Chapitre 1

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Chapitre 1

Par un chaud soir de fin d'été semblable à tous les autres dans la ville de Kerwaremm, capitale de Nirgends, le tout jeune informaticien Théo Stier, après sa journée de travail à la "Fortex", ramenait à son domicile, son vieil ami le commissaire divisionnaire Yves Mercadier, chef de la PJ de Nirgends.

Nirgends était un petit pays, situé à la frontière du Morbihan et du Finistère. Connu seulement par un nombre restreint de personnes. La plupart en étaient les habitants originaires, n'ayant nulle envie de quitter le pays. Les autres étaient « triés sur le volet» par une administration digne de l'ancien Conseil des dix jadis à Venise. Nirgends n'était accessible que par une entrée secrète dans les « Roches du Diable ».

Une entrée secrète vers un monde parallèle.

Kerwaremm en était la capitale.

Ce soir-là, Théo étrennait fièrement sa toute nouvelle Golf, cadeau de son grand-père pour la réussite de ses études et son embauche quasi immédiate dans la plus grosse boîte informatique du monde, la « Fortex ».

Théo, grand, mince, svelte, d'allure sportive, cheveux châtains coiffés « en pics », devenus presque blonds par la décoloration du soleil, du chlore et du sel de mer, durant les vacances, venait à peine de décrocher son Bac et de rentrer de deux mois de vacances d’été, à Malemort du Comtat, dans le Vaucluse avec ses grands-parents, qu'il se voyait déjà proposer un contrat dans la plus grande entreprise informatique au monde, siégeant à Nirgends.

Nirgends, paradis fiscal pour les consortium et multinationales.

Étonné, par la lettre reçue du PDG de la Fortex lui-même en rentrant de vacances, et s'apprêtant à poursuivre des études supérieures à l'université, il s'était entendu répondre par le DRH que ses «exploits » en matière d'informatique étaient connus, qu'il convenait pour l'emploi à pourvoir et qu'il serait formé pour le reste.

« Le reste » ?

Mais il n'y avait pas eu de réponse. Et Théo avait senti qu'il ne fallait pas insister sur le moment.

Le contrat et le salaire proposés méritaient bien que l'on ne se montre pas trop curieux, d'autant plus que rien ne semblait malhonnête dans le travail qu'on lui proposait. Théo avait donc accepté et quelques semaines plus tard avait loué un petit appartement presque en face de chez ses grand-parents qui l'avaient élevé depuis le décès de sa mère.

Il y avait combien de temps au juste ?

Il aimait beaucoup ses grand-parents, mais devenant âgés, ils avaient besoin de calme et de tranquillité. Ils avaient traversés plusieurs drames, dont le décès de leurs deux filles, Marie, la mère de Théo et sa sœur jumelle, Léa à quelques années d'intervalle, et malgré cela, s'étaient attachés à lui donner la meilleure éducation possible et s'étaient occupés de lui comme de vrais parents. Tandis que lui, Théo, suivait désormais des cours du soir pour obtenir sa licence, et rentrait tard plusieurs jours par semaine. Il aimait écouter de la musique à fond pendant qu'il étudiait. Étrange pour un garçon souffrant de troubles de la concentration, mais bien réel. Il aimait aussi rentrer tard le soir, discuter avec le commissaire Mercadier en mangeant un « maxi-boulettes » au snack après les cours, et savait que cela inquiétait sa grand-mère de le savoir dans ce genre de quartier ou aussi tard en voiture, même en compagnie d'un policier armé. Alors Théo et ses grand-parents avaient continué à se voir presque tous les jours, mais chacun menait désormais sa vie comme il l'entendait.

