Chapitre 2

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Chapitre 2

Un peu plus tard, dans la Golf de Théo, lancée à pleine vitesse, le commissaire jubilait.

- A nous deux Dany ! Ah le connard ! Il croit m'avoir roulé le minable, mais je le coincerai cette sale petite frappe.

- Il ne s'est pas montré très adroit pour un ancien braqueur ! Réfléchit Théo. Laisser une empreinte tellement en évidence. C'est presque comme s'il voulait se faire prendre... alors que d'un autre côté il parvient à voler ta clé accrochée à ton porte-clé dans ta veste, et à ouvrir ton appartement et ton coffre sans la moindre effraction.

- Bah ! Rétorqua le commissaire, bien que je sache qu'il ne soit pas très loquace, nous essayerons de le faire parler... Mais je te garanti que si l'autre fois, avec la bande à Kramer il a réussi à se faire acquitter parce que les preuves manquaient sur sa participation aux braquages, cette fois, il va retourner en tôle et n'en sortira pas de sitôt. Je t'en fais la promesse !

Durant le trajet, Yves ne cessait de tourner et retourner sans cesse le carton qu'il avait retrouvé sous le coffre-fort, sur lequel était inscrit le prénom « AXEL ». Non. Ce n'était pas possible. Cela ne pouvait pas être possible. Après toutes ces années. C'était Goldberg qui, ne s'étant pas aperçu qu'il avait laissé son empreinte sur la bouteille, avait voulu jouer au malin en ressuscitant un vieux mythe. Histoire de venger son ami décédé il y a treize ans... Mais cela ne tenait pas debout. Goldberg et Kramer était copains, complices, mais pas assez proches pour qu'après tant d'années Dany prenne des risques pareils pour... pourquoi au fait ? Venger un compagnon de braquage ? Mais... et ELLE ? Elle, enfant, adolescente, couverte de sang, qu'Yves pensait être le seul à avoir vue. Etait-il en train de devenir fou ? Le choc à la tête lorsqu'il avait été percuté par la voiture, l'avait-il commotionné à ce point ? La petite était morte ! Morte ! Morte ! Elle n'avait pas pu devenir un fantôme ou une immortelle, ou pire encore une vampire. « IL » n'avait pas pu lui faire cela. « IL » l'avait laissé continuer vers le repos éternel. Et pourtant... Non. Non. Non. Ce n'était pas possible. D'autant plus qu'elle n'avait pas l'âge auquel elle était morte. Bon sang ! Mais que se passait-il, après toutes ces années ?

- Nous voici arrivés. Annonça Théo en se garant contre le trottoir, freinant furieusement en faisant crisser les pneus.

Un moment de silence, puis Théo, étonné réalisa qu'il s'était garé derrière une BMW noire.

- Chef... là ! La voiture qui a essayé de t'écraser !

- Ça alors... balbutia le commissaire.

Effectivement, juste devant la Golf de Théo, se trouvait garée tranquillement, une BMW noire dont la plaque d'immatriculation correspondait bien à celle de la voiture qui avait foncé sur Yves tout à l'heure, et qui, selon la base de données de la police appartenait à un honnête commerçant, habitant de l'autre côté de Kerwaremm.

-Il est vraiment stupide Goldberg, je ne l'imaginais pas aussi bête. Se trahir ainsi et par deux fois. Mais tout se tient. Exposa Théo tout en marchant, les mains dans les poches de son jean's, le long du trottoir menant à l'immeuble où habitait Dany Goldberg. C'est Goldberg qui a cherché à t'écraser ! Il venait de quitter ton appart quand nous sommes arrivés. Il semble t'en vouloir terriblement ou alors il cherche à t'impressionner. Et... continua Théo légèrement hésitant, Goldberg a appartenu à la bande d'Axel Kramer, ce qui expliquerait le papier sur lequel est écrit "AXEL" que tu as trouvé sous le coffre. Il veut peut être te transmettre "le bon souvenir" d'Axel Kramer. Si je ne me trompe pas, d'après ce que j'ai pu lire des extraits de presse et les brouillons du livre de mon ami Nikko, c'est aujourd'hui l'anniversaire de sa mort non?

« Oui, c'est aujourd'hui... Mais ce n'est pas Dany qui a cambriolé Yves... »

C'était Elle, un peu plus âgée cette fois et sans aucune tache de sang sur ses vêtements... Une ado un peu plus jeune que Théo.

