfois un peu timide en société ce qui fait qu’elle m’a débauché.

Il fallait bien que j’invente un peu pour expliquer m’a venue mais je ne suis pas sûr que la description que j’ai faite de Valérie soit la bonne ; en effet, son côté « bonne élève » la coinçait un peu mais ce n’est pas pour cela qu’elle était timide. Elle avait toujours quelque chose à dire aux personnes qui la côtoyaient, que ces personnes soient connues ou non. Depuis notre rencontre, malgré les tensions qu’il y avait pu avoir entre nous, elle avait toujours su m’entreprendre sur n’importe quel sujet : inégalités sociales, pédanterie des enseignants, les derniers films à la mode, les dernières indiscrétions sur les « peoples »... J’avais pu observer quand elle tenait une des caisses de la petite surface d’à côté, qu’elle avait toujours un ou deux mots à dire aux personnes qui passaient. Elle était toujours pleine d’empathie vis à vis des autres.

Il ne faisait aucun doute que Paul était en admiration devant elle.

— Elle est très dynamique avec une tête très bien faite car, en TD, elle prend facilement la parole sur les cas qui nous sont soumis et elle a des raisonnements surprenants, très instructifs pour tout le monde. Elle s’est faite plusieurs fois remarquée par nos enseignants qui ont une grande estime pour elle. Il faut dire qu’avec sa mère et les amis de cette dernière, elle a été amenée à connaitre beaucoup de chose sur la pratique du droit.

Je pensais en moi-même que l’estime montrée par le corps enseignant provenait, peut-être, de l’appartenance de sa mère à un des plus grands cabinets d’avocats de Paris.

— ­Cela ne m’étonne pas car elle a toujours caché son jeu ; elle est plus que discrète mais si on la brusque un peu pour qu’elle parle, elle a toujours beaucoup de choses à dire et elle le dit de façon très synthétique.

— C’est votre petite amie ?

Je dois avouer que cette question m’avait surpris mais, réflexion faite, j’avais vite compris qu’il ne voulait pas interférer entre Valérie et moi s’il y avait eu quelque chose de sérieux entre nous. Il se montrait ainsi très honnêtes vis à vis de nous deux. J’étais bien en peine de lui répondre car j’étais bien attiré sans le vouloir par Valérie, elle m’intéressait et je sentais de façon de plus en plus évidente que celle-ci n’avait de yeux que pour moi. J’étais inquiet de son comportement car il me semblait qu’elle était en train de devenir accroc à ma personne. Son âge tendre et sa qualité d’être un peu surdouée me mettaient mal à l’aise ; elle avait 17 ans, moi j’en avait 25 et j’étais un étudiant des plus normaux.

— Je suis bien incapable de vous le dire car elle est très secrète et pudique sur ses sentiments, et notre amitié est à ses débuts. Je ne la connaissais pas avant cet été ; elle allait au lycée et moi j’allais à la Fac, ce qui fait qu’il m’était difficile de la rencontrer. Je me suis aperçu qu’elle existait durant l’été ; elle habite dans mon quartier et elle court dans le parc Montsouris où je la rencontre assez souvent. Faire du droit lui plait beaucoup ; elle me raconte ce qu’elle apprend dans ses cours et, moi, je lui raconte mes déboires expérimentaux. Nous évoluons, cependant, dans deux mondes très différents.

Naturellement je ne lui disais rien sur notre première rencontre, ni sur ses activités de caissière ou sur mes activités de peintre car je ne savais pas ce qu’elle lui avait dit. Nous avons continué à parler un certain temps de ce que lui permettraient les études de droit, comparées aux études en sciences. Il était étonné que je n’ai pas fait une grande école mais il avait, cependant, compris que j’avais refusé le formatage des classes « prépa » et des grandes écoles, que je voulais rester libre de penser à ma façon et de rester créatif.

Une de ses idées était de faire non seulement du droit mais aussi de suivre les cours de Science Po Paris. Il voulait faire plus tard de la politique mais il ne m’a rien dit de ses orientations. Il n’a pas parlé de l’ENA mais il a glissé au cours de la conversation que son père et sa mère s’étaient connus à l’ENA ; par contre il ne m’a rien dit sur leurs métiers actuels. Je dois dire que j’ai évité de lui demander son nom patronyme pour éviter que la renommée publique possible de ses parents compliquent un peu trop nos discussions. Nous avons parlé ainsi au moins une demi-heure si ce n’est une heure puis il s’est éloigné et Valérie m’a rejoint ; elle avait envie de repartir. Il était 23h 30 et cela m’arrangeait bien. Elle avait mal aux pieds car elle avait passé tout son temps à danser. Très bout en train, elle était très populaire et avait dansé tout aussi bien avec des filles que des garçons. Tous les présents la connaissaient et l’appréciaient beaucoup. Elle était tout sourire et rayonnait de bonheur, ses yeux scintillaient comme des diamants.

Par la suite j’ai continué à la voir le dimanche, tenant la caisse de la petite surface. Je lui téléphonais aussi parfois pour courir le dimanche avec elle dans le parc Montsouris. J’avais, cependant, très peu de temps à moi du fait de mes activités de recherche - mes tableaux écossais étaient même en panne - car j’étais occupé à collationner tous mes résultats chiffrés, notés et regroupés dans mon cahier de labo. Il fallait que je les vérifie avant de les intégrer à ma thèse.

