REMISE EN ORDRE

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— BON ! Maintenant passons aux choses sérieuses. Je vais mettre ton histoire d’aujourd’hui sous un couvercle. On n’en reparlera plus mais tu vas m’aider à tout remettre en ordre. Nous allons nous occuper de la salle de séjour ; je m’occuperai de l’atelier tout seul car ce sera compliqué ; il va falloir que je jette certaines choses et que j’en nettoie d’autres et comme je ne pense pas que tu t’y connaisses beaucoup en peinture et en encre, il vaut mieux que je le fasse tout seul.

Et nous voilà partis vers la salle de séjour.

Je ne m’étais pas rendu compte du bazar que j’avais laissé derrière moi, quand je m’étais précipitée sur la porte de l’appartement. Les papiers avaient glissé à travers toute la pièce. Il y avait aussi quelques crayons qui avaient roulé dans tous les sens. Je regardais Mathieu en catimini sans trop le montrer. Le spectacle semblait l’amuser mais je voyais bien qu’il n’était pas content du tout dans certains cas ; son comportement changeait parfois quand son regard se portait sur tel ou tel papier.

Je suis bien en peine de connaitre ceux qu’il aurait voulu cacher car je n’ai pas pu commencer l’analyse de son tas de papiers et c’est mon plus grand regret. Faisons profil bas.

— Valérie ! tu sais ce que tu as à faire : ramasser les divers documents en liberté sur le sol, les trier et les mettre en tas. C’est assez facile : quand il s’agit de documents imprimés en anglais, il y a de fortes chances que ce soit des tirés à part, s’il s’agit de documents tapés à la machine avec des en-tête ce sont des papiers administratifs, s’ils sont écrits à la main ce sont des brouillons et il faudra que j’y jette un coup d’œil pour en connaître le teneur. Il devrait aussi y avoir de morceaux de journaux, ceux-ci iront directement dans la poubelle ; je vais chercher  un sac plastique pour mettre ce qui est à jeter. Naturellement, il y aura beaucoup d’inclassables ; tu me demanderas leur destinée. Il devrait y avoir aussi des factures et de certificats d’authenticité correspondant à certaines de mes œuvres vendues. Il faudra y faire très attention car ce sont des papiers ayant une valeur juridique ; il doit y en avoir 2 ou 3 en attente au milieu de tout ce désordre car certains acheteurs sont toujours en attente de les avoir.

Il faudrait qu’il apprenne à ranger ses papiers ayant une valeur juridique dans un endroit sûr et, non au milieu d’un fatras de papiers divers. Il n’y avait aucune fille sérieuse qui avait dû venir ici pour y vivre 1 ou 2 jours avec lui ; elle aurait mis un peu d’ordre. Je vais essayer de lui apprendre que l’on ne fait pas n’importe quoi avec les documents. On les range ! Heureusement que maman a peu de chance de venir ici ; elle serait horrifiée !

Valérie ne me répondit pas, elle se mis à quatre pattes et commença sans se faire prier à ramasser et trier les documents. Par moment elle faisait de drôles de grimaces car elle devait se demander à quoi certains documents pouvaient servir.

— Monsieur…

— NON ! Mathieu

— Vous faites quoi comme métier ? vous n’êtes pas un artiste ni un écrivain. Pourquoi toute cette littérature en anglais ? Vous faites des traductions ?

— Non, je suis un scientifique et je termine une thèse en Chimie Physique.

— Vous êtes étudiant ? me dit-elle avec un air très surpris comme si le ciel lui était tombé sur la tête. Vous n’êtes pas un peintre.

— Je suis à la fois étudiant et ingénieur, je fais de la recherche. Je ne sais pas si ce que je fais sert à grand-chose mais j’apporte ma petite pierre à l’avancée des connaissances. Je peints pour me délasser ; c’est mon violon d’Ingres.

Je voyais bien que ce que je lui disais la surprenait au plus haut point.

— Vous êtes un savant?