Yves n'avait pas entendu les propos de la jeune fille, mais eut un haut-le-cœur suite aux paroles de son jeune ami. Il avait déjà pu remarquer que Théo en savait beaucoup sur l'affaire Kramer. Beaucoup trop. Et surtout qu'il s'y intéressait au point d'aider son ami Nikko à rédiger son livre et à lui trouver de la documentation. Pour quelle raison? Était-ce lui qui devenait parano ou bien Théo s'intéressait-il à l'affaire Kramer parce qu'il se rappelait quelque chose ou que son subconscient le poussait dans ce sens ?

Qui était réellement Nikko ? Il avait fait des recherches à son sujet et n'avait absolument rien trouvé. Pourtant son visage ne lui était pas vraiment inconnu, mais il n'avait rien à voir avec l'affaire Kramer, de cela il était sûr et certain. Il était un peu plus âgé que les membres de la bande. Pire, un jour Yves s'était aperçu que Nikko n'avait pas d'empreintes digitales... Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Et pourquoi s'intéressait-il à ce point à l'affaire Kramer, jusqu'à fouiller dans tous les détails, même ceux dont il n'aurait jamais du entendre parler ?

D'autres affaires avaient marqué le siècle, alors pourquoi ce type avait il choisi celle-ci justement, en particulier pour écrire son livre? Ce n'était pas interdit bien sûr... Mais Elle, Nikko, Théo... cela faisait tout de même un peu beaucoup de coïncidences. Le commissaire haussa les épaules. Allons, il ne fallait pas sombrer dans la paranoïa. C'était Nikko qui avait choisi le sujet de son livre et non Théo qui l'aidait simplement parce qu'il était passionné par les enquêtes criminelles.

Mais comment ces deux là s'étaient-ils connus ? Nikko avait presque l'âge d'être le grand-père de Théo. Non, peut-être pas tout de même, c'était un homme d'âge mûr, qui ne faisait pas son âge, mais on sentait qu'il avait vécu. Et ce léger accent dont il ne parvenait pas à cibler la provenance, on aurait dit un accent allemand.

« Mais Nikko ne ressemble pas à un écrivain n'est-ce-pas ? »

Yves ferma les yeux en entendant Sa voix, qui semblait se moquer de lui.

Elle chantonna sur l'air du générique de Goldorak « Qui est-il ? D'où vient-il ? Ce mystérieux Nikko... »

- Merde ! Lança Yves en direction de l'adolescente. Ça va lui coûter cher. Ronchonna Mercadier, les mains dans les poches de son blouson d'aviateur, largement déchirée par l'accident de tout à l'heure.

Arrivés devant le numéro 128, le commissaire se mit à tambouriner de toutes ses forces sur la porte, négligeant la sonnette et même l'heure tant il était furieux.

Une voix avinée lui répondit en ouvrant la porte.

- Qui est là... Hic... qu'est-ce que...Hic... Qu'est-ce que vous voulez ?

- Police ! Ouvrez cette porte sur le champ où cela va vraiment mal se passer et il va y avoir du grabuge. Rugit le commissaire en sortant son arme.

Sous les yeux de Théo, étonné car Yves n'était vraiment pas du style à sortir son arme, et du commissaire de plus en plus furieux, la porte s'ouvrit sur un individu manifestement très éméché.

- Bon... Hic... Bonsoir ! Fit l'homme.

Mercadier ne perdit pas son temps en vaines discussions.

- Où est Goldberg ? Vite ! Lança-t-il, à bout de patience.

- Dany ? Il... Il est... là bas... commença l'homme, violemment bousculé par Mercadier qui, l'arme au poing, se rua vers la salle à manger en hurlant « Suis-moi Théo », pendant que ledit Théo pénétrait à son tour dans la maison et bloquait de sa main toute éventuelle tentative de l'ivrogne. Ce qui se révélait d'ailleurs parfaitement inutile, l'homme ne manifestant aucune intention belliqueuse.