Étonnamment pour un garçon de dix-huit ans, c'était le commissaire Yves Mercadier son meilleur et plus vieil ami. A part l'informatique et la musique, Théo était passionné par la criminologie et les enquêtes policières. Il aidait d'ailleurs un autre vieil ami, Nikko, à rédiger un livre sur l'une des plus grandes affaires de banditisme du siècle. Nikko était aussi bien plus âgé que Théo et se disait journaliste d'investigation judiciaire en free lance. Seulement, jamais Théo n'avait pu savoir pour quels journaux son ami travaillait. Lui non plus il ne savait pas comment il avait fait sa connaissance, mais certaines paroles prononcées lui donnaient le sentiment que Nikko avait connu sa mère. Théo avait l’impression d'avoir toujours connu Nikko. C'était un bel homme, d'une cinquantaine d'années, ne faisant pas son âge, sportif, au physique style Mel Gibson en plus grand, brun, bronzé, les yeux bleus perçants, un accent allemand assez prononcé. Nikko était tellement protecteur que parfois Théo se demandait si ce n'était pas lui son père. Peut-être avait-il aimé sa mère, car un voile de nostalgie passait dans son regard lorsqu'ils l'évoquaient. Ce qui n'empêchait pas Nikko de ne répondre à aucune de ses questions. Ses parents étaient un sujet tabou pour tout son entourage, et Théo, curieux de nature, avait toujours voulu savoir pourquoi.

En ce qui concernait Yves, Théo avait également le sentiment de l'avoir toujours connu, et pourtant il ne savait pas grand-chose sur lui, si ce n'était qu'il avait été un ami de sa mère et qu'il avait très bien connu son père, également décédé lorsqu'il était tout jeune. Yves était très secret, presque autant que Nikko, dont il était le contraire physiquement. Taille moyenne, mince, les cheveux blonds, dont même lorsqu'ils étaient coupés courts, une mèche rebelle lui retombait sur l’œil, yeux bleus, belle prestance.

Et Théo pataugeait dans les questions sans réponses au sujet de sa mère.

Sa mère.

Il s'en rappelait à peine, il était si jeune quand elle était morte. Il se rappelait vaguement de son visage, mais c'était si flou. Il se souvenait beaucoup plus de leur amour et de leur complicité réciproque. Comme une enfant elle jouait avec lui dans le bac à sable, sur la balançoire et le toboggan de la plaine de jeu... Il aurait tant voulu mieux la connaître, garder des souvenirs plus vivaces. Et surtout... la garder elle! Mais lorsqu'il essayait de parler d'elle, que ce fût à ses grands-parents ou à Yves, ou même à Nikko, il ne parvenait jamais à obtenir les réponses qu'il cherchait. Quel âge avait-elle quand il était né? Pourquoi était-elle morte si jeune? A quel âge au fait? Même cela Théo l'ignorait. De quoi était-elle décédée? Où était-elle enterrée ? Pourquoi tous ces mystères?

Yves éludait purement et simplement les questions, se contentant de décrire sa mère comme une jeune femme sympathique et jolie, petite aux longs cheveux châtains, le teint mat comme lui. En revanche, rien ne sortait au sujet de son père.

Nikko, lui, expliquait que le moment n'était pas encore venu d'évoquer les secrets du passé. Secrets qui pourraient le mettre en danger. Et de telles paroles attisaient encore plus la curiosité de Théo.

Quant à ses grands-parents, sa grand-mère se mettait à pleurer et son grand-père à hurler dès que l'on parlait de leur fille. Il n'y avait pas une seule photo d'elle dans toute la maison et pourtant il avait fouillé partout, de la cave au grenier. Aucune photo non plus de Léa sa sœur jumelle, comme si rien n'avait été laissé au hasard pour qu'il ne puisse pas se rappeler de sa mère.

Aucune réponse non plus au sujet de son père ni de sa famille paternelle. Il ne connaissait même pas leurs noms. Seuls des bribes de souvenirs lui revenaient en mémoire. Un cornet de glace au melon, un jus d'orange offert à une terrasse un jour de braderie par un homme brun, qui lui semblait très grand et lui avait annoncé, avec un drôle d'accent, être son grand-père. Des tours de manège qui l'avaient amusé comme un fou, des photos, des sourires joyeux.

