CHAPITRE 44 : Acte de piraterie (1ère partie)

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En entendant le bruit de la navette en train de se décrocher du cargo, Tiana regarda son pilote. Celui-ci se tourna vers elle sans savoir quoi lui répondre. Ainsi il se contenta de hausser les épaules.

— Bordel, c’est quoi encore ça ?, s’exclama la Capitaine en voyant la navette bifurquer et se diriger droit vers le croiseur d’Atlan. Qui que ce soit, il va se faire descendre.
— Je ne pense pas. déclara la voix d’Ethan dans son dos.

Interloquée par cette affirmation, Tiana haussa un sourcil :

— Comment ça ?
— Il est parti chercher sa compagne. expliqua le jeune homme. Et j’en aurais fait pareil si c’était Mei qui s’était retrouvée entre les griffes d’Atlan.

— Pardon ? s’exclama l’ancienne militaire. Tu as laissé partir un des miens ?

— Non. J’ai laissé partir l’un des nôtres, Capitaine. rectifia l’arnaqueur. Et j’ai de bonnes raisons de croire qu’il…
— Qu’il va faire quoi ? Se faire tuer ? Ça, c’est même sûr ! s’écria Fry.

Les idées se bousculaient dans son esprit. Elle ne savait plus si elle était ravie de voir que l’aîné des Rem se considérât comme chez lui à bord du vaisseau ; ou bien qu’il fût véritablement tombé amoureux de Mei au point de risquer sa vie pour elle. Ou encore si elle allait le tuer pour avoir permis la disparition d’un autre membre de la famille improvisée qu’était l’équipage du Charon.

Finalement ce fut Tooms qui lança :

— Je dirai rien, mais tu aurais pu nous prévenir. Maintenant on va devoir aller les chercher tous les deux…
— Je viens de le faire, Ash. répondit simplement Ethan. Et je dois t’avouer que j’ai confiance en Daniels.

Tiana et Tooms n’en revenaient pas : ils venaient d’entendre Ethan Rem exprimer un peu de confiance envers la personne qui, quelques mois auparavant, était encore quelqu’un de si peu fiable. Cependant, ils devaient bien admettre que celui qu’on surnommait “la meilleure gâchette du Charon” n’était plus le même depuis l’arrivée de Sarina. Jack s’était adouci et semblait même s’inquiéter pour les autres.

— Ça nous dit pas comment on va faire pour s’en sortir ! s’exclama Tiana alors que des idées toutes les plus farfelues les unes que les autres mais toutes avec la même issue fatale lui venaient en tête.

— À cela, je crois que nous pouvons t’aider, ma chérie. déclara Seilah qui, accompagnée de Mei, arrivait sur la passerelle.

La Capitaine lança un regard stupéfait à sa compagne avant de voir que la jeune Azrienne n’était toujours pas dans son état normal. Quelque chose semblait l’avoir contrariée ; et qui la connaissait savait que ce devait être particulièrement grave pour la déboussoler à ce point. Voyant que la situation s’était un peu calmée dans l’Espace avoisinant, notamment car le Charon s’était suffisamment éloigné des tirs de l’Alliance, Fry s’approcha de Mei et prit les mains de la jeune alien dans les siennes :

— Dis-moi ce qui ne va pas. Je sais que c’est en rapport avec Sarina, alors raconte-moi ce qu’elle t’a dit.

— Elle m’a juste demandé de te dire un mot Je n’en ai pas compris la signification… Du moins jusqu’à présent.

— Et c’était quoi ce mot ?
— Sieran. répondit l’Azrienne.

La Capitaine se mit alors à réfléchir à toute vitesse et comprit presque immédiatement ce que la Synthétique avait voulu dire :

— Tooms, ralentis un peu, je veux qu’on puisse nous détecter pendant quelques instants. Prépare-toi à charger le moteur supraluminique. Mei, quant à toi, je veux que tu désactives ton camouflage pendant quelques secondes, le temps qu’on passe en vitesse supraluminique.
— On fuit alors ? demanda Tooms, déçu de voir que sa Capitaine se considérait comme battue.
— Tu rigoles j’espère, Ash. Rappelle-toi : il n’y a pas de situation totalement désespérée. Je veux juste leur faire baisser leur garde.

* * *

Dans la salle de torture, Atlan était totalement comblé : à ses pieds, Daniels se tordait de douleur, le Bâton de la Mort enfoncé dans son flanc ; derrière eux, la jeune Sarina Rem lui hurlait d’arrêter. Il ne restait plus qu’à détruire cette épave spatiale que Fry et les siens appelaient un vaisseau et la journée pour le Pisteur aurait été parfaite.

