Chapitre 4 (Partie 2)

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C’est une petite victoire. Le simple fait, que je puisse avoir des réponses aux questions qui tournent dans ma tête depuis déjà trop d’années, me réjouit. Je suis sûr, de pouvoir trouver quelque chose. C’est impossible de disparaître sans laisser aucune trace. Même le bateau dans lequel mes parents avaient embarqué n’avait pas été retrouvé. Depuis quinze ans, le Colombus II et ses passagers n’ont pas été retrouvés. C’est comme s’ils avaient été effacés de la surface de la terre. L’apparition d’un monde miroir dans l'équation, fait consensus. Je n’avais pas espoir de les retrouver vivants, mais tout du moins, trouver des indices sur leur voyage.

— Il me faut un récipient avec un couvercle, avoue Whiley qui me sort de ma rêverie.

— Un bocal à confiture ça ira ?

— Oui, parfait. Tu peux le remplir d’eau ?

J'acquiesce d'un mouvement de tête. En me dirigeant vers la cuisine, je me retourne avant de passer la porte.

— Je veux me sentir utile en allant là-bas.

— Il y a de quoi s’occuper, si tu sais te battre et te défendre.

Il n’y a rien de rassurant dans sa phrase, mais peut-être que mes trois ans de boxe anglaise me serviront à quelque chose.

— J’ai des bases.

— Tu es toujours sûr de vouloir venir ? Tu ne pourras pas échapper aux égratignures et peut-être à quelques os brisés.

Il fait tout pour éviter que je vienne, ce n’est pas ça qui va m'arrêter pour autant. Ses mises en garde ne me feront pas d’effet tant que je ne serais pas confronté réellement au problème. Malgré que, rien sur son visage ne peut démentir ses paroles.

— Il y a des monstres là-bas ou quoi ? je demande dans le simple but de faire apparaître un sourire sur son visage.

— On n’est pas loin de ça, répond-il dans le plus grand des calmes.

Je déglutis. Tout ce que je prends pour une blague, ne l’est pas du tout. Mais ce n’est pas pourtant que je vais changer d’avis.

— Qu’est-ce qu’il se passe de l’autre côté ? Je sache sur quoi je vais tomber.

— Pour faire court: des sorciers noirs courent partout sur l'île. Ils se cachent et dissimulent toutes traces de leur passage. Plus les jours passent, plus ils prennent confiance et agrandissent leurs troupes.

Cette révélation me fait froid dans le dos.

Une fois dans la cuisine, je remplis le pot en verre vide, préalablement pris dans un de mes placards. Je retourne dans le salon, et lui tant le bocal fermé. Il me stoppe.

— Laisse-le ouvert et laisse le sur le rebord d’une fenêtre.

J'obtempère. En ouvrant la fenêtre, je remarque que le ciel est rosé. Le soleil ne va pas tarder à se coucher.

— À quoi ça va servir ?

— C’est notre ticket de retour. Ce soir c’est la pleine lune. Les rayons vont imprégner l’eau. Au petit matin nous aurons de l’eau de lune.

— C'était de la pleine lune dont tu parlais tout à l’heure quand tu as évoqué une issue de secours en cas de problème ?

Il pouffe en relevant les épaules de façon exagérée.

— Tu as une bonne mémoire. Effectivement, c'était de la pleine lune qu’il s’agissait. Sans eau de lune, on ira nulle part.

Une question me traverse l’esprit. Un détail auquel je n’ai pas réfléchi plutôt.

— Je vais faire comment pour te suivre comme je ne pratique pas de magie ?

— Tu seras un passager à la mienne. Tu n’auras qu'à suivre mes instructions.

J’ai l’impression de rêver. Je vais suivre cet homme les yeux fermés, comme si toute cette histoire est absolument normale et non risquée. Alors que ce matin, je ne connaissais qu’une toute petite partie de mon histoire. Mes parents voulaient surement me protéger à cause de mon jeune âge de l'époque. Et le temps n’est pas de mon coté, j’ai oublié beaucoup de choses en plus de dix ans sans côtoyer de magie au quotidien. Whiley me l’a bien fait remarqué.

Je comprends maintenant, que sa noyade était un moyen de rentrer chez lui et je lui en ai bêtement empêché. C’est un mal pour un bien, j’en ai appris bien plus sur moi et mes parents en deux jours, qu’en vingt-cinq ans d'existence.

Je ne fais pas attention à mon invité passager et me redirige vers la cuisine pour préparer le dîner. Je sens que c’est le dernier vrai repas que je vais manger ici avant un bon moment.

J’ouvre le frigo à recherche d’une quelconque inspiration. Pendant ma réflexion culinaire, j’entends les pas de Whiley se rapprocher. Il ouvre des placards un peu partout dans la pièce.