J’ai éclaté de rire car je ne me voyais pas dans la peau d’un tel personnage ; d’ailleurs, qui peut porter ce type de dénomination ?

— OH ! Non ! je suis seulement un chercheur, c’est-à-dire un travailleur scientifique qui essaye de faire avancer les connaissances sur ce qui constitue l’univers. Je travaille sur « les Terres Rares », atomes qui permettent de former des composés pouvant avoir de l’intérêt dans la vie de tous les jours. Mais je dois t’avouer que pour le moment il n’y a pas de retombées pratiques à mes travaux.

— Mais pourquoi la peinture ?

— Cela me repose et j’aime ce qui est beau. Cela me permet de traduire à ma façon ce que je vois autour de moi, sous des formes picturales esthétisées. Et comme, ce que je fais, plait à certains, cela me permet de vendre certaines de mes œuvres ce qui met du beurre dans mes épinards. Jusqu’au mois de janvier, tenant à être indépendant vis-à-vis de mes parents, je vivais chichement avec ma bourse de thèse, et la vente de tableaux m’a permis de vivre mieux. Depuis début mai je suis payé en tant qu’ingénieur et je pourrais m’arrêter de peindre mais je ne peux pas vivre sans.

J’ai nettement l’impression que j’intéresse Valérie et qu’elle fait une enquête sur mon compte. Je dois dire aussi qu'elle ne me laisse pas indifférente d'où la question sur le petit ami. Au début, je l’impressionnais, maintenant, beaucoup moins et elle se décontractait de plus en plus. Le rangement, tout en devisant entre nous deux, avançait rapidement. Nous étions en train de fignoler ; il faut dire que j’avais récupéré sur des étagères des boites de rangement plus ou moins vides pour ranger sous la surveillance de Valérie les différents documents triés et j’avais rempli un sac plastique de 50 litres avec des papiers à jeter. Il ne restait quasiment rien sur la planche me servant de bureau.

Comme il était autour de 19h 30, j’allais lui proposer de finir la soirée ensemble mais il me fallait vérifier que j’avais de l’argent liquide dans mon porte monnaies. Je dois dire qu’il n’y avait qu’un billet de 20 € avec quelques pièces. Pas grave le matin je m’était occupé de ma caisse noire (argent obtenu depuis plus d’un an avec la vente de mes tableaux) et j’avais eu la satisfaction de comptabiliser qu’elle contenait encore 3 850 € ; cet argent se trouvait dans une enveloppe kraft à côté de mon Mac et j’avais mis le détail des ventes sur un petit papier toujours là au fond de l’enveloppe. Quelle ne fut pas ma désagréable surprise quand je me suis aperçu qu’il ne me restait environ pas plus que 1500 €. Je n’ai rien dit de suite mais mon sang commençait à bouillir ; la petite Valérie n’avait pas seulement fouiné dans mes papiers, elle avait puisé sans vergogne dans mes réserves monétaires !

— Valérie ! Il y a un problème ; as-tu touché à cette enveloppe, lui dis-je, en la lui mettant sous le nez.

— NON ! Je ne l’avais pas vue; elle était où ? Elle contenait des papiers importants ?

Pas à dire elle me prenait pour un imbécile car, en même temps qu’elle me disait cela, sa figure devenait de plus en plus pâle et ses mains se remettaient à trembler comme au début de notre rencontre. Il ne faisait aucun doute qu’elle savait ce qu’il y avait dedans et qu’elle avait fait une belle boulette.

OH ! Mon dieu qu’ai-je fait ; j’ai toujours l’argent dans mes poches. Pourquoi l’ai-je pris ? J’aurai dû profiter du rangement pour glisser un certain nombre de billets au milieu des papiers. Je suis une vraie nouille ; comment me tirer de ce mauvais pas ?

— Tu me prends pour un benêt ? Tu t’es servie dans l’enveloppe car il y avait plus de 3000 € et on est loin du compte maintenant. Explique-moi !

