RÉUNION DE FAMILLE

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(À l’hôpital, Carole est au chevet de son père, Philippe. Elle le regarde avec douceur et patience. Le doux son régulier de la machine signifiant le battement de son cœur rythme la scène.

Victoire entre, elles s’enlacent)

VICTOIRE. Je suis venue aussi vite que j’ai pu. Papa ?

CAROLE. Il dort. Une fausse alerte apparemment.

VICTOIRE. Dieu merci. Qu’est-ce qui s’est passé au juste ?

CAROLE. Son cœur s’est arrêté, mais les infirmiers ont vite réagi, il va bien maintenant.

VICTOIRE. Oh, papa. (elle lui attrape la main les yeux mouchetés de larmes) Mon papa…

CAROLE. …Victoire, dis-moi.

VICTOIRE. Oui ?

CAROLE. Tu as vu maître Talandier ?

VICTOIRE. Il m’a appelé cet après-midi pour parler du testament. Qu’il aille au diable ! Papa n’est pas encore mort que je sache.

CAROLE. Oui, mais… cela fait tout de même quelques jours qu’il n’a pas ouvert les yeux. Et avec tout ce qui s’est passé récemment c’est normal qu’il/

VICTOIRE. Carole ! Comment tu peux dire une chose pareille ? Et s’il t’entendait ? Ne t’inquiète pas mon papa, elle ne pense pas ce qu’elle dit.

CAROLE. Tu as sûrement raison, oui. Pardonne-moi. Tiens, tu veux un peu de chocolat ?

VICTOIRE. Non, non je n’ai pas faim. Je vais chercher quelque chose à boire, tu veux quelque chose ? Un café ?

CAROLE. Un café, oui, je veux bien.

VICTOIRE. Je reviens tout de suite ma douce. (elle sort.

Après un court moment, Carole jette le chocolat d’un air défait. Son téléphone sonne)

CAROLE. Allô ? Oui, c’est bien moi. Quoi ? Vous êtes sûrs ? Oh mon Dieu… (Victoire entre) Oui, oui bien sûr. Mon Dieu. Merci…

VICTOIRE. Qu’est-ce qu’il y a ?

CAROLE. C’est Geneviève… (elle fond en larmes)

VICTOIRE. Oh, ma belle, qu’est-ce qui se passe ?

CAROLE. La Police vient de m’appeler. Ils l’ont retrouvée morte !

VICTOIRE. Oh mon Dieu ! morte ? Quelle horreur. Tiens, prends ton café.

CAROLE. Non, non merci, je ne peux pas. Oh mon papa, que de malheurs. (Victoire jette le café d’un air défait) D’abord Marie, puis Jean… et maintenant Geneviève.

VICTOIRE. Quelle tragédie. Je ne pensais pas qu’elle serait du genre à se pendre…

CAROLE. Et puis Olivier, Boris et Hugo. Vivienne aussi et—Pendre ? Victoire. Comment tu sais qu’elle s’est pendue ?

VICTOIRE. Hein ? Eh bien, tu viens de me le dire.

CAROLE. Je n’ai pas dit qu’elle s’était pendue.

VICTOIRE. Ah bon ? Ah… une intuition alors haha.

CAROLE. (horrifiée) C’est toi !

VICTOIRE. Moi ?

CAROLE. C’est toi ! Tu savais ! Tu- tu l’as tuée !

VICTOIRE. Enfin Carole qu’est-ce que tu racontes, enfin non.

CAROLE. Tu l’as tuée ! Tu l’as toujours détestée et maintenant tu l’as tuée, juste pour avoir sa part sur l’héritage de papa !

VICTOIRE. Quoi mais enfin Carole mais c’est n’importe quoi, je ne l’aimais pas d’accord mais tu crois vraiment que j’irais jusque chez elle et que je la pendrais dans son salon juste pour faire passer ça pour un suicide ?

CAROLE. Comment tu sais que c’était dans le salon ?

VICTOIRE. C’est là où il y a le plus haut plafond mais—écoute enfin c’est ridicule !

CAROLE. À l’aide ! Police !

VICTOIRE. Carole ça suffit ! calme-toi ! tais-toi. Sinon—sinon je leur dis tout.

CAROLE. Tout ?

VICTOIRE. Je sais tout.

CAROLE. Sur quoi ?

VICTOIRE. Sur Pierrick.

CAROLE. Quoi ? Mais enfin Victoire qu’est-ce que tu racontes ? Enfin non— Quoi mais enfin Victoire mais c’est n’importe quoi, je sais bien que c’était étrange mais de là à dire que c’est moi qui ai coupé ses freins, c’est de la folie.

VICTOIRE. Freins ? Comment tu sais que ses freins étaient coupés Carole ?

CAROLE. Hein ? Eh bien je l’ai lu dans les journaux, voilà tout.

VICTOIRE. Tout le monde pensait que c’était un simple accident.

CAROLE. Ah bon ? Ah… une intuition alors haha.

VICTOIRE. Petite garce. C’est toi qui l’as tué ! Mais c’est que tu caches bien ton jeu !

CAROLE. Je croyais que tu savais/

VICTOIRE. Que vous couchiez ensemble avant sa mort, je/

CAROLE. Ah ! Coucher avec mon beau-frère enfin quelle horreur. Je me rapprochais simplement de lui pour me faciliter la tâche. Marie n’arrêtait pas de poser des questions alors j’ai dû… Tu ne veux pas un peu de chocolat ?