— Je cherche les ingrédients qu’il me manque pour le sort, dit-il avant même que je ne pose la question, où sont les herbes aromatiques ?

J’ouvre le tiroir à ma hauteur en dessous-du micro-onde. Le frigidaire étant toujours ouvert, il en profite pour me passer devant et récupérer le miel.

— Je croyais que c'était pour les concoctions de grand-mère, dis-je pour le piquer un peu.

Avec de grands airs, il hausse les sourcils, se pince l'intérieur d’une joue et poursuit avec un sourire en coin.

— J’ai peut-être un peu hyperbolé mes propos, avoue-t-il mimant avec deux doigts l’étendu de son “mensonge”.

L’homme aux yeux glacials continue ses recherches dans le tiroir ouvert pour lui.

— Céleri, camomille et... cyprès ? Attends, tu as du cyprès en poudre ? demande-t-il étonné.

— Un faux cadeau d’anniversaire. Comme c’est un arbre qui a des vertus pour les varices, mes amis ont jugé que j’avais la tête d’un octogénaire.

— J’allais prendre de la coriandre, mais avec ça, ce sera plus efficace. Ça pourrait nous éviter un nombre incalculable de problèmes.

Il pose les condiments sur la table, puis prend un petit récipient surement pour faire sa mixture de son côté pendant que je réalise le dîner.

— Le lever du soleil est vers sept heures trente. On devra être au lac Pupuke un peu avant qu’il ne se lève, explique-t-il en écrasant son mélange à l’aide d’une fourchette.

— Heureusement qu’on est en juillet, en plein mois de décembre on se serait levé à trois heures, m’exclamé-je gardant les yeux sur ma poêle.

Il ignore ce que je dis une énième fois dans la journée. Il se lève, ouvre le frigo et pose le mélange sur une étagère du frigidaire. Une fois la porte de l’objet métallique refermée, il me regarde de la tête aux pieds, me jugeant bien plus qu'à son habitude.

— Il va falloir que tu trouves quelque chose de moins chaud pour demain. Si je suis en chemise, ce n’est pas pour rien, raconte-t-il en prenant deux pans de sa chemise du bout des doigts, d’une façon aussi condescendante que pour un enfant de cinq ans, qui ne saurait pas différencier un pull d’un gilet.

— Il fait quel temps là-bas ?

— Chaud et humide, explique-t-il.

Rien à voir avec le temps quotidien de la Nouvelle-Zélande.

— Je ne suis même pas sûr d’avoir quoi ce soit de léger dans mes affaires, je réponds naturellement.

— C’est juste pour demain, on trouvera bien de quoi te vêtir sur place.

— On ?

— Je ne suis pas le seul habitant de mon île miroir. Je deviendrais fou. Il y a des villes et des villages.

A vrai dire, je ne sais pas du tout dans quoi je m’embarque, ni combien de temps je vais rester et encore moins comment je vais repartir. Mais je n’arrive pas non plus à me faire une idée précise de l’endroit où je vais mettre les pieds. Je cours, bras tendus, vers l’inconnue la plus totale. Je n’ai quelques bribes d’informations données au bon vouloir du rescapé. Autant dire, rien du tout. Une chose est sûre, je suis poussé par mon envie d’en découvrir encore plus en lui laissant une confiance aveugle. Ce n’est peut-être pas la meilleure idée de l’année, mais je prends des risques pour une fois dans ma vie. Le pourcentage de chance que je vive ces dernières quarante-huit heures aurait été très proche de zéro si je n’avais pas traversé la ville sous une tempête effrénée. C’est peut-être prémédité au final.

Après le dîner, je laisse Whiley seul dans le salon. Je pense qu’il trouvera bien de quoi combler son ennui le temps que je fasse les quelques bagages dont j’ai besoin.

Qu’est-ce que je dois emporter pour un voyage sur une île inconnue et dont je ne connais pas la durée ?

La première chose me venant à l’esprit est d'appeler ma soeur. Je ne veux pas l'inquiéter et ça m'étonnerait qu’il y ait la 4G sur l'île.

Je compose le numéro sur mon portable. Je n’ai aucunement l’intention de lui parler de mon excursion, elle le saura en temps voulu. Je ne préfère pas lui donner de faux espoirs. Et dans l’autre sens, je ne parlerai pas de ma soeur à Whiley, je voudrais éviter qu’il ne lui coupe la tête pour récupérer son collier. Il n’a pas l’air d’avoir retenu qu’elle en possédait un. Tant mieux.

— Blaine il est tard ! commence-t-elle sans même un bonjour.

— Bonjour à toi aussi, je lui réponds en haussant le ton.

— On s’est déjà appelé hier. Qu’est-ce que tu me veux ?