Ce qu'il n'avait pas compris puisqu'il avait déjà un grand-père, c'est que ce grand homme brun lui affirmait être également son grand-père. Et sa mère ne le démentait pas. Elle riait avec lui. Théo se rappelait de son sourire, mais pas de son visage. Il se rappelait également vaguement que l’homme qui se disait son grand-père parlait à sa mère dans une langue qu’il ne comprenait pas. Mais ce qui le tracassait le plus c’était l’idée d’avoir deux grands-pères. Il ignorait en ce temps là, que l'on pouvait avoir un grand-père maternel et paternel. A cette époque, le petit garçon qu'il était devait avoir trois ans, pas plus. Et ce qu'il ressentait, c'était une grande affection, voir une complicité entre sa mère et l'homme qui se prétendait son grand-père. S'il avait dit vrai, cet homme était le père de son père.

Une dame blonde, douce, qui se présentait comme étant sa grand-mère et insistait pour qu'il garde son bonnet sur la tête, ce qu'il ne supportait pas. Tellement différente de sa grand-mère maternelle. Autant physiquement que moralement. Peut-être qu'elle aurait été aussi attachante s'il avait pu la connaître avant qu'elle ne disparaisse dans la nature.

Qu’étaient devenus ses grands-parents paternels ?

Et son père.

Il se rappelait lui avoir parlé, avoir été porté sur ses épaules. Il était très grand. C'était le peu dont il se rappelait. Théo avait le vertige. Il se souvenait avoir beaucoup ri aussi, à plusieurs reprises. Des jeux fous, des chatouilles, des courses poursuites... Pas assez souvent à son goût. Mais il ne se rappelait pas son visage ni même sa couleur de cheveux. Et lui, Théo ? A qui ressemblait-il? A son père ou à sa mère ? De quoi étaient morts ses parents ? Il n'arrivait même plus à se rappeler s'ils étaient décédés ensemble ou séparément, ni de quoi, à combien de temps d'intervalle?

Qui était décédé en premier ? Et pourquoi si jeunes ?

Si jeunes ?

Dans le fond il ne connaissait même pas leur âge.

Et ses grands-parents paternels ?

Qu'étaient-ils devenus ?

Pourquoi étaient-ce ses grands parents-maternels qui l'avaient élevés ?

Pourquoi ses grands-parents paternels ne s'étaient-ils plus jamais manifestés après la mort de leur fils ? Il aimait sincèrement ses grands-parents maternels, mais s'était souvent demandé pourquoi était-ce eux qui avaient obtenu sa garde. Pourquoi les parents de son père ne demandaient-ils pas au moins à le voir ? Où étaient-ils passés ? Qu'étaient-ils devenus ?

Ils semblaient pourtant l'aimer, s'intéresser à lui avant que son père ne meure...

Étaient-ils encore vivants? Et si oui, où étaient-ils ?

Avaient-ils essayé d’obtenir sa garde ou un droit de visite ?

Toutes ces questions taraudaient Théo. Mais elles faisaient aussi partie des tabous, des questions sans réponses à part des hurlements de son grand-père.

C'était cela qui était la cause de ses problèmes de concentration depuis sa petite enfance.

Des problèmes de concentration ? Le mot était faible.

Depuis... depuis quand au fait ? Il avait ce qu'il pensait être «une amie imaginaire », du moins c'était ce qu'on lui avait dit lorsqu'il en avait parlé. Elle refusait de lui dire son nom. Et ne semblait pas aussi imaginaire que cela, car il pouvait lui parler, la toucher. Elle pouvait lui donner des réponses à des questions qu'il se posait, voir prévoir l'avenir.