« C'est pas lui Théo ! C'est pas Dany ! Il faut chercher ailleurs»

« Ecoute, toi, fit Théo par télépathie, soit tu m'en dit trop, soit pas assez. Si ce n'est pas Dany et que tu sais qui c'est et ce qui se passe, explique moi, mais arrête de jouer avec nos nerfs. Tu crois que je ne sais pas que tu apparais à Yves, puis que tu disparais ? Même si je ne te vois pas, je le lis sur son visage... A quoi tu joues ? »

L'ado ne répondit pas, mais resta visible à Théo. Puis finalement « Il l'a cherché ! ».

Théo suivit Mercadier plus calmement, mais de plus en plus étonné lorsqu'il vit le commissaire crier « Haut les mains ! », troublant ce qui était manifestement une fête de famille. Pratiquement chaque convive était éméché. Aucun ne semblait comprendre l'irruption du commissaire furieux au milieu de leur petite soirée. La table était remplie de boissons et de victuailles. Chacun, à part une fillette d'une dizaine d'années avait un verre de Champagne rempli devant lui. Une femme, que Théo reconnu pour l'avoir vue sur les photos de presse pour être la petite amie de Dany et la mère de sa fille, s'apprêtait manifestement à servir un plat, pendant que Dany Goldberg était en train de porter un toast, ayant lui aussi visiblement trop bu.

L'irruption du commissaire étonna et choqua tout le monde, mais ce dernier n'en n'avait cure.

- Tu ne t'imaginais pas me retrouver vivant, hein ? Dany ? Espèce d'ordure! Lança-t-il.

Dany Goldberg ne savait manifestement pas quoi répondre et semblait ne rien comprendre. Son regard se posa sur Théo, et tout à coup il parut se dégriser.

Pendant que Mercadier continuait sur le même ton furieux «Mon dossier, où est-il, espèce de sale pourriture ? », Dany regarda Théo comme s'il avait vu un fantôme. Finalement, bien que mal à l'aise, Goldberg parvint quand même à articuler «Commissaire... je... je ne comprends pas ce que vous me voulez... » Mais son regard revenant toujours vers Théo lui donnait un air coupable. L'homme se frotta les yeux, comme pour être sûr d'avoir bien vu.

- Oh quasiment rien voyons. Continua le commissaire. Vol avec effraction, détérioration de mobilier, tentative d'assassinat... Et c'est MOI que tu regardes, parce que c'est MOI qui te parle, hurla presque Yves, furieux de voir le regard de l'ancien truand fixer sans arrêt Théo.

- Je ne vois pas ce que vous voulez dire commissaire. Répondit Goldberg d'une voix blanche. On a passé la soirée ici, avec des amis, pour fêter l'anniversaire de ma fille, qui a dix ans aujourd'hui. Continua-t-il, montrant la petite fille d'une dizaine d'années qui se trouvait précédemment assise à table. Cette dernière semblait effrayée par la fureur du commissaire menaçant son père avec une arme. Elle se mit d'ailleurs à pleurer en se cachant derrière sa mère. Au même moment, ELLE apparut à Yves, à l'âge de treize ans, ensuite en une fraction de seconde le sang se mit à couler d'une énorme blessure à la tête, ses vêtements étaient déchirés, son visage terrorisé... « Salaud ! » lança-t-elle furieuse, « Assassin ! Tu changeras jamais»

De plus en plus furieux et paniqué, Mercadier brandit la bouteille de Martini sous les yeux de Goldberg.

- N'essaie pas de me rouler, tu as signé ta performance... avec ça... insista-t-il en montrant l'empreinte assez caractéristique du truand.

Celui-ci, de plus en plus stupéfait perdit contenance « Mon... mon empreinte ! » Attendez commissaire, vous êtes sûr qu'il s'agit bien de la mienne?

- Oh oui je suis sûr qu'il s'agit de la tienne. Elle a été vérifiée dans la base de données de la PJ. Rétorqua le commissaire en empoignant Goldberg par son col et en le traînant pratiquement jusqu'à la fenêtre d'où il lui montra la BMW noire. Mais ce n'est pas tout ! Viens par ici, Dany ! Tu as essayé de me tuer tout à l'heure ! Malheureusement pour toi, Théo avait relevé le numéro de la voiture... La voiture que tu as volé et que tu n'as même pas été capable de cacher! Il a fallu que tu la gares pratiquement devant ta porte!!!!