Je vais essayer de ne rien dire en haussant le ton et en me montrant choquée par sa question ; je ne suis pas sûr, pourtant, qu’il me croit car il me semble bien en colère. Pourvu qu'il ne me frappe pas!

— JE N'AI RIEN PRIS!

Une telle réponse était ni plus ni moins une forte indication sur sa responsabilité dans la disparition d'une partie de l'argent.

— RETROUVE-LE ! Si dans 3 minutes tu ne me l’as pas rendu, je te préviens que je te mets nue comme un ver pour fouiller tous tes habits et tu auras beau te débattre j’obtiendrai, même s’il faut te donner une sérieuse fessée, que tu me rendes l’argent.

Mon regard et mon ton devaient être très parlant en traduisant avec intensité ma colère rentrée car elle ne dit rien ; les larmes commencèrent à fuser de ses yeux et, avec sa main droite tremblante, elle fouilla dans les poches arrière de son « jean » et me sortit plusieurs billets plus ou moins fripés. Elle les posa sur la table tout en baissant la tête. Elle n’osait plus me regarder

— Je m’excuse, je sais…..

Je ne la laissais pas terminer ; j’en avais soupé d’elle. Il ne fallait pas trop m’en demander et, mêlée à ma colère, je ressentais une très forte déception. Cette fille n’était pas idiote, elle avait reçu une bonne éducation et, au moment, où elle allait rentrer dans sa vie d’adulte elle faisait n’importe quoi. Je ne la comprenais pas et, pour moi, elle frôlait le gâchis.

— TAIS-TOI ! JE TE PREVIENS QUE LA PROCHAINE FOIS QUE JE TE VOIS TRAINER A NE RIEN FAIRE DANS L’IMMEUBLE OU DANS LES PARAGES, JE TE PRENSDS PAR UN BRAS, JE T’EMMENE ICI ET JE PEUX T’ASSURER QUE TU LE REGRETTERAS CAR JE TE DONNERAI LA FESSEE DE TA VIE ; TU T’EN SOUVIENDRAS LONGTEMPS.

— Mais ….

— Il n’y a pas de « MAIS » qui existe. Tu mérites une fessée et tu le sais très bien. Je n’ai pas l’habitude de me retrancher derrière les parents, ou la justice, quand quelqu’un fait une bêtise de gosse, j’interviens directement en corrigeant le ou la coupable. AUJOURD’HUI ! je n’interviens pas car tu n’es pas dans ton assiette et je n’arrive pas à comprendre ce qui t’arrive, te connaissant trop peu mais ce n'est que partie remise. Je ne ferai intervenir ni la police, ni ta mère ; il s’agit d’une affaire entre toi et moi. Si je te revois, j’espère que tu m’expliqueras ce comportement de chapardeur et qu’un jour tu seras apte à assumer tes erreurs jusqu’à demander d’être punie mais je ne suis pas près de tout accepter, venant de toi.

Il faut mieux que je fasse profil bas...Il est vraiment hors de lui... Il serait capable de passer à l’acte si je l’énerve encore plus et je risque de me retrouver à plat ventre sur la grande table recevant une fessée de sa part...Il a de grandes mains et il semble savoir s’en servir. Il n’est pas si commode que ça ; encore un qui a des principes d’un autre âge... Je croirais voir Maman quand elle est en colère contre moi

— Maintenant, tu quittes les lieux et tu n’essayes pas de trouver des excuses « bidons ». C’est dommage car j’avais l’intention de t’inviter à diner ce soir et, comme il fait beau, nous aurions pu nous promener à travers Paris, une manière comme une autre de mieux se connaître en devisant calmement. Dépêche-toi de quitter les lieux tant ton comportement m’exaspère !

Pendant mon discours, elle s’était un peu reprise ; elle avait calmé sa crise de larmes mais elle n’en menait pas large, baissant la tête et n’osant plus me regarder. Quand je lui ai annoncé que je laissais hors du coup sa mère, elle avait marqué des signes de soulagement. Je suis à peu près sûr d’avoir entendu un filet de « merci » à ce moment- là.