Son grand-père lui avait expliqué que c'était son imagination de petit garçon solitaire et que cela durait généralement jusqu'à six ou sept ans. Aussi n'avait-il plus jamais évoqué le sujet, car, aujourd'hui encore son « amie imaginaire » était bien présente dans sa vie. A plusieurs reprises, il s'était demandé s'il n'était pas fou lorsqu'à certains moments où il se trouvait en danger, ou bien plus simplement lorsqu'il devait passer un examen trop dur, son amie lui apparaissait sous la forme d'une adolescente qui se matérialisait devant lui et venait à son aide.

Une adolescente ?

Parfois.

Mais parfois aussi une enfant, une toute jeune fille. Parfois aussi comme une fille de son âge, voir un peu plus âgée, mais cela plus rarement. Il ne comprenait pas. Sauf qu'il était sûr et certain que cette fille était la même, à des âges différents. Et qu'apparemment, les autres ne la voyaient pas, car s'ils la voyaient, ils ne pourraient pas rester sans réaction. Elle était presque toujours vêtue de vêtements déchirés, le visage et le corps ensanglanté. Quelquefois blessée. Mais elle était d'une intelligence, d'une force et d'une rapidité inouïe. Et le pire, c'était qu'elle lui parlait. Mais elle refusait de décliner son identité complète, ni pourquoi elle était entrée dans sa vie. « Tu le sauras bien assez tôt » disait l'adolescente. « Devine qui je suis... » chantonnait la petite fille couverte de sang lorsqu'elle était d'humeur espiègle. D'ailleurs, lorsqu'il la lui demandait avec trop d'insistance, elle devenait triste, déçue et disparaissait en un claquement de doigts, pour parfois ne pas revenir pendant plusieurs jours.

Depuis quand cette enfant venait-elle le visiter ? Tellement longtemps qu'il ne s'en rappelait plus. Peut-être depuis toujours ? Peut-être même souffrait-il de troubles de la personnalité multiple et l'enfant n'était-elle rien d'autre qu'une « autre lui » ? A moins qu'il ne soit schizophrène...

Depuis le jour où son grand-père lui avait expliqué qu'au fil du temps « l'ami imaginaire des enfants solitaires » disparaissait, Théo n'en n'avait plus jamais parlé à ses grands-parents et n'avait même pas essayé d'en parler à Yves. Un jour, il avait demandé à Nikko si le mot "Luan" que l'enfant avait prononcé un jour, signifiait quelque chose pour lui. Son ami en avait laissé tombé son verre d'étonnement, puis lui avait simplement répondu que cela voulait dire « loup » en Albanais.

Peut-être était-il vraiment fou après tout ?

Fou... mais il ne parlait pas l'Albanais...

Si seulement il pouvait trouver des réponses à ses interrogations. Peut-être que maintenant qu'il avait dix-huit ans, il aurait accès à plus d'informations ? Il avait demandé un acte de naissance, mais celui-ci ne mentionnait que le nom de sa mère. Marie Stier. Aucune date de naissance ni de décès. Et lui, Théo Stier, né de père inconnu.

Pourquoi?

Pourquoi ce père qui semblait l'aimer et qui semblait aimer sa mère n'avait-il pas reconnu son fils ? Etait-il marié ? Avait-il d'autres enfants, un autre foyer, une autre vie ? Peut-être faisait-il semblant d'être mort et vivait-il dans un autre pays avec sa vraie famille, qui sait ? Ce genre de chose arrivait fréquemment dans les romans et les films....

Théo roulait vite. Dépassant largement les limitations de vitesse au fur et à mesure que ses pensées montaient en intensité. Le commissaire Mercadier connaissait ces moments de mélancolie rageuse et respectait le silence du jeune homme. Il savait que dans ses instants de mutisme, son jeune ami pensait à ses parents, à sa mère surtout. Il avait tellement envie de savoir. Et c'était tellement compréhensible. Surtout en ce début septembre. Théo venait de revenir de vacances avec ses grands-parents dans le village où était enterrée sa mère. Il avait du se recueillir sur sa tombe.

En réalité non.

