Opale est assise dans la véranda, accoudée sur la table d'un air las. Elle tapote frénétiquement l'écran de son smartphone, absorbée par un jeu. La pièce est encombrée de vieux bibelots. À l'entrée, sur le frigo, des magnets dépareillés retiennent de vieilles cartes postales et photos de famille.

La mère fait irruption dans la pièce et s'assied à l'autre bout de la table. Elle paraît soucieuse. Sans un mot, Opale lève les yeux sur elle pour l'interroger.

LA MÈRE :

Tu sais quelque chose ?

Opale secoue la tête, sans détourner le regard. Ses yeux insistent : elle voudrait comprendre ce qu'il se passe.

LA MÈRE :

Ta sœur parle à ton père. Je crois qu'elle s'est encore fourrée dans une drôle d'histoire...

Opale baisse la tête. Elle fait mine de se concentrer de nouveau sur son jeu, mais les mouvements nerveux de ses yeux et ses lèvres pincées traduisent son anxiété. Un silence pesant règne dans la véranda. Soudain, son père apparaît dans l’entrebâillement de la porte. Ambre se tient en retrait derrière lui, tête baissée. Son visage est rougi et elle renifle faiblement.

LE PÈRE :

Vas-y Ambre. Dis-le à ta mère.

AMBRE :

Quentin, mon copain... Il n'existe pas.

Opale ôte sa main du téléphone et la laisse tomber le long de l'assise. Ses doigts se crispent et elle serre le poing.

AMBRE :

Je suis retournée vivre avec Émeric... Je croyais que ça irait, mais... (elle sanglote) Je ne peux pas partir ! Toutes mes affaires sont chez lui. Mes papiers. Mon chat. (elle s'essuie maladroitement les joues) Quand je rentrerai, il aura encore bu. Et quand il a bu...

LE PÈRE (énervé) :

On passait tous une bonne journée, Ambre...

LA MÈRE (en se levant) :

Allez, en voiture. Il faut vite aller récupérer le chat. Et après, Ambre, tu rentres à la maison.

La famille plie bagages et quitte la maison par la porte de la véranda. Alors que sa mère la referme, Opale lance un dernier regard vers le frigo. Dans sa tête, résonnent les notes du vieux tube I'm Blue, jouées au piano.

( https://www.youtube.com/watch?v=taogLty6PLI )