LE VÉRITABLE AMOUR

5 minutes de lecture

 (un homme entre dans un bar, il est trempé. On entend la pluie dehors. Il commande un verre au bar, puis remarque une jeune femme en habits très chics assise seule sur un tabouret. Leurs regards se croisent, plusieurs fois. Ils sourient. Après un court moment d’hésitation, il s’avance vers elle. Au moment où il s’apprête à parler, elle lui coupe la parole)

ELLE. Vous êtes trempé.

LUI. Vous êtes complètement sèche. Vous n’êtes pas sortie cet après-midi ?

ELLE. Non. Il pleuvait, pourquoi serais-je sortie ?

LUI. Comment avez-vous fait pour arriver jusqu’ici sans vous mouiller ?

ELLE. J’ai mes manières.

LUI. Que buvez-vous ?

ELLE. Un whisky.

LUI. Un whisky ?

ELLE. Oui, cela vous surprend ?

LUI. Pardonnez mon indélicatesse, je vous pensais…

ELLE. Une femme à cocktail ? Du genre à siroter un Lady Blue sagement dans un coin du bar, attendant d’être abordée par un riche gentleman ?

LUI. Non, enfin oui. Pour le cocktail. (elle sourit) Vous habitez en ville ?

ELLE. Pas vraiment.

LUI. Moi non plus.

ELLE. Voyez-vous ça ?

LUI. Je suis en déplacement. Je suis arrivé il y a trois jours.

ELLE. Où allez-vous ?

LUI. Nulle part en particulier. Je vais là où le vent m’emmène, chaque jour après l’autre.

ELLE. Et vous avez été mené jusqu’ici.

LUI. Oui, les voiles de mon navire ont décidé de se reposer dans cette ville.

ELLE. Vous voyagez beaucoup ?

LUI. Oui. J’ai fait bien des pays et compte en faire bien d’autres.

ELLE. D’une certaine manière, vous êtes… un vagabond ?

LUI. Ce n’est pas à mon habitude, mais je suis bloqué ici à cause de la pluie.

ELLE. Donc quand la pluie s’arrêtera, vous partirez ? (longue pause, il la regarde droit dans les yeux)

LUI. Secrètement, j’espère que la pluie ne s’arrête jamais. Si elle continue, je pourrais rester ici pour toujours. (elle rit doucement) Vous riez ?

ELLE. Oui.

LUI. Qu’y a-t-il ?

ELLE. Vous me faites rire.

LUI. Je suis pourtant sérieux.

ELLE. Est-ce moi qui vous inspire tant de poésie ?

LUI. Oui. Cela vous dérange ?

ELLE. Non.

LUI. Je vous attire ?

ELLE. Je vous trouve distrayant.

LUI. Je prends.

ELLE. En voilà un plein de confiance en soi.

LUI. Je ne devrais pas ?

ELLE. Je n’ai pas dit ça. Je me suis souvent fait aborder, mais vous êtes le premier à tenir aussi longtemps sans m’offrir un verre.

LUI. Cela peut toujours s’arranger.

ELLE. Inutile, mon verre est plein.

LUI. Et quand il sera vide ?

ELLE. Pour quelqu’un qui vit au jour-le-jour vous vous souciez beaucoup du futur.

LUI. Vous êtes belle.

ELLE. Vous me l’avez déjà dit.

LUI. Non, je ne pense pas.

ELLE. Si. Dans vos yeux. Dans vos actes. Vous hurlez ce commentaire depuis votre arrivée.

LUI. Je le pense vraiment.

ELLE. Pourquoi devrais-je m’en soucier ?

LUI. Car je vous attire.

ELLE. Vous me distrayez. Ça aussi, je vous l’ai déjà dit.

LUI. Pourquoi tant de froideur ?

ELLE. Vous me trouvez froide ?

LUI. Je vous trouve distante.

