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Les dernières lueurs du jour s'étendaient sur les somptueux jardins. Les chants des oiseaux se mêlaient encore à ceux de la fontaine. Un petit singe courut dans une allée, grimpa à un arbre. Elise eut un maigre sourire en le voyant faire, mais les jeux du petit animal ne purent avoir raison de sa tristesse.

Assise sur un banc garni de confortables coussins, elle goûtait au calme et à la beauté qui l'entouraient. La grande et belle chambre dans laquelle elle était logée depuis son arrivée donnait directement sur les jardins et elle se souvint de son émerveillement, la première fois qu'elle y était entrée. Bien qu'étant habituée aux fastes de la Cour d'Angleterre, il lui semblait désormais que rien ne pouvait égaler la magnificence des jardins, la richesse des couleurs, des saveurs, des chants de ce pays.

Un léger bruit de pas fit battre son cœur plus vite. Etait-ce lui ? Revenait-il malgré ses dires ? Secrètement, elle l'espérait, mais le redoutait tout autant.

- Elise... Douce Elise...

Elle leva les yeux. Le prince Dashan se tenait devant elle et la regardait avec ferveur. Elle lui sourit, un peu timidement, mais sans parvenir à lui cacher la tristesse de son regard.

- Accepteriez-vous ma présence ? Quelques instants ?

- Oui..., souffla-t-elle. Oui.

Comment pouvait-elle le repousser ? Depuis qu'elle avait croisé son regard pour la première fois, elle n'avait pu ignorer l'attirance qu'il exerçait sur elle. De près de vingt ans son aîné, il était un homme accompli, prince d'un de ces petits états hindous avec lesquels la Compagnie des Indes organisait des échanges. Il était très différent des hommes qu'elle avait côtoyés jusqu'à présent. Grand, bien bâti, se déplaçant avec une souplesse et une grâce presque animale. Il avait des traits fins, un visage un peu allongé et des yeux noirs qui la sondaient et lui donnaient l'impression de tout lire en elle.

Il s'assit souplement à ses côtés, repliant une jambe sur son autre genou, et lui prit délicatement la main. Comme la première fois que leurs doigts s'étaient frôlés, elle ne put réprimer le frisson le long de son bras, faisant manquer un battement à son cœur et naître une chaleur inconnue dans tout son corps.

- Elise... Vous êtes triste, n'est-ce pas ?

Elle déglutit, puis soupira :

- Comment ne pas l'être ?

- Je le suis aussi, répondit-il. Vous m'avez accordé le plus doux des baisers, et voulant me montrer raisonnable, je ne fais qu'aggraver votre mélancolie. Je voudrais tellement vous voir sourire à nouveau et goûter aux plaisirs qui vous avaient tant ravie, lors de vos premières journées ici !

- Comme vous le dites, n'est-ce pas ce qui est le plus raisonnable ?

Il baissa les yeux un instant, puis la regarda à nouveau. Sa main quitta son poignet pour effleurer sa joue, son menton.

- Depuis que vous êtes ici, je ne trouve le repos. Mes pas me portent vers vous. Mes yeux vous cherchent tout au long du jour. Mon cœur défaille, mon corps s'enflamme.

- Prince Dashan... Je voudrais avoir le pouvoir d'apaiser vos tourments. Et les miens. Vous parler éloigne ma tristesse, mais mon cœur saigne aussi de vous savoir malheureux. Si... Si je vous accordais un autre baiser, irions-nous mieux ?

Il secoua lentement la tête. Ses doigts caressaient toujours le délicat visage. Son regard ne pouvait se détacher de l'onde bleue des yeux d'Elise, de ce bleu qui lui rappelait le ciel des matins encore frais du printemps, avant la mousson. Rares étaient les femmes de son pays à posséder une telle couleur dans le regard.

- Ce don pourrait bien ne rien apaiser, répondit-il, ni pour moi, ni pour vous. Et peut-être voudrions-nous plus encore. Un autre, puis encore un autre... Jusqu'à laisser d'autres feux dont vous ignorez tout nous dévorer.

Le bleu des yeux d'Elise se fit plus clair, plus limpide. A son tour, elle porta la main vers son visage, caressa ses lèvres auxquelles elle avait déjà goûtées, quatre soirs auparavant. Aucun plat, aussi raffiné fût-il, ne pouvait en effacer la saveur. Puis elle souffla, un peu rougissante et étonnée de son audace :

- Je crois que je préfère brûler de ce feu dévorant que me perdre dans les abîmes de la mélancolie...

Résister encore était vain, il le savait. Il laissa les doigts d'Elise dessiner les contours de ses lèvres. Elle était si délicate ! Elle éveillait en lui de si délicieuses envies ! Un désir charnel, oui, l'envie de la découvrir totalement, de la mener au plaisir suprême. Mais aussi un sentiment qu'il n'avait éprouvé que pour Nandini, sa défunte première épouse.

Puis il lui prit la main, l'éloigna de sa bouche, noua ses doigts aux siens et se pencha vers elle. Leurs lèvres s'effleurèrent un instant, celles d'Elise s'entrouvraient déjà, comme une invitation. Il ne voulut pas la faire languir plus et l'embrassa, caressant ses lèvres du bout de sa langue, puis s'invitant dans sa bouche, l'explorant avec délicatesse pour savourer chaque instant, chaque plaisir qu'elle faisait naître en lui.

Autant pour leur premier baiser, Elise avait été surprise, mais pour tout s'avouer, ravie, autant elle lui répondit maintenant avec ferveur. La première fois, elle s'était laissé envahir par les sensations délicieuses de ce baiser. Cette fois, sa langue répondait à la sienne, s'enroulait autour de la sienne, partait aussi en exploration. Même quand Dashan l'entoura de ses bras, la soulevant légèrement pour l'asseoir sur ses genoux, elle n'eut pas le moindre geste de surprise, le moindre temps d'arrêt. De délicat, leur baiser devenait plus sensuel, et la caresse des mains de Dashan dans son dos, remontant jusqu'à sa nuque, de ses doigts se glissant dans sa longue chevelure brune, l'incitait à se blottir contre lui et à s'abandonner totalement.

Lorsqu'il rompit leur baiser, Elise appuya aussitôt son front contre son épaule. La tête lui tournait un peu et le parfum légèrement boisé de Dashan ne l'aida en rien à calmer ce vertige. Elle prit conscience qu'elle était assise sur ses genoux, qu'il la tenait tendrement entre ses bras.

Et qu'elle voulait y demeurer.

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