Pispaparla

2 minutes de lecture

La sorcière Pispaparla ne venait au village qu’une fois par an.

Tout le monde attendait impatiemment sa venue car elle n’avait pas son pareil pour raconter des histoires féeriques, le soir à la veillée.

Elle savait tenir son auditoire en haleine, étirait son récit jusqu’aux limites du point de rupture, et l’illustrait d’étranges phénomènes grâce à ses fabuleux pouvoirs magiques.

Ses contes et légendes emportaient les villageois sur des chemins de rêves peuplés de fées joyeuses qui piétinaient leurs soucis d’avenir, avant de les jeter brutalement dans de diaboliques terreurs dont ils ne pouvaient sortir que par une intervention chevaleresque ou divine.

L’auditoire frémissait comme un ventilateur électrique mais il ne pouvait pas le savoir, ce dernier n’ayant pas encore été inventé.

Le plus souvent, dénouement et dénuement se confondaient, laissant les héros pauvres comme Job avant l’invention de son papier à cigarettes. L’auditoire restait alors immobile et sans voix, un peu comme la poupée d’un ventriloque quand le ventriloque est parti boire à la taverne en l’abandonnant.

 

Cette nuit-là, un grand vent semblait balayer le monde.

Les hurlements de la tempête se jetaient sur la vieille chaumière d’Eulalie-Genièvre, qui servait de salle polyvalente, comme pour tenter de l’arracher de ses fondations et mettre un peu d’ambiance.

Les poutres du plafond grinçaient et gémissaient. Les bourrasques les plus violentes faisaient trembler les tables de sorte que les fiasques et les flasques tremblaient et s’entrechoquaient.

Avant même que Pispaparla ne commence son récit, les villageois éprouvaient déjà une peur confuse et se serraient les uns contre les autres dans une odeur de porcherie surmenée, une odeur à couper au couteau mais qui ne chavire que les internautes comme nous qui ne sommes pas habitués à vivre au moyen âge.

Les flammes, dans la cheminée, dessinaient sur l’inquiétant visage de la sorcière des ombres démoniaques. Ses yeux rouges phosphoraient et ses cheveux jaunes se tenaient droit sur sa tête comme les plumes d’une poule effarouchée.

Elle commença alors le récit du renard bleu, de la rivière emprisonnée, de la clé d’or et de la petite fille aux yeux fermés : Un conte très alambiqué où se croisent une importante quantité de gnomes, de trolls, d’elfes et de lutins. Une histoire tirée du premier volume des grimoires intitulés Papyrus Librorum, entièrement calligraphiés en latin par les moines défroqués de l’abbaye de Westminblog.

Lorsqu’elle parlait du renard bleu, son écharpe se mouvait étrangement et ressemblait à un goupil apprivoisé. Dès qu’elle évoquait la rivière emprisonnée, la pluie redoublait de violence et cognait avec une rage frénétique contre les fenêtres de la vieille chaumière.

Un instant, une clé d’or brilla dans la main aux doigts crochus de Pispaparla.

Mais point de lutin ! Elle ne trouva pas le lutin qui avait endormi la petite fille.

Sans ce sacré lutin, la petite fille ne fermerait pas les yeux et le conte ne se terminerait jamais.

Elle chercha vainement dans les poches de sa houppelande, retourna sa musette. Les villageois se mirent à chercher aussi. La chaumière fut entièrement mise à sac au grand dam d’Eulalie-Genièvre. On fouilla même la boite de Pandore. En vain.

A ce moment, un volet fut arraché et tomba à terre.

La panique traversa le regard de Pispaparla. Il n’y avait plus la moindre chance pour qu’elle retrouve cet imbécile de lutin fugueur.

Alors, Barthélémy-Bartholomé, dit Gros Babar, un bûcheron sanguinaire à qui on ne la faisait pas, et qui ne se séparait jamais de sa hache, déplia ses deux mètres de muscles et gronda avec une colère rentrée : « Dis, Pispaparla, il serait temps de finir ton histoire ! Mais où est-il donc passé ce sacré lutin ? »

Certains prétendent que le vrai nom de la sorcière Pispaparla est Ermeline et qu’elle ne s’appelle Pispaparla que depuis ce jour-là.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Oncle Dan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0