ELLE. Je ne connais pas même votre nom et pourtant je ne rejette ni vous, ni votre conversation, ni vos avances. Si je suis froide alors je ne sais que dire. Je vous conseille la cheminée, elle vous comblera de toute la chaleur que vous puissiez désirer. Je vous arrête, votre nom ne m’intéresse pas.

LUI. Vous êtes dure avec moi.

ELLE. Le grand vagabond se révèle être une petite chose fragile, qui l’eut cru ?

LUI. Excusez-moi.

ELLE. Je vous excuse.

LUI. Je ne sais ce que je dis, vous me troublez. Pouvons-nous revenir en arrière ?

ELLE. Je vous l’ai dit, je vous excuse.

LUI. Puis-je vous tutoyer ?

ELLE. Non.

LUI. Puis-je connaître votre nom ?

ELLE. Non.

LUI. Alors que puis-je savoir de vous ?

ELLE. Vous pouvez me demander ce que je fais ici, seule.

LUI. Puis-je vous demander ce que vous faites ici, seule ?

ELLE. J’attends la fin de la pluie.

LUI. Nous nous trouvons donc dans la même situation.

ELLE. Détrompez-vous. Nos situations sont très différentes. J’attends de rentrer chez moi et vous n’attendez rien si ce n’est que je ne tombe dans vos bras.

LUI. Jamais je n’oserais.

ELLE. Cessez-donc. Les « vagabonds » dans votre genre sont bien tous les mêmes. Vous voyagez, non pas pour découvrir le monde, mais pour découvrir des conquêtes. Votre problème n’est pas la pluie mais le manque d’engagement. Ce n’est pas un mal en soi, rassurez-vous, mais il est inutile de mentir.

LUI. Je vous jure sur tout ce qui m’est précieux en ce bas-monde que mon intention est tout autre.

ELLE. Jurez donc.

LUI. N’y a-t-il rien qui puisse vous convaincre ?

ELLE. Vous vous égarez mon cher.

LUI. Je ne comprends pas.

ELLE. Il n’y a rien à comprendre. Vous désirez une chose et j’en désire une autre. Nos chemins se séparent ici.

LUI. A quoi rime tout ceci alors ?

ELLE. Tout ceci ?

LUI. Cette connexion qu’il y a entre nous.

ELLE. Il n’y a pas de connexion entre nous.

LUI. Non, vous la sentez, je le sais.

ELLE. … (le son de la pluie se fait sourd)

LUI. Votre verre est vide.

ELLE. La pluie s’est arrêtée.

LUI. Non, je l’entends encore.

ELLE, se levant. Malheureusement c’est ici que je descends.

LUI. Ne pouvez-vous pas rester encore un peu ?

ELLE. Pourquoi le devrais-je ?

LUI. Pour moi.

ELLE. … (elle met son chapeau) Vous êtes attachant. Imbécile, mais attachant.

LUI. Je prends.

ELLE. Vous revoilà plein de confiance. Vous n’avez pas besoin de moi pour continuer votre route.

LUI. Ma route s’est arrêté lorsque je vous ai rencontré.

ELLE. Quelle fin abrupte.

LUI. La ligne enflammée de mon voyage est arrivée à un terminus haletant quand votre regard a croisé le mien. (elle rit doucement) Vous riez ?

ELLE. Oui.

LUI. Mais je suis pourtant sérieux.

ELLE. C’est que, voyez-vous, plus personne ne parle comme cela désormais.

LUI. Et pourtant.

ELLE. Toujours persuadé de cette connexion entre nous ?

LUI. Toujours. Tant que l’espoir subsiste, je resterai confiant.

ELLE. Alors laissez-moi vous aider. (elle s’approche de lui, l’enlace de manière lente et sensuelle, approche son visage du sien, et s’apprête à l’embrasser. A la place, elle approche ses lèvres de son oreille et susurre) Je ne coucherai pas avec vous. Vos lèvres ne toucheront jamais les miennes. Et nos chemins ne se recroiseront plus jamais. (elle se redresse, sourit) Bien. C’était un plaisir. Adieu !

(elle sort)

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire DINA ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0