Chapitre 5 - Partie 3

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Une lumière éblouissante envahit l'assemblée pendant quelques instants.

Charles ne ressentit étrangement aucune tristesse quant au départ de Fiona, seulement une douce satisfaction. Mais la chaleur sur ses joues se dissipa peu à peu et il remarqua une légère grimace d'amertume au coin de ses lèvres.

L'Autre-Coté, il en avait eu un bref aperçu, une sensation fugace.

Il comprit pourquoi certains fantômes semblaient si tristes de ne pas pouvoir y aller.

« Ça a l'air bien là-bas, dit subitement Hugo avant de mettre son pouce à la bouche.

— Oui, je suis heureuse pour Fiona... », répondit Emma avec un sourire sur le visage.

Marguerite gardait la tête baissée. Ses cheveux coupés au bol cachait son visage, elle pleurait. Elle ressentait de la joie pour la seule et unique amie qu'elle eut jamais eu.

Une vive émotion l'avait également traversée quand elle avait sentie sur sa peau cette étrange lumière, un réconfort avait envahi son cœur, apaisant ses angoisses les plus profondes. Des souvenirs douloureux de sa vie d'avant étaient à présent devenus de simples images.

Mais en voyant son amie disparaître, Marguerite réalisa qu'elle eut terriblement peur, peur pour elle-même. Car en apaisant son esprit, elle avait découvert au fond de ses pensées comment passer à son tour de l'Autre-Côté.

Elle essuya ses larmes en retirant ses lunettes.

« C'est étrange, les fantômes n'ont jamais de larmes d'habitude. Est-ce que c'est l'effet produit par cette lumière ? »

Elle avait encore tant de chose à savoir, à découvrir... En replaçant les branches sur ses oreilles, elle remercia la mort de lui avoir apporté Fiona et un sens à son existence.

Grégory était penaud, touchant du bout des doigts ses joues encore chaudes. Il regarda avec des yeux vagues l'endroit où se tenait Fiona quelques secondes auparavant. Se rappelant soudain de quelque chose, il tourna sur lui-même :

« Mais, vous là, qui êtes-vous ? » s'écria t-il en pointant du doigt le grand homme barbu au manteau de fourrure.

Les Trépassés reculèrent d'un pas et se regroupèrent, David, le Clodo du Pont s'avança. L'inconnu regardait le soleil couchant avec émotion.

« Ah... Maladiéts, c'était magnifique ! »

Le géant s'essuya un coin de l’œil avec un sourire puis posa sur sa tête une magnifique coiffe en fourrure d'un noir brillant. Son accent était aussi étrange que ses habits, très élégants.

« Pardonnez-moi, je viens d'arriver en ville et lorsque j'ai vu la lumière, je me suis précipité. J'espère ne pas avoir été impoli. »

Un silence s'installa, chacun détaillant l'allure de l'inconnu.

« D'accord, je suis David, commença le Clodo du Pont de sa voix éraillée. C'est moi qui enregistre les arrivées et les sorties ici. Je vais prendre votre nom, comment êtes-vous apparu ici ?

— Mon nom est Sergeï Rostovski Levachov, priyatna paznakomitsa, enchanté de faire votre connaissance.

Il fit un geste de salut avec élégance et un sourire avenant.

— Je suis arrivé aujourd'hui par le train, précisa t-il avec son accent rocailleux.

— D'accord, c'est devenu votre point d'ancrage ?

— Ah... Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je compte partir dans trois semaines. »

Marguerite ouvrit la bouche, le Clodo du Pont la devança :

« Ça va être compliqué, puisque vous êtes mort.

Le fantôme gigantesque eut un grand rire qui souleva sa belle barbe.

— Ah, cela je le sais bien. Mais, hum... Ne vous dérangez pas pour moi, je suis juste de passage.

— Vous êtes l'Esprit Errant ? coupa Grégory d'une voix inhabituellement fluette.

Da... C'est ainsi que l'on surnomme les êtres comme moi. »

Les Trépassés poussèrent des cris de joie et d'excitations. L'homme les regarda bondir et se mit à sourire.

« Ah... J'ai rarement vu autant d'enfants au même endroit.

— On est les Trépassés ! lancèrent fièrement Grégory et Hugo en s'approchant.

— Nous avons tellement de questions à vous poser..., avança timidement Marguerite.

Da. Je n'en doute pas..., répondit l'Esprit Errant d'un ton désabusé.

— Il y a un Dévoreur, il faut nous aider à le détruire ! clama Hugo en levant les bras.

— Oui, il a failli les dévorer et il en a dévoré plein d'autres ! ajouta Léo en l'imitant.

Prastiti. Je ne comprends rien à ce que vous dites.

— Nous sommes désolés, dit Charles avec gêne, nous avons entendu parler de votre arrivée par les fantômes les plus anciens. Nous avons rencontré un... Problème et nous aurions besoin de votre expérience pour savoir comment le résoudre. Si vous avez rencontré quelque chose de similaire dans vos voyages... »

Le fantôme barbu sortit d'une large poche de son manteau une longue pipe en bois finement ouvragée de nacre et d'ivoire. Il apporta l'embout d'argent à ses lèvres et tira dessus.

— Hum... D'accord. » Il avait une voix las, de la fumée s'échappa de sa bouche. « Je veux bien entendre votre histoire. »

Sergeï Rostovski Levachov prêta une attention distraite aux propos de Charles. Depuis des siècles, il avait l'habitude que d'autres esprits viennent lui demander de les aider à résoudre leurs problèmes. Il tirait sur sa pipe à opium en prenant un air absorbé.

S'il avait su qu'une tripotée de gamins l’assailliraient de questions et de demandes avant de venir là, il ne serait pas allé admirer l’Ascension de cette fantôme.

Il regardait du coin de l’œil le gros fantôme à la voix cassée et comprit qu'il n'était pas la bienvenue. Il soupira en se caressant la barbe, peut-être devrait-il avancer la date de son départ.

« Après tout... Je connais la prochaine destination de la troupe », pensa t-il pendant que Grégory se perdait en explications et détails inutiles.

« Ce ne sont pas des Miasmes, mais des Démons ! persifla le Clodo du Pont en corrigeant Marguerite.

— Quels démons ? demanda subitement le fantôme barbu.

— Les formes noires collantes..., répondit Charles.

— Vous parlez des résidus ? Il n'y a rien de démoniaque là-dedans.

— Je le savais ! exulta Marguerite. Car on ne les trouve qu'à certains endroits bien précis et...

— Et le Dévoreur ? Il a déjà absorbé des dizaines de fantômes, coupa Charles. Il est à la recherche des esprits les plus instables, même si nous ne l'avons pas croisé depuis longtemps.

Da, dit Sergeï d'un ton grave en hochant la tête. Ces absorbeurs sont très dangereux. Ils renferment une grande puissance, très nuisible.

— Alors, vous êtes d'accord avec nous, il faut le trouver ?

— Dis donc, le Petit Bourge, ce n'est pas à toi de prendre ce genre de directives.

Sergeï regarda le Clodo du Pont un instant et répondit :

— Oui, ils empêchent les fantômes de vivre.

Charles continua, rempli d'espoir :

— Nous allons vous montrer où nous l'avons vu pour la dernière fois et vous pourrez...

— Ah... Comment ça ? demanda Sergeï en aspirant encore sa pipe d'opium.

— Et bien..., répondit Grégory en fronçant les sourcils, nous débarrasser du Dévoreur.

Sergeï souffla un panache de fumée :

— C'est niet, ça veut dire non. »

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