UNE BELLE JOURNÉE

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  Il faisait froid, je m’en souviens. J’avais froid. Je pouvais voir la buée quand je respirais. Mais il fallait que ce soit discret, alors il m’a fait attendre dehors. C’était quand même agréable malgré le froid parce qu’il faisait beau. Y’avait du soleil et du ciel bleu, c’était une belle journée. Finalement il m’a fait rentrer, mais il voulait rien me donner. Parce que j’étais qu’une petite fille et que c’était trop dangereux. Il avait peur pour moi mais moi j’avais pas peur. Alors je lui dis : Rien à faire. Après ce qu’il a fait à Margot il peut pas s’en tirer comme ça. J’ai demandé à Hugo, j’ai demandé à Fabien ils m’ont dit non, trop dangereux. Tu veux pas le faire, personne veut le faire mais moi je vais le faire. Alors tu me prêtes ton vélo et Oscar. Après ça il m’a rien dit, il m’a donné ce que je lui demandais et c’est tout.

  Je suis montée sur le vélo, et j’ai longé le fleuve. Il faisait beau, y’avait du monde dehors, beaucoup de monde. C’était vraiment une belle journée. J’ai rejoint le pont rapidement, et je l’ai vu. Il était là avec ses copains il rigolait. Ça m’a un peu frappé qu’il soit là comme ça, comme si de rien n'était. Alors je suis allée sur le pont avec mon vélo et j’ai mis pied à terre. Et j’avais qu’une envie c’était de lui rendre ce qu’il lui avait fait en mille. Alors je me suis avancée, sans rien dire, je me suis avancée sans me cacher. Je crois qu’il m’a reconnue parce qu’il a sorti son couteau. Il voulait même pas me faire du mal je l’ai bien vu dans ses yeux qu’il le sortait pas pour me faire du mal, il voulait juste me faire peur. C’était pas lui qui était vraiment dangereux, c’était son père, lui il avait pas besoin de faire les choses qui fâchent, juste de faire peur. Mais moi je m’en fichais, je l’ai pris de ses mains et je l’ai jeté loin. Je l’ai même pas utilisé, je l’ai juste jeté. Et puis j’ai vu sur sa gueule, il était pas serein. Il tremblait de partout. Moi ça m’a fait plaisir, je me suis dit, ça y est, c’est bon, tu vas prendre ce que tu mérites. Et je lui ai donné. J’ai hésité. Je me suis dit, d’abord les couilles. Mais j’avais vu ça commençait à couler, il avait déjà mouillé son froc. Ça me faisait chier de frapper là où y’avait de la pisse. Je voulais juste pas mettre de la pisse sur ma jambe. Alors je l’ai juste frappé. Je l’ai frappé fort, juste une droite pour commencer. Mais vu que j’ai hésité, le coup est mal parti. Ça a frappé moins fort que prévu. Juste assez pour que ça fasse du bruit et que ce soit impressionnant de l’extérieur, je l’ai bien vu, les autres ils étaient impressionnés, mais pas assez pour lui faire vraiment mal. Mais là il a mal réagi le con. Je l’ai vu dans ses yeux, sur son visage. Il a pensé que finalement, il pouvait s’en tirer. Il a même du penser que j’allais pas vraiment le faire. Après tout, il est plus vieux que moi, j’ai beau être grande, il pourrait répliquer, juste pour faire le fier. J’ai pas eu peur. J’ai juste pas eu envie qu’il pense qu’il avait une chance. Alors là je lui ai attrapé le col, pour être sûr de bien l’avoir ce coup-ci, je lui ai attrapé le col, et puis je l’ai frappé en plein dans son nez. Là je sais que le coup est bien parti parce que y’a eu du sang. Il a un peu crié, mais c’est surtout ses copains, c’est eux qui ont eu le plus peur pour lui. Je sais qu’ils ont eu peur parce qu’ils ont pas osé me toucher, après, quand j’avais terminé. Mais vu que je tenais toujours son col je me suis dit, je vais finir ça bien. J’ai attrapé sa nuque, et j’ai refrappé, un peu plus bas. Normalement faut pas viser là, c’est trop dur, et j’aurais pu me faire mal sur ses dents. Mais je sais pas trop comment, je me suis bien démerdée. Il est tombé tout sec. Je sais vraiment pas si c’est ce coup-là ou si c’est quand il s’est heurté à la rambarde, mais c’est dans ces eaux-là qu’il a cassé sa dent. Il était par terre, j’ai attendu qu’il se relève. Il s’est pas relevé, ça m’a énervé alors je l’ai frappé. Juste un coup de pied dans le ventre pour qu’il se relève. Il était éveillé, il me regardait avec des yeux apeurés. Il avait une main sur son visage, il a commencé à pleurer. Et ça, ça ça m’a vraiment énervé. Je lui ai dit pleure pas. Il voulait pas s’arrêter de pleurer alors que je lui ai dit pleure pas. Et comme aucun de ses copains n’a essayé de m’arrêter, alors j’ai sorti Oscar. Je lui ai redis, je lui ai redis pleure pas mais il voulait pas s’arrêter. Alors je l’ai pointé sur lui, Oscar. Il a mis sa main, comme pour se protéger, ou pour m’implorer, je savais pas bien. Je l’ai armé, et je me suis dit qu’il allait avoir que ce qu’il méritait. Tu fais pas ce qu’il a fait pour aller rigoler avec tes copains sur le pont du coin. Mais ça m’énervait qu’il soit déjà par terre sans défense, alors que je voulais que ça soit plus impressionnant que ça. J’ai commencé à avoir peur de pas pouvoir le faire. Alors je me suis répété plusieurs fois que c’était ce qu’il fallait faire, et donc je l’ai fait.