VICTOIRE. Tu les as tués tous les deux ? Et pour quoi ? Quelques parts de l’héritage ?

CAROLE. Ne fais pas l’innocente, tu crois que je ne sais pas que tu as poussé Jean au suicide ?

VICTOIRE. Jean ? Et alors ? Il ne manquera à personne et surtout pas à toi. Qui sait ? je l’ai sûrement sauvé de bien pire. Vivienne, c’était toi, pas vrai ?

CAROLE. Qu’est-ce que ça peut faire ? Elle était insupportable. Elle méritait pire que ce qu’elle a eu. Et tu pourrais me remercier.

VICTOIRE. Te remercier ?

CAROLE. Si tu ne t’étais pas débarrassée aussi gauchement de Jérôme, elle n’aurait pas commencé à fouiner comme elle l’a fait.

VICTOIRE. Tu es folle.

CAROLE. Je pense à tout.

VICTOIRE. Moi qui te croyais si digne, si fragile. Mais tu les as tous tués. Olivier, Antonia et Hugo, c’était toi aussi.

CAROLE. Ne me regarde pas comme ça. Tu as bien tué Juliette et Boris, toi.

VICTOIRE. Alors là non. Boris je veux bien, mais ne commence pas à rejeter la faute sur moi. Juliette c’est toi !

CAROLE. Ah non, Juliette ce n’est pas moi.

VICTOIRE. Si ce n’est pas toi non plus alors c’est qui ?

(un temps)

CAROLE. Au moins je n’ai pas fait ça que pour de l’argent.

VICTOIRE. Salomé ça n’était pas pour de l’argent.

CAROLE. Victoire, la fille à papa si parfaite qui tue sa famille pour un peu d’argent, c’est pathétique. Tu es pathétique, toi et ton nez parfait, ta bouche parfaite et ton nom parfait.

VICTOIRE. Et alors quoi, tu vas me tuer moi aussi, c’est ça ?

CAROLE. Au moins je n’essaierai pas de t’empoisonner avec un vulgaire café !

VICTOIRE. Et ton foutu chocolat alors ? Il est bio ?

CAROLE. Pauvre conne.

VICTOIRE. Sainte nitouche.

CAROLE. Traînée.

VICTOIRE. Salope.

CAROLE. Pauvre pute.

VICTOIRE. Ta gueule !

CAROLE. Attends. Tu as vraiment tué Geneviève ? Comment tu as fait ?

VICTOIRE. J’ai séduit son infirmier pour qu’il me laisse les clefs de chez elle, puis je l’ai étranglée avec la corde que j’ai utilisée pour la pendre. C’est toi qui as fait disparaître Yvette ?

CAROLE. Oui. Je me suis rapproché de son fils, Georges, tu sais, le petit attardé. Je me suis bien occupé de lui, j’ai été patiente, douce. Elle a voulu me remercier, alors elle a commencé à m’inviter à ses soirées, à vouloir que je rencontre ses invités. J’ai rejoint son club de bridge. Et j’ai retourné ses amis contre elle. J’ai supprimé ceux qui lui restaient fidèles, tous. Et elle s’est retrouvée seule, toute seule. J’étais sa seule amie. Je l’ai emmenée en balade dans la campagne. Je l’ai emmenée au milieu d’un champ. Et je lui ai tout dit. Je lui ai dit « c’est moi. C’est moi qui ai retourné Jacques, Brice, Hector, Jeanne, Pascale et Marguerite contre toi. C’est moi qui ai tué Tristan, Patrick, Rachel, Amélie, Louis, Barbara, Pauline… Je les ai tous tués. » Et j’ai éclaté son crâne avec une barre de fer. Elle bougeait encore. Alors je l’ai frappé, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle ne bouge plus. Je l’ai déshabillée. J’ai étendu son corps sur une bâche et je l’ai découpé en tout petits morceaux avec une scie à bois. J’ai allumé un grand feu. Et pendant que la bâche et les vêtements brûlaient, j’ai glissé ses morceaux dans un bac rempli d’acide. Je me suis lavé les mains, j’ai allumé une cigarette, et j’ai attendu. Jusqu’à ce qu’il n’en reste rien.

(un temps)

VICTOIRE. Et Marie ?

CAROLE. Je l’ai poussée dans un ravin et j’ai appelé les secours.

VICTOIRE. C’est tout ?

CAROLE. Ça suffit.

VICTOIRE. Quelle conne cette Marie.

CAROLE. Tu sais… dix millions, ça se divise bien en deux parts.

VICTOIRE. Une maison fixe, une maison de campagne…

CAROLE. Pratique.

VICTOIRE. Finalement il ne fallait que ça. Couper la poire en deux.

CAROLE. Oui, en trois, c’est trop compliqué.

(une femme entre, voit Philippe, s’avance à son chevet)

FRANCOISE. Oh non… Philippe. Philippe. Il m’entend ? Oh, Philippe. Papa. C’est moi, c’est ta fille. Françoise. Je t’ai retrouvé comme on se l’était dit, tu te souviens ?

(Carole et Victoire se regardent. Sourient)




à Théophile 

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