Je sens dans sa voix, qu’elle est vraiment fatiguée, voire même sur le point de s’endormir.

— Il est que vingt-et-une heure, je ne pensais pas que tu allais te coucher aussi tôt.

— Je suis en période d’examen, je n’ai plus trop la notion du temps en ce moment, désolée.

— Je ne vais pas te tenir la jambe trop longtemps. Je voulais juste te prévenir que je pars en forêt avec quelques amis, histoire de me ressourcer.

— D’accord. Je viendrais chez toi plus tard alors.

— Je ne sais pas quand je vais rentrer. J’ai juste besoin d’air, de me recentrer sur moi. Ne te fait pas de soucis pour moi. Je te donnerais des nouvelles dès que j’en ai l’occasion.

— Tu pars en cure de désintoxe ?! demande-t-elle sur le qui-vive.

Sa question me fait l’effet d’une baffe. Comment a-t-elle put tirer une conclusion aussi bancale ?

— Quoi ? Non ! Je ne me drogue pas Sacha, expliqué-je d’une voix enraillée.

— Je ne sais pas, ça sonne road trip dans les montagnes sans réseau. Je me dis que tu me caches quelque chose.

Même fatiguée, elle est trop maligne. Ça devrait être elle a ma place. Elle aurait tiré les vers du nez de Whiley bien plus tôt que moi je ne l’ai fait.

— Je pars juste quelques temps pour m’éloigner des réseaux et de la pression de la ville tant que je n’ai pas de taff.

— Bon… Tu me rappelles quand tu trouveras une barre de réseau. D’ici là, peut-être qu’un patron aura appelé pour un entretien et peut-être que j’aurai obtenue mon semestre.

Elle me donne le sourire avec ces interrogations qui n’ont pas lieu d'être.

— Tu l’auras petite brindille.

— Arrête avec ce surnom, c’est trop laid !

— Tu n’as qu'à manger plus les repas que Sydney te prépare et ce surnom disparaîtra.

Je sens qu’elle se fiche de moi à l’autre bout du téléphone.

— Et arrête de me rappeler de façon indirecte que je dois trouver un boulot à mon retour c’est pas sympa, j’ajoute le sourire scotché aux lèvres.

— Je te mets face à tes problèmes !

Si seulement, elle savait...

— Je te laisse, passe le bonjour à notre tante de ma part et dis-lui pour mon absence.

— Ok, bisous.

Sur ce, elle raccroche. Je n’ai plus qu'à faire ce que je redoute le plus: mon bagage.

— À nous deux ! je m’exclame en sortant un sac de sport en bandoulière qui me servira de valise.

Je mets tout d’abord des sous-vêtements en quantité. Je ne veux pas finir comme mon congénère dans le salon. Je trouve un T-shirt en coton qui devrait faire l’affaire et un short en tissu que j’ai utilisé l’année passée pour mes vacances en Australie.

Dans la salle de bain, j’emporte une crème pour les moustiques. J'espère que ce ne seront que des moustiques qui nous attaqueront et non des bêtes plus grosses. Je m’arme également de toutes sortes de gel-douche, shampoing et déodorant. Je préfère être prudent. Whiley ne sait tout de même pas se servir d’une chasse d’eau. Je fourre dans mon sac ma boîte à lunettes, un paquet de six paires de lentilles mensuelles de secours ainsi qu’une solution saline. Quelle idée d'être bigleux pour partir à l’aventure ?

— Je ne vais pas te demander de l’aide mais je sens tes mauvaises ondes depuis l’autre bout de l’appartement, explique Whiley passant la moitié de son corps dans l'entrebâillement de la porte que j’ai apparemment laissée ouverte.

— Tu es médium ?

— Non, mais tu sens l’anxiété à des kilomètres, même un aveugle le ressentirait. Tu es sûr de vouloir partir ?

C’est moi ou il essaye d'être gentil avec moi ? Je pensais insensible à tout. Je me trompe sans doute.

— Non, hors de question de rester ici, dis-je avec aplomb.

— Bien. Si tu le dis. Je ne te promets pas de trouver ce que tu cherches.

— Je sais. Même si ça prend du temps, tu me trouveras une occupation ?

— Tu veux vraiment te rendre utile ? DIt-il croisant les bras en faisant sa mine habituelle.

— Pour une fois qu’il se passe quelque chose d’un minimum d'intéressant dans ma vie.

Il s’assoit sur mon lit. Il pose ses mains sur la couverture laissant ses bras se raidir sous son propre poid.

— Tu sais, je n'exagère pas quand je dis que tu pourrais te casser quelque chose voir même mourir.

— On en est pas là. Si je dois me battre pour avoir ce que je veux, je le ferais sans hésiter.

— Tu es bien présomptueux.

je referme mon sac.

— Tu ne me connaît pas.

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