Je devais, cependant, la contacter rapidement avant noël car il avait été décidé vers la mi-décembre avec Pierre André que je devais aller en janvier-février au « Polytechnicum » de Zurich dans une équipe concurrente ; le patron de celle-ci nous avait envoyé en stage une de ses étudiantes, Johanne. Il désirait collaborer avec nous et voulait montrer en détail à l’un d’entre nous les manipes que son équipe avaient mises au point. Naturellement, Pierre-André n’avait trouver rien de mieux que de me proposer d’être la personne contacte entre les deux équipes. J’étais jeunes, je devais aimer les voyages et je n’avais pas de charges de famille ; de plus je connaissais très bien les possibilités techniques du matériel que notre équipe utilisait et mon patron voulait connaitre exactement les possibilités techniques du matériel utilisé par les suisses afin de vérifier les potentialités futures de nos collaborations ; il s’était déjà fait avoir dans des collaborations où il servait de locomotive tirant des wagons cahotant. Je dois dire qu’il m’a un peu forcé la main mais j’ai très vite accepté le « deal ». Il fallait absolument que j’organise mon départ de Paris car il était entendu avec mes parents que j’allais leur rendre visite du 23 décembre au 1 janvier à Rennes et j’avais dit à nos correspondants suisses que je pensais arriver à Zurich le 3 janvier. Cette date était importante car ils devaient me trouver un logement pour m’accueillir.

Il m’était venu alors une idée : demander à Valérie d’assurer une certaine veille sur mon appartement, mes plantes verts et ma boîte aux lettres. En échange, j’allais l’autoriser à utiliser mon IMac dont je ne me servais quasiment jamais et qui l’intéressais de très près ; elle m’avait déjà demandé de pouvoir l’utiliser pour mettre au propres certains documents qu’elle voulait conserver. Quand je lui ai présentée ma proposition elle n’a pas mis longtemps pour me répondre positivement en soulignant l’intérêt d’avoir un ordinateur récent avec une liaison internet par fibre optique et d’avoir un endroit vaste pour travailler tranquillement. Vu sa réflexion, je me suis de suite dis qu’elle avait aussi l’intention de coloniser à son profit une partie de la table de séjour et qu’elle était heureuse de la solution qui comportait en soi-même une possibilité de travailler sans être sous les regards de sa mère. Pour moi, c’était une manière comme une autre de garder contact avec elle tout en ayant quelqu’un qui assure une veille sur mon appartement.

Dès que j’ai pu, je l’ai invitée à diner en m’arrangeant qu’il y ait d’autres jeunes du labo pour ne pas rester seul face à elle, je n’étais pas assez en forme pour discuter longuement avec elle de ce qui s’était passé entre nous et, surtout, je pensais qu’avoir des contacts avec des étudiants étrangers ne pouvaient que lui être bénéfique. Je sentais bien qu’elle était attirée par moi mais pour moi elle était comme la petite sœur que je n’avais pas eue de par mes parents. Ce fut un repas sympa avec une fille faisant du droit et trois étudiants chimistes étrangers, un allemand (Hans), un espagnol (Antonio), et Johanne, la suissesse. Je dois dire que Valérie allait me surprendre car, même si j’avais préparé le repas, elle s’arrangea pour y mettre des petites touches supplémentaires de sa main et, surtout c’est elle qui dirigea la conversation en mélangeant 3 langues : le français, l’espagnol et l’anglais comme si elle avait été la maîtresse de la maison. J’ai même compris qu’elle avait quelques notions d’allemand car elle aida Johanne à traduire certains termes dont elle n’avait pas l’équivalant en français ou en anglais.

Je dois avouer qu’elle nous a fait beaucoup rire par ses questions de néophyte sur la chimie mais elle a su aussi faire parler les 3 étrangers sur leurs pays, non seulement sur les sites touristiques mais aussi sur la sociologie de ceux-ci.

La soirée s’était terminée vers 23h30, les trois chimistes repartant vers la Cité Internationale où ils avaient leur chambre et Valérie, sans rien me demander, commençant à ranger la salle de séjour et cuisine. Comme je commençais à grogner car je ne voulais pas qu’elle reste toute seule avec moi et que j’étais pressé de la ramener chez elle, elle me fit la surprise de me dire qu’elle montait au 4ème pour dormir chez sa marraine. Ella avait tout prévu !

Finalement cela m’avait bien arrangé car j’avais pu faire le tour du propriétaire avec elle en lui montrant où étaient les disjoncteurs de l’appartement principal et ceux de la grande suite et les compteurs d’eaux des deux ensembles ; il fallait bien prévoir les possibilités d’avoir à couper l’eau et l’électricité. Je lui montrais aussi les différentes manettes commandant la télévision, et tout le dispositif commandant internet, boite d’arrivée du câble, boite wifi et décodeur avec tous les conseils possibles pour résoudre les « bug » de connexion. Je lui donnais un double de toutes mes clefs, le gardien gardant un double des clefs principales. Je descendais aussi avec elle à la cave puis au 2ème sous-sol pour lui montrer les 4 places de parking, avantage appréciable dû au fait de la fusion entre les deux appartements .