Chapitre 61 (sensible)

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2023

Deux années de paix. Deux années de reconstruction pour chaque soldat. Deux années de traumatismes à estomper. Voisins, amis, familles, collègues, cette guerre avait laissé des stigmates que le temps effaçait petit à petit. Pour les unités W et BABYLON il en était de même. C'est dans cet état d'esprit de célébration de la vie que le groupe d'anciens combattants uni à jamais, accueillit au sein des leurs une petite Jeanne, hommage sincère et profond d'une famille à une guerrière disparue, fille de Justine et Antoine.

Les choses avaient changé. Olympe avait changé. Trois mois après le début de leur idylle, Florian et elle arrivèrent à l'anniversaire de la petite fille, les bras chargés de présents. Cassandre, Yvanka et Lola vinrent immédiatement à sa rencontre, laissant l'homme discuter avec Félix.

— Bon, rapport complet, on t'écoute ! dit sévèrement Cassandre.

Comment ne pas exploser de rire face à l'impatience et à la curiosité sans limite de son amie ? Son clan savait qu'elle fréquentait quelqu'un mais elle avait refusé d'en dire plus. Pourquoi ? Difficile à dire, elle souhaitait posséder seule ce début d'histoire et ne le partager à personne. Alors, devant l'incrédulité de ses anciens soldats, que faire ? Pour quelle raison conserver secrète cette idylle ? Pudeur ? Difficulté de se projeter ? Elle savait qu'en s'ouvrant à ses amies, l'histoire serait plus concrête, plus réelle. Etait-elle prête ? Qu'est-ce qui la retenait ? Avec douceur, elle se confia. La piscine, les rencontres fortuites, les discussions qui avaient remplacées les longueurs, puis la complicité naturelle. Bouffée d'oxygène d'une femme suffoquant dans un rôle de combattante si difficile à raccrocher, doux, gentil, drôle, cet homme sonnait presque comme une évidence.

— Presque ? tiqua Cassandre.

Pouvait-elle avouer ce qu'elle tentait de disséquer depuis plusieurs semaines seule ? La relation qu'elle entretenait avec Florian était parfaite sur le plan humain. Il savait apaiser ses angoisses et ses nombreux cauchemars, il apprenait à gérer ses sautes d'humeurs, il prenait soin d'elle à merveille, en revanche, leur relation charnelle était fade, trop fade, presque ennuyeuse. Etait-ce pour cela qu'elle n'avait pas osé parler de lui à ses amies ? Etait-ce ce frein qui l'empêchait de se projeter ? La réaction de ses confidentes fut sans appel. Lui en avait-elle parlé, interrogea Yvanka. Impossible. Comment dire à un homme qu'on aime tout de lui, sauf quand il lui fait l'amour ?

— Si pour toi c'est fade, alors pour lui aussi, c'est certain ! intervint Cassandre.

Lola et Yvanka n'étaient pas de cet avis, Justine, qui avait entendu la conversation partageait le point de vue de Cassandre. Trop timide, jamais il ne franchirait le pas, Olympe devrait en discuter avec lui, sinon, rien ne changerait. La tristesse dans le regard de ses amies la confortait dans son ressenti. Cet homme était parfait. Seulement, elle n'était pas amoureuse et ne le serait jamais.

— Tu penses encore à lui ?

Le regard avide de Cassandre ne nécessitait aucune précision sur l'identité de l'intéressé. Là encore, elle ouvrit son coeur à celles qui ne la jugeaient jamais. Elles écoutaient, comprenaient, riaient, mais jamais ne se moquaient. Après être certaine qu'aucune oreille baladeuse ne se trouvait dans les parages, elle murmura :

— Ça m'arrive oui et pas au meilleur des moments…

Parfois, il faisait une incursion dans ses pensées et rendait l'amour plus intense avec Florian. Leurs exclamations et leur manque de discrétion interpellèrent toute l'assemblée tandis qu'Olympe tentait de contenir le fard qui lui montait aux joues. Pourquoi trépignaient-elles et gloussaient-elles comme des adolescentes pré-pubères ? Réponse trouvée. Dans la direction que scrutait ses amies, Guillaume. Soubressaut ou palpitations, son coeur manqua quoi qu'il en soit un battement. Comment expliquer les sensations de son corps lorsqu'elle analysait chacun de ses mouvements ?