Yves ignorait que les grands-parents du jeune garçon ne lui avaient jamais dit que sa mère était enterrée à Malemort du Comtat, et qu'il n'avait jamais pu se recueillir sur sa tombe.

Le garçon devait s'imaginer un tas de choses. Se poser une multitude de questions comme d'habitude. Mais à quoi servirait de lui dire ? Et surtout que lui dire ? Et comment répondre aux questions qui viendraient automatiquement par la suite ? Comment se justifier ? Comment justifier l'injustifiable ?

Yves soupira. Ils étaient presque arrivés. Il se demanda quand il craquerait et finirait par lui dire comment et surtout pourquoi étaient morts ses parents.

- Te voilà arrivé sain et sauf commissaire, plaisanta amicalement Théo en garant sa Golf rutilante en double file presque en face de la porte de l'immeuble où son ami possédait un appartement.

- Ouf ! Rétorqua Yves, merci quand même, tu ne pouvais pas rouler encore plus vite ? On voit que tu as trop lu Michel Vaillant. Je me demande combien de temps tu vas la garder ta nouvelle voiture...

- Je lis encore Michel Vaillant, j'adore les BD, tu le sais. Et je suis un passionné de bagnoles !

Yves Mercadier était commissaire divisionnaire au commissariat central de Kerwaremm. A l'inverse de Nikko, il était de taille moyenne, mince, blond aux yeux bleus, mais il frôlait également la cinquantaine et était tout aussi beau que Nikko. Dans un autre style. Il connaissait Théo depuis l'enfance. Il savait que le garçon était orphelin de mère, né de père inconnu, décédé également, et avait été élevé par ses grands-parents maternels. Il les aimait, mais souhaitait depuis longtemps prendre son indépendance. Son grand-père ne cessait de critiquer sa mère et lui, qui ne l'avait jamais vue ne savait pas s'il devait l'aimer ou la détester. D'autant plus que son grand-père qui la critiquait tant lui avait servi de père. Niant avec force connaître l'identité du vrai qui de toutes manières était mort lui aussi. Yves connaissait le débat intérieur qui rongeait son jeune ami, mais préférait ne pas se mêler d'une affaire de famille aussi compliquée.

... une affaire dans laquelle il était bien trop impliqué.

Mais pendant ce temps, le danger guettait, insidieux, de l'autre côté de la rue. Une BMW noire, garée devant le cinéma Eldorado semblait attendre quelque chose... ou quelqu'un. Et ni l'un ni l'autre ne l'avaient aperçue, trop occupés par leur conversation.

-Voilà... C'est là qu'on va se marrer, ironisa en lui-même le conducteur.

-Théo ! Théo !

A peine était-il garé, qu'une main secouait son épaule de toutes ses forces en criant son nom... Théo sursauta. Yves ramassait sa mallette, se préparant à sortir de la voiture, et semblait n'avoir rien entendu.

-Théo ! Théo ! Ne le laisse pas sortir ils vont le tuer...

Le jeune garçon ferma les yeux. C'était « elle ». Aujourd'hui, elle devait avoir treize ou quatorze ans, ses cheveux et son visage étaient poisseux, dégoulinants de sang. Ses habits étaient également tachés et déchirés. Elle avait un trou dans la tête.

- Théo réagis ! Ils vont le tuer, il est en danger...

Le temps que Théo réagisse, Yves s''apprêtait à traverser l'avenue pour rejoindre l’immeuble où se trouvait son appartement, en saluant Théo, d'un amical « A tout à l'heure, sur Skype ! »

- D'accord, rétorqua son jeune ami qui ne démarra pas tout de suite. Il se ravisa. Non Yves, attend... S'écria-t-il.

Mais il était trop tard.