- Moi j'ai essayé de vous tuer ? Ça ne va pas commissaire ? Et ma voiture ? S'étonna Goldberg. Mais je sors de tôle, vous croyez que j'ai les moyens de me payer une BM neuve comme celle-là... ou que je vais risquer d'y retourner pour une connerie comme ça ? Jamais vu cette bagnole !!! J'ai une vieille Peugeot toute pourrie. Elle est garée de l'autre côté de la rue, regardez. Et effectivement, Yves et Théo purent voir une Peugeot 405 d'une couleur indéfinie, qui devait bien avoir une vingtaine d'années. Goldberg finit par se mettre en colère. Mais qu'est-ce-que vous racontez à la fin? Qu'est-ce que vous cherchez ? Pourquoi vous en prenez-vous à moi comme ça ?

Empoignant à nouveau Goldberg, le commissaire perdant totalement patience rugit « Assez de mensonges Dany. Les faits démontrent que tu es bien le coupable. Je te conseille de ne pas bouger d'un poil, j'appelle des renforts et en route pour le commissariat ! »

A ce moment précis, l'un des invités toussota poliment. «Excusez-moi commissaire... » Commença-t-il. Il n'avait pas l'air ivre et présentait plutôt bien.

- Quoi ? Beugla le commissaire. Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ?

- Heu... commença l'homme, manifestement refroidi par le ton furieux du commissaire. Je suis Patrick Lefèvre, l'agent de de quartier. Dany est VRAIMENT resté ici toute la soirée !

- C'est vrai. Renchérit un autre invité, apeuré mais encouragé par la prise de position du policier.

- C'est impossible. S'écria le commissaire, sentant pourtant qu'il devrait finir par se rendre à l'évidence.

« Si, si » Chantonna-t-elle. « Dany est un pauvre lâche mais il ne t'a rien fait... »

- Je ne peux pas le croire, fit Yves, autant pour l'ado que pour Théo et lui-même. Je n'arrive pas à le croire.

- Bizarre, marmonna Théo derrière son ami. On dirait que quelqu'un a cherché à faire accuser Goldberg, mais pourquoi ? Et comme par hasard le jour anniversaire de la mort de Kramer.

Dany Goldberg était plutôt bel homme. Grand, très mince, yeux bleus dans un visage bronzé, cheveux châtains coupés un peu trop longs, il ne manquait pas de charme et devait certainement plaire aux femmes, mais en entendant les paroles de Théo il tressaillit et devint gris « Co... comment tu sais que c'est l'anniversaire de la mort d'Axel aujourd'hui ? » lui demanda-il.

Théo le regarda. Dany avait peur. Vraiment peur. Il n'avait certainement pas cambriolé le commissaire, puisque son amie imaginaire le certifiait... Allons, voilà qu'il émettait des hypothèses en rapport avec la parole d'une ado dont il ne savait pas si elle était réelle ou imaginaire maintenant... Mais donc, puisqu'il fallait réfléchir ainsi, Dany n'avait peut-être pas cambriolé le commissaire, mais il avait peur de quelque chose concernant Kramer. Avait-il peur de l'anniversaire de sa mort parce qu'il y était impliqué d'une manière ou d'une autre ?

- Mais bordel de merde, que fais-tu de l'auto ? S'exclama Mercadier en se retournant tout d'une pièce vers son ami, baissant tout de même son arme.

- Celui qui a essayé de t'écraser a pu la conduire ici après l'accident manqué. Émit Théo.

- L'accident manqué, tu en as de bonnes toi ! Tu as vu ma veste à 400 euro, et l'état de mon bras et je ne te parles pas des quelques côtes probablement cassées... Bon d'accord. Fit le commissaire un ton plus bas. Et l'empreinte alors?

- C'est étrange en effet. Réfléchit Théo. Mais je crois vraiment à un coup monté... Et je pense que les choses n'en resteront pas là. Quelqu'un t'en veut.

« Ca tu peux en être sûr ! » Lança l'ado, « Il a tout fait pour »

Mercadier rangea son arme dans son holster et d'un ton plus calme mais où l'on sentait encore la tension nerveuse « Hum... c'est une histoire bizarre... ça ne me plaît pas du tout... alors ? On n'arrête pas Goldberg ? »

- Je ne suis pas flic, je n'ai rien à dire, mais à ta place, je ne le ferais pas encore commissaire. Répondit Théo.

