SOUVENIRS D'UNE MARÉE

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 Après une certaine réflexion, je crus comprendre que ce que je voyais n’était donc pas, mais en réalité une simple illusion abstraite projetée par mon esprit dans la vaine espérance de trouver une échappatoire.

Cette Vérité foudroyante mit soudainement mon monde sans dessus-dessous, avant de disparaître dans la chaude nuit noire d’été. Je sus alors immédiatement ce que je devais faire pour sortir du tranquille enfer où je m’allais enfermer. La Vérité me glissait entre les doigts et j’avais un ardent désir de la rattraper. Seulement l’atteindre était tout ce que j’avais à faire, une tâche simple, aisée. Je devais juste ne pas l’oublier.

Tout ceci me parut finalement une affaire bien imposante, et sans savoir pourquoi, je me trouvai comme submergé par un inexplicable sentiment de fuite.

La marée monta.

La marée monta et moi, je n’avais pas de chaussures. Alarmé, je m’ancrai dans la vase d’un mensonge tenace qui refusait de me quitter. Je sentis alors que quelque chose m’échappait. Mais j’étais bien trop concentré sur la lourde tâche de sauver mes chaussettes de la houle pour m’en préoccuper. Je les glissai dans mes poches. Curieusement, elles me sortirent aussitôt de l’esprit.

La marée monta à nouveau, je la sentis engloutir mes chevilles nues, s’abattre contre mes genoux. Elle ne fit preuve d’aucun amour lorsqu’elle caressa mes cuisses et cajola mon ventre et pourtant…

Je crois perdre la tête lorsqu’elle se saisit délicatement de mes doigts, comme désolée d’être si brusque de ses mouvements. Je ne peux me retenir de la rassurer. Qu’elle est douce quand elle dépose ses lèvres contre mon cou. Elle m’enlace. Je me laisse emporter, lassé de mes échecs, de mes tentatives d’aller contre le courant.

À la dérive, je la laisse s’emparer de moi. Je crois qu’elle a peur. Je le sens quand elle m’étreint. Peur que je m’en aille. Elle m’attrape amoureusement la tête. Peur que je disparaisse comme cette Vérité que j’ai laissée partir. Et avec la plus grande douceur, elle dépose un secret dans le creux de mon oreille. Peur que je me réveille. Je l’embrasse, terrorisé.

Ce secret, c’est la Vérité qui me l’a dérobé.

J’agrippai désespérément mes draps froissés, espérant en retour un quelconque présent imitant la passion de celle que j’avais lâchement abandonnée. Détestablement, mon lit resta muet et se refusa à la moindre mobilité. Un âpre dégoût me brutalisa, et me laissa incapable de bouger pendant un temps qui me sembla une éternité.

Je restai parfaitement immobile, tentant de graver au mieux chacun de ses fragments au plus profond de mon esprit. Mais déjà ma mémoire me faisait défaut. Épouvanté, je me rendis compte que j’aurai bientôt oublié, oublié ses vagues formes, sa petite odeur salée et son tempérament pacifique.

Profondément ému, et probablement dans l’espoir vain et stupide de retrouver cette dernière touche, ce souvenir, ce secret, je léchai au passage une de ces larmes qui me montaient irrémédiablement aux yeux. Le goût de celle-ci fut le dernier baiser de celle que je ne méritais pas.

Ce fut finalement un rayon de soleil perçant ma rétine qui me fit oublier et qui m’obligea à me lever.

Sans aucun doute, ce qui me terrifie, bien plus que de ne pas me réveiller, c’est de ne jamais plus pouvoir rêver.

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