Sans crier gare, le conducteur de la BMW fit rugir le moteur, démarra sur les chapeaux de roues, et fonça droit sur Yves à une vitesse telle que ce dernier ne dut son salut qu'à Théo, qui, ayant aperçu la voiture folle, hurla de toutes la force de ses poumons «Attention Yves, fais gaffe !» et à un énorme chien-loup, sorti d'on ne savait où, qui sauta sur le dos d'Yves afin de l'empêcher de se faire heurter par la voiture en le projetant sur le trottoir.

Mais pas assez vite. La voiture eut le temps de heurter le malheureux policier, le propulsant violemment contre le trottoir. Théo se précipita hors de sa voiture, sans même prendre le temps de refermer la portière, ni de vérifier avant de traverser la route afin de se porter au secours de son ami qui semblait durement sonné.

Des passants l'aidaient déjà à se relever. Une femme pesta «Quel chauffard ! ». Un fonctionnaire en costume questionnait les témoins afin de savoir si quelqu'un avait pu relever le numéro de plaque, mais seul un jeune garçon accourut en lançant qu'il avait tout vu de la scène, sauf la plaque. Il avait surtout été ébahi par l'énorme chien-loup qui avait plongé sur Yves « Comme dans un film avec des super héros » Criait-il en sautillant sur place.

-Tu as vu un chien ? Demanda un des témoins à l'enfant. Étrange. Moi je n'ai rien vu et vous ? Questionna-t-il en s'adressant aux autres témoins. L'enfant insistait « Oui, il y avait un énorme chien qui ressemblait à un loup. Il a poussé le monsieur sur le trottoir ! » Mais personne d'autre n'avait rien vu. Personne, mis à part le petit garçon et Théo.

« Comment diable ce gamin a-t-il pu voir le loup ? » s'interrogea Théo.

Le chien avait disparu. Remplacé par la jeune ado ensanglantée que seul Théo pouvait voir. « Il a vu le loup parce que je l'ai appelé, je n'aurais pas eu le temps de sauver Yves et toi non plus » C'était elle.

« Tu l'as appelé ? Je pensais que c'était toi qui t'étais transformée... » L'ado sourit. « Tu deviens perspicace, mais non ce n'était pas moi »

« C'était un vrai loup... ou... ? » interrogea le jeune garçon. Elle sourit à nouveau. « Là tu deviens trop curieux. Yves est sauvé, pour cette fois. Mais il n'est pas hors de danger. Ça ne vient que commencer et tu ferais bien de repartir à Malemort »

« Quel rapport avec moi ? »

« Tu le verras toujours assez vite si tu ne pars pas. Et je sais que tu ne partiras pas » Elle eut soudain l'air triste et durant une fraction de seconde, l'apparence d'une jeune femme brune.

Théo soutint le commissaire dont les vêtements s'étaient froissés sous le choc.

-Il... Il l'a fait exprès ! Il m'a foncé dessus en exprès! Émit-il à la fois furieux et choqué.

« Tu vois ce que ça fait Yves ? »

Théo se retourna vers la jeune fille. Elle avait parlé à haute voix. Habituellement ils se parlaient par télépathie. Il en était tellement surpris, qu'il lâcha tout haut,

-Hein ? Qu'est-ce que tu dis ?

Yves se passa la main sur le visage, se retint quelques instant sur l'épaule de Théo, les jambes tremblantes.

-Putain de bordel de merde ! Jura Yves, ce qui n'était vraiment pas dans ses habitudes. Pensant que Théo s'adressait à lui. Il a failli me tuer. Quel cinglé, quel malade, marmonna-t-il encore sonné et tout contusionné.

« Yves... fit l'ado d'une voix chantante, je ne serai pas toujours là pour te sauver. Ils ne te lâcheront pas, je t'avais prévenu... »

Yves sursauta, blanc de peur.

-Oh mon Dieu ! Non !

Théo le prit par le bras. Cette fois, c'était lui qui n'avait pas entendu les paroles de le jeune fille. Il pensait son ami en état de choc. Il fallait absolument qu'Yves monte vite s'allonger et boire quelque chose de fort pour se remettre de ses émotions.