Il vaut mieux que je parte rapidement sinon il risque de me courber sur la table pour me fesser ; il est vraiment hors de lui. Pourquoi ne me suis-je pas souvenue que je lui avais pris quelques billets ? Quelle idée aussi d’être un « rat » comme Harpagon. On n’a pas idée d’avoir une réserve d’argent liquide à la portée de tout le monde. Je suis, quand même, une belle idiote ! J'espérais tant faire mieux connaissance avec lui!

Il y eut un grand blanc, elle se mis en marche très lentement comme si elle ne savait pas où aller, puis elle rejoignit la porte d’entrée ; elle l’ouvrit se retourna vers moi, leva la tête avec des yeux rougis par les larmes et sortit après avoir lancer vers moi un petit « merci ». Elle n'essaya pas de prendre l'ascenseur mais descendit comme à regret par l'escalier. Elle devait penser à la fin désastreuse de notre rencontre.

Je restai un grand moment immobile après son départ, réfléchissant à tout ce qui s’était passé en me disant que certaines personnes étaient difficiles à comprendre et, comme je n’avais que très peu d’expérience avec les femmes, c’était encore plus difficile pour moi de comprendre Valérie ; je le regrettais car j’avais trouvé une partenaire qui semblait intéressante à mieux connaitre. L’expérience avec la gente féminine depuis que j’étais à l’université se résumait à des séances de corps à corps dans des jeux sexuels avec des filles qui, me trouvant à leur goût, avaient envie de s’éclater avec moi. Certaines, peut-être, auraient eu envie d’approfondir leurs liaisons mais elles ne présentaient pas assez de mystères et d’intérêts pour que je fasse un effort vers elle.

Le résultat de cet après-midi était assez positif : j’avais récupéré une petite culotte de jeune fille et un teeshirt que j’avais mis à tremper dans des bassines d’eau, des protections féminines car Valérie en avait laissées dans la salle de bain et une salle de séjour « nickel ». Par contre, j’avais aussi récolté un atelier dans le plus grand désordre et une perte monétaire d’au moins 450 € car la petite jeune fille, bien sous tous rapports, avait oublié (oubli voulu ou non) de me les redonner. Je n’avais pas comptabilisé les billets sortis de ses poches qu'un grand moment après sa sortie et je m’étais ainsi aperçu plus tard de cette perte que lorsque j’avais recompté, un peu comme harpagon, le contenu de ma cassette c’est-à-dire ce qu’il y avait dans la grande enveloppe « kraft ». Il m’était difficile de crier au voleur car cet argent n’avait pas vocation à être déclaré au fisc. Elle ne m’avait pas remboursé non plus les protections.

Une fois Valérie sortie, j’ai été faire un petit tour dans l’atelier ; il était réellement dans un triste état mais je me faisais for de mettre un peu d’ordre rapidement en commençant par éponger l’eau plus ou moins chargées en pigments divers, renversée sur le sol ; ce n’était pas trop grave car au moment où j’avais transformé la chambre en atelier j’avais mis un lino afin de protéger le plancher qu’avaient fait installer mes parents. En fait, je n’allais pas faire beaucoup de nettoyage ce soir-là car, voyant des grandes feuilles blanches de papier « Canson », je me suis mis à essayer de dessiner le portrait de Valérie de mémoire. Je dois dire que le résultat ne fut pas terrible ; j’avais fait attention à certaines de ses attitudes mais vu son état de stress j’avais de la difficulté à retrouver son état naturel. Cependant, cet effort immédiat allait porter ses fruits dans les mois qui suivirent car j’allais prendre des photos de Valérie sans qu’elle s’en aperçoive alors qu’elle tenait au mois d’août une des caisses de la petite surface à côté de mon immeuble. La conjugaison de mes souvenirs avec le réalisme des photos allait me permettre de tracer au crayon des esquisses assez réalistes de la fille. Elle ne m’était pas indifférente !

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