Florian n'était pas Guillaume. Florian ne serait malheureusement jamais Guillaume.

Rage, douleur, tout avait disparu. Le temps avait pansé les plaies les plus béantes. Le temps et Florian. Cet homme lui avait offert la meilleure convalescence. Des mois d'amitié sincère et profonde où elle n'avait pas peur de se confier. Loïc ? Désormais marié, il vivait la belle vie avec Hugo en voyageant, en participant à des soirées mondaines, à des émissions. Lui en voulait-elle ? Absolument pas. Etre en vie c'était cela aussi, profiter, s'amuser, s'enrichir de rencontres plus improbables les unes que les autres. Aussi, au moment où Olympe rencontra Florian, une place vide dans sa vie était à combler. Avaient-ils tout gâché en franchissant la limite ? N'étaient-ils pas plus puissants en tant qu'amis ? Non loin, discutant toujours avec Félix, ses yeux se posèrent sur lui. Que ressentait-elle ? Du désir ? Pas autant que lorsque ses pupilles se délectaient de son ancien capitaine. Un signe interrompit sa réflexion, son ancien sergent, l'invitait à les rejoindre à coup de prothèse jetée en l'air.

Unmin, une main... Faut dire que le destin avait tout envisagé.

Hilare, la jeune femme l'enlaça tendrement. Comment se portait le député si célèbre, l'ancien combattant au coeur tendre et à la poigne de fer, s'amusa Olympe. L'homme expliqua que son nouveau rôle était passionnant, il oscillait entre le nord et la capitale et se sentait utile. Frustré de sa blessure, il avait suivi de loin les exploits de son ancienne unité ainsi que celle de l'ancienne lieutenant et n'avait tari d'éloges à son sujet risquant presque de faire sauter l'anonymat qu'elle tenait tant à conserver. Comme il aimait à le dire, à son tour de faire sa part. En tant que membre de l'Assemblée Nationale, il oeuvrait pour la justice des anciens membres du MLF. Des associations traquaient un à un les fuyards pour les traîner devant les tribunaux et Félix leur donnait toute la visibilité nécessaire pour atteindre leur but. Guillaume s'avança vers eux et se joignit à la conversation. Debout grâce à une béquille, il se débrouillait bien. Comment ne pas croiser son regard ? Installé juste en face, comment pouvait-il être aussi attirant, presque magnétique ? Mal à l'aise, Olympe se racla la gorge, arrachant un rire bien audible à son ancien supérieur.

— Tiens capitaine, comment tu vas ?

— On va dire que contrairement à toi, moi mes facultés repoussent.

Félix avait développé une capacité hors normes de blagues en tout genre, de jeux de mots terribles, quant à sa situation de handicap. La plupart des inconnus était embarrassée mais ici, tous s'esclaffèrent. La conversation s'enchaîna et Florian interrogea Guillaume. Comment se déroulait la rééduction ? Epuisante, extrêmement physique, mais nécessaire, répondit-il avec pudeur. Fier de le voir se reprendre en main, Félix trinqua avec son capitaine. Désormais, il pourrait avancer et pourquoi pas travailler ensemble, qui sait ? Sans plus de précision et sans aucune transition, ce dernier se tourna vers Olympe. Qui était la jolie brune aux cheveux bouclés ? Et surtout, était-elle disponible ? L'audace de Félix qui s'éloignait après avoir obtenu réponses à ses questions amusa l'ancienne lieutenant. Cet homme était incroyable.

Florian, Olympe et Guillaume. Trio terrible et silence étouffant. À l'autre bout du jardin, Cassandre lui adressait un signe moqueur. Le capitaine se racla la gorge et la rappela à son éducation. Elle présenta les deux hommes, persuadée qu'ils ne se connaissaient pas et fut surprise d'apprendre que Florian avait soigné Guillaume lors de sa convalescence. Avaient-ils gardé contact ? Son supérieur savait-il pour eux deux ?