- Oh merci. Merci commissaire. Merci mon grand... Fit Dany mi-figue, mi-raisin. Maintenant que vous ne me soupçonnez plus messieurs, continua-t-il d'un ton plus cordial tout en continuant à regarder Théo d'un air perçant. Je vous offre un coup ?

- Ça va les sarcasmes Goldberg. Murmura le commissaire épuisé moralement. Je te laisse le bénéfice du doute. Un coup. Hem, fit Mercadier encore sous le coup de l'émotion, pendant que Théo répondit d'un ton enjoué « Volontiers ». Moins pour trinquer avec l'ancien truand, que pour essayer de comprendre pourquoi celui-ci ne cessait de le regarder, au point que son épouse dut à plusieurs reprises lui lancer un coup de coude afin de le ramener sur terre. Cependant, Théo qui était très observateur ne pouvait s'empêcher de constater que la femme de Dany le fixait également bizarrement du regard. Et le visage de la femme lui rappelait vaguement quelque chose. Il était certain de l'avoir déjà vue.

« Tu le reconnais ? » L'interrogea-t-elle.

« Bien sûr, on l'a vu dans tous les journaux » Riposta Théo.

« Non. Je veux dire en vrai ? Tu ne le reconnais pas ? »

« Absolument pas. Je ne l'avais pas encore vu avant aujourd'hui. Et pourtant il ne m'est pas inconnu et il a l'air de me connaître. Sa femme aussi. Mais pourquoi tu me demandes ça ? Je suis sensé le connaître ? »

« Peut-être. Peut-être pas. »

« Si tu pouvais arrêter avec tes mystères et une fois pour toutes me dire ce que tu fais dans ma vie et ce que je devrais savoir, ça m'arrangerais... »

« Le temps n'est pas encore venu, et puis il faut que tu trouves par toi-même... A moins que tu n'acceptes de quitter le pays et de partir pour Malemort où tu seras en sécurité »

« On s'amuse comme on peut quand on est morte hein ma chère amie imaginaire ? Mais moi je suis vivant. J'ai une vie. Des grands-parents. Un boulot que j'aime. Des études. Tout me retient ici, qu'irais-je faire à Malemort. C'est un coin génial pour les vacances, mais je ne pense pas que j'y ferai une grande carrière d'informaticien. Et s'il y a des choses sur cette vie dont tu as connaissance, j'aimerais les connaître, parce que j'ai passé toute mon enfance à chercher et à me poser des questions ! Est-ce que tu te rends compte que je ne sais même pas à quoi ressemblent mes parents, et pire, qui est mon père, comment s'appelle-t-il? Comment mes parents sont-ils morts » Théo devenait furieux.

« Morte ? Tu penses que je suis morte ? » L'ado sembla réellement étonnée. « Tu penses vraiment ça ? »

« Non, ironisa Théo, bien sûr que non. Tu apparais dans ma vie sous je ne sais combien d'apparences et d'âges différents, tu passes à travers les murs, tu te transformes en loup, je suis le seul... enfin pardon, depuis aujourd'hui je sais que je suis le seul avec Yves à pouvoir te voir, tu sais des choses qui se sont passées avant, tu prédis l'avenir, mais tu n'es rien d'autre que « mon amie imaginaire », c'est ça ? »

En un instant, elle disparut. Vexée probablement. Laissant Théo complètement désemparé.

Dany continuait à observer Théo en douce, il l'intriguait visiblement, beaucoup plus que le commissaire d'ailleurs, contre lequel ils auraient du être en colère.

A table, le commissaire ne parvenait pas à se dérider. Le visage posé sur son coude, lui-même posé sur la table, il se demanda «Putain... qu'est-ce-qui va m'arriver, je suis dans une merde noire. Pire que personne ne pourrait imaginer Théo ? » Mercadier ne pensait pas qu'à l'engueulade du maire face à la disparition de ce fameux dossier capital, ni à ce que la perte de celui-ci et le fait qu'il puisse engendrer une catastrophe qui ébranlerait le pays tout entier et ferait sortir de l'ombre la toute puissante Organisation du Cercle de Tollwut. Il déglutit difficilement en voyant Théo tourner et retourner encore et encore le carton sur lequel était indiqué «AXEL», se posant manifestement des questions. Et Yves ne se sentait pas du tout prêt à répondre à ces éventuelles questions.

Yves Mercadier.