— Tu sais, Sarina. Même si tu ne parles pas, je prends vraiment mon pied avec ce gros tas de viande que tu appelles un ami. Il sont si faibles, je me demande comment tu oses te mélanger avec eux.

La jeune femme ne répondit toujours pas, mettant ainsi en rage le Commandant qui se précipita vers sa console et tourna à nouveau le bouton qui permettait au courant électrique de passer dans le corps de la Synthétique.

— Toujours aussi insolente ! s’exclama le Pisteur. Soumets-toi et je mettrai fin à vos souffrances à tous les deux.
— Je… ne sais… rien. hoqueta Sarina tandis qu’elle retenait ses larmes à grand peine.

Voyant qu’il n’arriverait pas à la faire craquer, il laissa sa chaise de torture fonctionnelle et empoigna le manche de son Bâton et le planta avec force dans les côtes de l’artilleur qui lâcha un hurlement déchirant.

— Parle, Sarina ! Parle ou je le tue ! beugla Atlan.

Soudain, un appel se fit entendre à l’intercom. Se disant qu’il aurait besoin de calme pour entendre la communication avec ses subordonnés, le Commandant arrêta la machine et posa son Bâton de la Mort. Puis, d’un pas rapide, il se dirigea vers la porte et écouta son appel :

— Comme c’est intéressant. commenta-t-il.

Il revint, hilare, vers les deux amis qui se demandaient ce qui était encore en train de se passer.

— Vous savez, je pensais vraiment pouvoir m'amuser avec vos autres amis.

Un cône lumineux s'alluma près de la console, et une image se déploya au-dessus. C'était une vue de l'Espace sidéral avec en son centre une silhouette que Sarina et Daniels reconnaissaient parfaitement : le Charon venait de passer en vitesse supraluminique.

Les deux amis échangèrent un regard éloquent : leurs amis avaient renoncé à l'idée de venir les sauver. Le désespoir les envahit alors.

— Rien ? Aucun mot de défi ? s'exclama Atlan, amusé par la situation. Non ? Je me contenterai alors des cris de celui-là.

Le Pisteur enfonça alors son Bâton de la Mort dans le flanc de Daniels, qui hurla sa souffrance.

* * *

Le Charon venait tout juste de sortir de vitesse supraluminique. Le voyage en lui-même n'avait duré qu'une ou deux minutes, ce qui ne les avait éloignés que d'un seul système. Sur la passerelle, Tiana était anxieuse : le plan de Sarina était complètement fou mais pouvait fonctionner. Pour cela, il suffisait d'en trouver toute une flotte. Et justement, ils étaient tout près de la frontière officielle de leur territoire. Ash interrompit le fil des pensées de sa Capitaine :

— Boss. Ils sont juste devant nous. On fait quoi ?
— Demande à Mei de couper tous les systèmes non essentiels. On va faire les morts… Je vais me poster à la tourelle. Et tu me diras quand je pourrai faire feu.
— Pas de souci. Je vais me mettre en position et je te donnerai le signal.

En sortant de la pièce, la Capitaine aperçut sa compagne qui venait à sa rencontre :

— Y a-t-il quoi que ce soit que je puisse faire ?
— Oui, je vais devoir activer le canon depuis la tourelle extérieure. Tu peux venir m’aider, s’il te plaît ? demanda Tiana en lui faisant signe d’approcher.
— Toujours. répondit la Demoréenne.

Les deux jeunes femmes pénétrèrent dans l’armurerie désertée de son artilleur. Voyant les lieux vides de toute présence, Seilah demanda dans un soupir :

— Tu crois que ça va marcher ?
— C’est pas comme si on avait le choix. répondit sa compagne, aussi abattue qu’elle. Mais bon, aussi fou que ça puisse paraître, si Sarina estime que c’est le meilleur plan, je lui fais confiance.

Alors qu’elle endossait avec difficulté l’une des lourdes combinaisons spatiales, la Capitaine apostropha la Demoréenne d’un clin d’oeil tandis qu’elle lui enfilait le casque de ladite combinaison par-dessus la tête.