-Allez, viens chef, je vais t'aider à monter chez toi. Puis, plus bas, « Pas de panique, on le retrouvera, j'ai retenu le numéro de sa plaque »

-Bravo, murmura Mercadier encore tout tremblant. « Mon Dieu, songea-t-il. J'ai du rêver ce n'est pas possible ! Théo n'a rien vu et rien entendu, sinon il aurait réagi. Oui, il n'aurait pas manqué de remarquer une gamine de treize ans ensanglantée. » Et montant les escaliers menant à son appartement « Ouf, pour une fois je ne dirais pas non à un petit remontant... »

-Je pense aussi que tu en a besoin. Et surtout de te reposer. Rétorqua Théo, puis s'interrompant en arrivant sur la dernière marche, « Mais... Tiens... C'est bizarre ça... »

-Que se passe-t-il encore ? Interrogea le commissaire, sur ses gardes.

- Regarde, on peut voir un rai de lumière sous la porte... Est-ce qu'il y a quelqu'un chez toi ? Interrogea Théo, méfiant.

- Non, pas du tout.. Rétorqua le commissaire. C'est impossible. Tu sais bien que vis seul. Et ma femme de ménage ne vient que le matin. Je n'ai que deux clés, ma femme de ménage s'est peut-être fait voler la sienne, parce que la mienne la voic... S'interrompant à son tour, Yves, qui, tout en parlant,fouillait la poche intérieure de sa veste afin d'en sortir sa clé, se rendit compte que cette dernière avait disparu.

- Nom de Dieu ! Ma clé ! Elle n'est plus accrochée à mon porte-clé !!! Hurla t-il sans plus aucun soucis de prudence.

Interdit, Théo poussa la porte.

L'ado se trouvait assise sur le divan.

Yves la vit et se remit à trembler, sans se rendre compte que cette fois Théo aussi pouvait la voir.

- Vraiment bizarre Yves, la porte est ouverte, arrête de crier. Murmura-t-il. Il y a peut-être quelqu'un à l'intérieur.

- La porte est ouverte ? Mais qu'est-ce que tu racontes? ! Je ferme ma porte à double tour tous les matins avant de partir au boulot, bougonna le commissaire. C'est la moindre des prudences dans mon métier non?. J'en ai trop vu dans ma vie. Oh que je n'aime pas ça. On essaie de me tuer ou de m'intimider, mais ça ressemble plus à une tentative d'assassinat, et maintenant...

« Et « elle », que faisait-elle là ? Elle était morte depuis tant d'années ? Se mettait-il à voir des fantômes ? Où était-ce pire... était-elle devenue une des leurs ? Une immortelle ? Une vampire ?»

Mais Mercadier fut interrompu par le cri d'étonnement de Théo.

- Oh putain ! C'est pas vrai!!

Théo, qui avait pénétré le premier dans l'appartement de son ami n'avait pu que constater que le logement était complètement dévasté. Les meubles renversés. Les tiroirs et les portes ouvertes. Le contenu dispersé, déchiré et cassé jonchait le sol. Jusqu'à des taches d'encre sur les murs et les tapis.

- Bordel de merde ! Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ? rugit le commissaire hors de lui et commençant à reprendre ses esprits.

- Je ne sais pas, mais je crois qu'on t'a rendu une petite visite commissaire ! Ironisa Théo.

- Mais pourquoi Nom de Dieu ? Je n'ai rien de vraiment précieux ici...

« LE dossier Yves » chantonna l'ado.

Yves sursauta. « LE » dossier. « Oh putain, mon coffre » ! S'écria-t-il en se ruant vers son bureau où effectivement le coffre-fort était grand ouvert et... complètement vide !

- Mon coffre ! Le dossier ? ! Disparu !! Mon Dieu, quelle catastrophe... Le dossier complet de... Oh merde, ce dossier, bafouilla-t-il. Enfin, s'interrompit-il, un dossier ultra secret que le maire m'avait chargé de conserver depuis des années... Je suis... Je suis... complètement foutu ! Je suis mort dans tous les sens du terme !

