Chapitre 4

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Désormais, seule une dernière bulle d'oxygène persistait dans les abysses de sa vie. Le travail. Ses collègues la sommaient de se mettre en arrêt mais pouvaient-ils comprendre que rester chez elle à temps plein, n'était nulle autre qu'une abominable sentence de mort ? Se noyant ainsi dans ses propres pensées, un tintement caractéristique lui arracha un faible sourire. Depuis quand cette sonnette n'avait-elle pas retenti ? En pyjama, dans le lit, tentant d'oublier la place vide qui trônait tout à côté, Olympe s'imbibait des nouvelles de la région toutes plus glauques et sombres que la veille. Pourquoi continuait-elle à les lire ? Pour nourrir la bête, sans doute.

— Madame Warenghem, ouvrez s'il vous plaît.

Cette voix, calme et autoritaire, la jeune femme s'en souvint immédiatement. Résignée, presque soulagée, elle se dirigea vers la porte, chaque pas allégeant l'angoisse qui étouffait sa poitrine depuis ces cinq mois. Elle allait payer pour l'exécution. Qu'il en soit ainsi, elle ne regrettait rien. Rideau tiré, le soleil inonda la pièce et l'éblouit un court instant. Dernière journée magnifique, pensa-t-elle.

En civil, non armé et sans menottes, difficile de croire qu'il était là pour l'arrêter. Lui laisserait-il le temps de se préparer ? Une fois la porte ouverte, l'homme se racla la gorge et se présenta en bonne et due forme. Un rictus ressemblant à un sourire traversa son visage un court instant. Pensait-il vraiment qu'elle l'aurait oublié ?

— Je savais que vous viendriez. Je vous attendais. Entrez.

Elle l'invita à le suivre et lui demanda la possibilité de se changer. Hors de question qu'elle quitte son foyer en pyjama, telle une vulgaire criminelle ! En roue libre, presque mécanique, elle lui proposa ensuite à boire. L'homme opta pour un thé bien qu'à cet instant, Olympe aurait envisagé un breuvage légèrement plus fort. Dernière journée en liberté, ça se fêtait, non ?

Devant cette présence masculine dans sa maison, la mélancolie, vieille amie de la veuve s'invita sans crier gare agitant le creux dans sa poitrine. Elle tenta de refouler son souvenir loin, très loin, et de lutter contre le fantôme de Louis, mais malgré tout il continuait de la hanter. Au moins, il était encore là, en quelque sorte, pensait-elle fataliste. Un court instant, tandis que l'eau chauffait, elle divagua même et imagina qu'il s'agissait de lui. Que lui ferait-elle ? La tête posée sur son dos, les mains contre son torse, elle l'enlacerait dans une ultime excuse, encore, toujours. Olympe se ressaisit. La tristesse se gérait seule, sa souffrance lui appartenait, hors de question de partager tout cela. Qui comprendrait ?

Un tiroir, deux mugs, sachet de spéculoos, vu la tournure de la journée, il serait préférable d'avoir l'estomac un minimum rempli. De tels préparatifs sortirent le lieutenant de sa contemplation du jardin. Il s'installa à table. Le silence fut long, lourd et intense, mais elle était prête. Les oiseaux chantaient, les arbres murmuraient au rythme de la caresse du vent. Oui, plus rien ne la retenait ici. Quel serait le déroulement des événements ? L'homme se racla la gorge, leva les yeux de sa tasse et les planta dans les siens.

— Voilà, vous ne pouvez le nier, le pays va mal. La violence fait partie intégrante de notre quotidien désormais et les professionnels censés faire respecter l'ordre sont débordés. On ne peut pas se battre sur deux fronts, celui de la crise sanitaire et celui de la guérilla. Nous sommes à bout, annonça calmement Guillaume. J'ai été approché par une organisation qui a pour but de monter une milice. Les moyens sont colossaux, cette dernière est financée par des philanthropes de renom, des entreprises, et même des personnalités politiques hauts placées. Ce groupe a la possibilité matérielle de lutter contre le MLF qui sème la terreur sur tout le territoire et plus particulièrement dans le nord du pays mais ce qui leur manque, ce sont les combattants prêts à tout. Je suis chargé de monter une section armée qui débutera ses actions ici, dans la région.

Elle écoutait sans comprendre. Que faisait-il chez elle ? Une énième milice ? La première n'avait-elle pas fait assez de tort ? Marquant une pause, il but une longue gorgée. Curieuse, Olympe s'impatientait. Elle ne pouvait le nier, la torpeur dans laquelle son corps s'était enfermé se levait doucement à mesure que l'individu parlait.

— J'ai quitté la gendarmerie deux jours après les événements de Mars. Toute cette mascarade... C'était devenu trop pour moi. J'ai rejoint ce nouveau mouvement et j'aimerais vous recruter au sein de mon équipe.

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