La Capitaine vérifia que tous les systèmes de son habit du moment fonctionnaient parfaitement, notamment l’arrivée d’oxygène, la pression ainsi que la radio. Puis, elle se dirigea d’un pas pesant vers le sas et ouvrit sa porte intérieure en tournant son verrou avant de s’y introduire et de la refermer derrière elle. Elle activa ses semelles magnétiques afin d’être collée à la coque et s’attacha à la ligne de vie qui courait le long de la coque du vaisseau. Après un signe du pouce montrant que Tiana était prête, la Demoréenne enfonça le bouton qui dépressurisa le sas, puis fit le même geste du pouce à sa compagne. Elle la vit ensuite tourner le levier pour ouvrir l’écoutille et sortir dans le vide spatial.

Il lui fallut quelques minutes à la Capitaine pour s'asseoir dans le siège derrière la tourelle. Devant elle, une dizaine de vaisseaux attendaient, comme s'il n'y avait aucune âme vivante à bord. Alors qu'un petit module passait à proximité, elle se cacha tant bien que mal derrière l'énorme canon et pria pour qu'il ne l'ait pas vue. Ces drones scannaient tout mouvement suspect sur les objet assez gros pour être une proie potentielle. Fry attendit que ce dernier l'ait dépassée et se remit en position, prête à faire feu.

L'énorme carcasse métallique du vaisseau en face d'elle lui faisait vraiment de l'oeil, comme si elle attendait impatiemment qu'on lui tire dessus. Elle savait qu’elle n’avait pas droit à l’erreur, mais également que Daniels et Sarina n’avaient plus beaucoup de temps. Elle était certaine que la Synthétique pourrait résister quelques temps ; Jack, cependant, risquait littéralement de se faire tuer. Ne tergiversant pas plus longtemps, l’ancienne militaire fit feu. D’un seul coup, comme une seule entité, la masse des vaisseaux se mit alors en mouvement et se jeta à la poursuite du cargo. C'en était impressionnant mais également terrifiant si bien que tandis que Tiana se précipitait vers le sas pour entrer à l'intérieur du Charon, à la radio, Tooms beuglait de terreur et de colère mélangées :

— Mais t’es complètement timbrée !? Je t'ai dit que je te donnerai le signal ! Mei, mets la gomme ! Faut qu'on se bouge et vite ! J'ai vraiment pas envie de me faire bouffer !

* * *

Cela faisait vraiment un bon moment qu'Atlan n'avait pas pris un tel plaisir. Il s’était d’un côté délecté des hurlements de douleur de ses victimes ; il avait également apprécié faire cracher son sang à l’abruti, tellement que le Pisteur aurait pu repeindre tout le sol de la salle de torture avec s'il l'avait voulu. Mais il avait dû calmer ses ardeurs pour les garder tout deux en vie. C'était essentiel s'il voulait soutirer les informations que contenait le cerveau de la Synthétique. Il savait qu'elle était en possession d'informations compromettantes et il se devait de les lui extraire. Pour sa supérieure.

Cependant, on l'avait appelé sur la passerelle et il avait dû remettre sa partie de plaisir à plus tard. Apparemment c'était urgent, si l'on en croyait la voix affolée de l'officier à qui il avait parlé quelques minutes auparavant. Il soupira, ayant l'impression que rien sur ce vaisseau n'était possible sans son propre investissement.

Il arriva sur la passerelle du croiseur et, au vu de l'agitation qui y régnait, il comprit que quelque chose n'allait pas. D'un geste, il arrêta le Caporal Rhys qui passait devant lui :

— Caporal Rhys. Au rapport. ordonna-t-il.

Rhys claqua les talons et salua son supérieur avant d’annoncer ce qui n’allait pas :

— On a détecté des signaux alarmants sur les senseurs, Monsieur. Il s’agirait apparemment de toute une flotte et elle se dirige droit sur nous.

— Contact dans combien de temps ?

— Environ cinq minutes, Monsieur.
— Bien. Rompez.

Le Pisteur laissa le Caporal retourner à son travail et s'approcha de son fauteuil, au centre du pont.

Soudain, Rhys revint, le teint livide. Il était tellement affolé qu’il en oublia même de saluer à nouveau son supérieur :

— Commandant ! De nouveaux relevés des senseurs viennent de nous parvenir. Le vaisseau des hors-la-loi revient mais ils semblent poursuivis.

— Ce sont les nôtres ? demanda Atlan, peu convaincu lui-même.

Le visage de l'officier devint blanchâtre tant il était terrorisé :

— Alors Caporal ? J'attends. s'impatienta le Pisteur, cassant.

— Oui, Monsieur, à vos ordres. Et non, ce sont... des vaisseaux Charognards...

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