- Mais non ! Calme-toi. Temporisa Théo, accroupi devant le coffre-fort et se demandant quel dossier pouvait bien déclencher une telle panique chez son ami pourtant généralement très calme. Cherchons des indices... regarde... Le coffre n'a pas été fracturé, mais ouvert comme si le voleur avait la clé. Du travail de pro ! Le cambrioleur savait ce qu'il cherchait et où il le trouverait ! Je pense qu'il a volontairement saccagé ton appart ! Regarde-moi tous ce bordel !

- Mais pourquoi ? Pourquoi ? Ruminait le commissaire. Puis «Le voleur a signé son délit Théo. Là, cette empreinte... Avec ton appareil bizarre là... Tu la scanne et en te connectant à la base de données de la police tu pourras peut-être trouver son nom. Un spécialiste pareil, il y a de fortes chances pour qu'il soit fiché... continua Mercadier en passant à son ami la bouteille de Martini tachée d'une empreinte un peu spéciale.

Théo examina attentivement la bouteille. Sur l'étiquette se trouvait effectivement apposée une empreinte légèrement déviée, effectivement d'une forme un peu décalée. Il ôta son sac à dos et en sortit un petit ordinateur portable qu'il alluma et sur lequel il brancha une sorte de tige qui émettait des rayons lumineux. Le jeune homme chipota quelques instants sur son clavier avant de parvenir à se connecter à la banque de données de la police. Chose strictement interdite, mais qui avait déjà été bien utile au commissaire lors de ses enquêtes en les faisant avancer bien plus vite. Bien sûr, Théo avait du jurer sur la mémoire de sa mère, que jamais personne n'apprendrait qu'il était capable de faire cela. Il scanna l'empreinte qui apparut sur son écran. Quelques instants plus tard, un nom apparut. Dany Goldberg. Escroc sans grande envergure à la base, mais aussi spécialiste des explosifs et surtout inculpé et emprisonné durant quelques années avant d'être acquitté lors du procès de la bande d'Axel Kramer.

- Dany Goldberg? S'étonna le commissaire. Je comprends de moins en moins. Ce n'est pourtant pas du tout un cambrioleur et encore moins un spécialiste du perçage de coffres. C'est un escroc, un faussaire, mais pas un cambrioleur. Notre homme ne travaille généralement pas dans la dentelle, continua Yves, faisant allusion au passé de spécialiste des explosifs à l'armée de l'homme en question.

- J'ai entendu parler de lui. Renchérit Théo. Il a été mêlé à l'affaire Kramer n'est-ce-pas ?

L'ado secoua la tête pour faire « oui » et lança, télépathiquement cette fois à Théo « Éloigne toi de cette affaire. Ne t'en mêle pas. Il ne pourra t'arriver que des malheurs. »

« Pas question ! Yves est mon meilleur ami. » Rétorqua Théo. « Je ne le laisserai pas tomber. »

« Quitte Nirgends avant qu'il ne soit trop tard. Va t'installer à Malemort, ne les laisse pas t'entraîner là-dedans. Malemort est le seul endroit où tu ne risque rien. Le seul endroit sur Terre »

Ce fut tout. L'ado disparut.

Le commissaire ne répondit pas, continuant à se parler à lui-même.

- Dany Goldberg, pourriture. Essaie de me trouver son adresse actuelle Théo. Et par la même occasion, essaie aussi de retrouver le propriétaire de la BMW en tapant son numéro de plaque. C'est certainement une voiture volée.

Pendant que Théo recherchait les données en question, Yves, passant sa main dans sous le coffre en retira un carton. Un carton sur lequel était écrit un simple prénom en lettres majuscules «AXEL »

L'ado réapparut à Yves

« Le passé te rattrape toujours. Éloigne Théo. S'il lui arrive malheur rien ni personne ne pourra te protéger»

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