— Je ne savais pas que vous étiez proche d'Antoine et de Justine, demanda Guillaume à l'intention du médecin.

— En réalité pas vraiment, mais je suis venu avec Olympe, du coup j'en profite pour revoir mes anciens patients on dirait.

Après cette bombe, elle le sonda. L'espoir, encore, malgré tout, toujours, semblait-il. Cependant, rien. Pas une étincelle, pas un sourire, pas même une gorge chatouillée... Rien. Depuis combien de temps étaient-ils ensemble interrogea-t-il même... Elle ne connaissait rien de lui. Ils avaient fait l'amour deux fois en pleine guerre civile. Seule femme de son unité, si cela avait été quelqu'un d'autre, en aurait-il était autrement ? Comment savoir... Lasse de ressentir sa poitrine faire des soubressauts brûlants, elle s'excusa et quitta la discussion. Cette proximité était trop douloureuse. Florian l'embrassa. Sa main dans le creux de ses reins la conforta quelque peu, mais pas assez. Pas comme il aurait pu le faire, lui.

Les deux hommes discutaient tandis qu'elle tentait d'écouter Solange et Sébastien lui raconter leur tour du monde en sac à dos durant cette dernière année. Comment rester concentrée ? Impossible de le quitter des yeux. L'alcool se déversant un peu trop dans ses veines embrumait son esprit.

Une fois Jeanne au lit, la musique se lança. Félix invita Lola qui ne cessait de rire, sous le charme du charisme de son partenaire. En retrait, Olympe détaillait toujours Guillaume. Plus musclé, plus athlétique, les pectoraux saillants bombés sous son T-Shirt et les triceps contractés sur sa béquille embrasèrent sa raison.

— Ça va ?

Ses pensées lubriques bondirent. Ni une ni deux, elle posa leurs verres sur la table, agrippa la main de Florian et s'enferma avec lui dans la salle de bain. Mots secs, brutaux, un ordre : qu'il s'assoie. Porte verrouillée. Combinaison baissée. Poitrine dévoilée. La bête affamée prit place sur ses cuisses et se frotta avec avidité.

— Ça va ?

— Chut.

— Mais...

S'il parlait trop, ça ne serait pas pareil. Une main plaquée sur sa bouche, Olympe poursuivait ses ondulations puissantes. En écho, Florian posa les siennes sur son corps et régula la fréquence de son bassin. Son membre s'éveillait au rythme de ses fesses. Ses mains ? Celles de Guillaume, sa bouche ? La sienne. Sa langue aussi. Sans préavis, elle s'enfila sur lui et exulta. Le voir ce soir réveilla un animal insatiable qui se délectait de chaque centimètre du sexe qui dansait en elle. La panthère savourait le frottement de sa peau contre l'étoffe de son partenaire. Son esprit cherchait à se rassasier. Divine gourmandise. Ses mains brûlaient sa peau, sa bouche épicée enflammait la sienne. Ses hanches comblaient cette faim, son bassin dévorait sa queue encore et encore. Les souvenirs des deux nuits se répandirent sur l'écran de ses paupières. Lui. Elle. Son corps. La lionne perdue dans ses pensées, rugit de plaisir et s'immobilisa. Elle se lova ensuite quelques instants dans les bras de son partenaire, paupières toujours fermées.

— Et ben, dis moi ! C'était quoi ça ? demanda le jeune homme pendant qu'ils se rhabillaient.

Parenthèse fermée. Fin du fantasme. Que répondre ? Elle mentit.

— Je sais pas. J'avais envie de toi. On y retourne ? Ils vont se demander où on est passé.

Elle l'embrassa et quitta la pièce. Fuir. Comment pouvait-elle faire cela à cet homme si bon ? Le dégoût l'envahit. Elle ne culpabilisait pas de son acte, au contraire, son corps s'était régalé. Elle culpabilisait seulement de s'être servie de lui.

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