Combien pouvaient se vanter de connaître son passé, son histoire, sa famille ? Qui savait que sa véritable identité avait été effacée et que son père, l'actuel respectable Ministre des Affaires Étrangères était en réalité un ancien criminel de guerre nazi ? Qui savait qu'à trois ans, il avait été abandonné dans un chariot de supermarché à Berlin, par une mère dont il n'avait plus jamais entendu parler par la suite ? Elle avait été violée dans le camp de concentration où on l'avait envoyée. Après la Libération, elle avait tenté d'aimer et d'élever son fils. Elle n'y était pas parvenue. Un soir, elle avait déposé l'enfant dans un chariot avec une lettre dans sa poche. Une lettre expliquant sa détresse.

Il avait été confié à son père.

Son père qui, lorsqu'il apprendrait la disparition du dossier réagirait bien plus violemment que le maire.

Deux personnes connaissaient le secret du beau commissaire blond aux yeux bleu, avec une mèche rebelle qui lui retombait toujours sur l'œil droit. Toujours élégant, qu'il soit habillé en civil, en uniforme ou de manière sportive. L'une d'entre elle était morte et à plusieurs reprises, aujourd'hui, jour de l'anniversaire de sa mort, sa petite amie/maîtresse/victime ? Comment fallait-il appeler une gamine de treize ans qui couchait avec un homme de vingt-six ans ? Et comment fallait-il appeler ledit « amant », lui apparaissait à plusieurs reprises, comme pour le narguer. L'autre, son meilleur ami avec Théo, mais même ce dernier ignorait le passé du commissaire. Yves avait bien trop peur que, jeune et idéaliste, le garçon ne puisse rester ami avec le fils d'un SS. Il avait déjà fallu du temps à Max Gimenez malgré leur solide amitié, pour « avaler la pilule ». L'autre, Axel Kramer, car il s'agissait bien de lui, l'avait appris par son père.

Axel.

Il était son ami jadis. Ils avaient fréquenté la même école, le même collège, le même lycée. Ils avaient joué ensemble, roulé à vélo, mangé des glaces, nagé dans le lac... Mais le destin du fils Kramer était tout tracé. Il ne pouvait qu'abandonner ses études et suivre les traces de son père. La vie avait éloigné le fils du ministre, Yves, et le fils du truand, Axel, même si tous deux savaient que l'amitié n'était pas morte. Il y avait entre eux trop de souvenirs douloureux, trop de reconnaissance aussi, de part et d'autre. Surtout de la part d'Yves... Les larmes lui montèrent aux yeux en évoquant ces moments terribles qu'il avait vécu, sans comprendre, et où Axel était venu à son secours avec les moyens de l'adolescent un peu plus plus jeune que lui, qu'il était à l'époque. Il aurait du écouter ses sentiments à la place de son devoir. Axel serait encore en vie aujourd'hui. Et tout serait tellement différent. Mais voilà, persuadé qu'Axel était protégé et qu'il ne pourrait rien lui arriver, Yves ne s'était préoccupé que de sa carrière. Et oui. Il fallait bien l'avouer, il avait trahi l'amitié d'Axel.

Pour sa carrière ? Ou pour autre chose ?

- « AXEL »... Dany Goldberg, le jour anniversaire de la mort d'Axel Kramer, murmura Théo. Je ne peux pas m'empêcher de relier le tout.

Yves regarda son jeune ami avec ce qui ressemblait à de la crainte dans le regard. « Pitié. Songea-t-il. Qu'il n'apprenne jamais cela. » Mais les événements semblaient bien mal partis.

« Ne rêve pas Yves. Il l'apprendra, Il ne peut pas faire autrement puisque tu refuses de le mettre à l'abri... Je t'ai dit tout à l'heure de l'éloigner. Envoie le à Malemort. »

« Mais sous quel prétexte ? Il a son boulot, sa famille, ses amis, ses études, qu'irait-il faire dans un village perdu et comment pourrais-je le convaincre ? »

« Tu as fait des choses bien pires que ça non ? »

Puis, une fois de plus, l'ado disparut.

Théo s'aperçut du trouble d'Yves, mais préféra faire semblant de rien et continuer à observer en douce Dany Goldberg et sa femme. En les regardant, il ne pouvait se défendre d'une sensation de déjà-vu.

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