  Sur le moment ça m’a surpris parce que ça a fait beaucoup de bruit. Je m’attendais à un petit bruit de pétard, mais ça a fait comme une explosion dans ma main. Et puis y’a un peu de sang qui m’est tombé dessus, c’était tout chaud, mais pas brûlant. Ça m'a beaucoup embêté parce que je tenais au manteau, et là il était tout trempé de rouge. J’avais lu plein de livres où les gars se faisaient descendre par balle, mais là c’était pas pareil. Il respirait encore et il avait pas l’air bien. Je savais pas trop ce qu’il fallait que je fasse. J’ai regardé autour de moi, ses copains s’étaient écartés et les passants s’étaient arrêtés. Personne bougeait autour de moi c’était bizarre, parce que je me sentais bouger, moi. Je respirais fort, comme si je venais de faire un effort, et j’avais moins froid que tout à l’heure. J’avais même un peu chaud. J’ai regardé plusieurs personnes dans les yeux mais personne m’a dit quoi faire. Je me suis dit si je laisse ça comme ça ils vont le sauver, et après il pourra recommencer. Alors j’ai réarmé Oscar, j’ai appuyé à nouveau sur la détente et voilà. Là ça m’a moins surpris parce que je savais à quoi m’attendre. Je sais pas pourquoi quand même, j’avais l’impression d’avoir raté quelque chose, parce que j’étais sûre que ça allait me faire beaucoup de bien, mais finalement j’ai même pas souri quand il a arrêté de bouger. Ça m’a un peu troublée parce que je savais pas si j’avais bien terminé. J’ai même pas eu le temps de lui dire pourquoi je faisais ça. Ça faisait juste violence gratuite fait comme ça. Mais ça l’était pas. C’était justifié. C’était mérité.

Je crois l’un de ses copains a commencé à courir à ce moment là. Et là les choses sont allées très vite parce que selon s’il prévenait son père ou la police ça se terminerait de manière très différente. Alors je l’ai visé avec Oscar, et tout le monde s’est mit à crier. Je m’attendais à une troisième détonation mais y’a rien eu. Je sais pas vraiment si le problème venait de moi ou d’Oscar mais dans le doute, je l’ai juste jeté par-dessus le pont. J’ai pas vraiment couru, j’ai juste marché pour récupérer mon vélo. Je suis remontée dessus, et puis je me suis mise à longer le fleuve à nouveau.

  C’était agréable parce qu’il faisait beau. Y’avait un beau ciel bleu et des beaux nuages.

  C’était vraiment une belle journée.




Hommage à Madeleine Riffaud

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