CHAPITRE 43 : Derrière les lignes ennemies

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Sarina n’était pas loin. Jack Daniels le sentait au fond de lui. Mais où ? Derrière lui, les corps s’empilaient, signe de la récente lutte qui avait suivi son abordage en solitaire du croiseur d’Atlan.

Il s’arrêta un instant et commença à éprouver une intense fatigue : la combinaison qu’il portait commençait à être pesante.

Mais qu’est-ce qui m’est passé par la tête ?” se demanda-t-il tandis qu’une autre vague d’ennemis essayait de

le submerger.

Cependant l’artilleur était confiant : si en face de lui se dressaient des soldats chevronnés, Jack, quant à lui, avait appris de sa Capitaine qu’aucune situation n’était désespérée. Rangeant le récepteur qu’il avait “emprunté” à Mei dans sa poche ventrale et commença à tirer dans tous les coins. Il changea le mode de son arme pour tirer toujours plus rapidement et abattre de plus en plus de ses ennemis. Quand soudain, ceux-ci reculèrent d’eux-mêmes jusqu’à disparaître complètement, laissant ainsi le couloir complètement vide. La raison quant à elle était des plus simples : la silhouette si particulière d’Atlan venait de se découper de l’autre côté du corridor. Sentant sa présence, Jack se retourna et ne put empêcher un sourire mauvais de s’étaler sur ses lèvres :

— Je me disais bien que tes hommes agissaient bizarrement. J’imagine que c’est toi qui les a renvoyés.
— En effet.

— Pourquoi ? Tu as trop peur qu’ils voient comment je vais te ravaler la façade ?
— Au contraire, j’avais juste trop peur qu’ils essaient de te tuer avant que j’en aie réellement terminé avec toi. Après tout, nous avons l’un comme l’autre une revanche à prendre. Un combat qui nous départagera. Allez, maintenant, quitte donc ce ridicule accoutrement !

Intrigué par la demande d’Atlan, l’artilleur s’exécuta, posa son arme à terre et se débarrassa avec difficulté de son encombrante combinaison qui s’écroula lourdement sur le sol immaculé et miroitant du corridor.

— C’est étrange que tu veuilles absolument de ce combat. Je m’attendais à ce que tu me tues à la première occasion.
— Je dois avouer que j’y ai pensé. Mais ça n’aurait pas été aussi drôle que de te briser, l’abruti. Te tuer, là, comme ça, c’est petit. Alors qu’un combat, ça, c’est grandiose ! s’exclama Atlan.

Jack savait qu'il avait eu de la chance d'avoir battu Atlan lorsque celui-ci avait mis le pied à bord du Charon quelques mois auparavant. Mais là, ça serait différent. Daniels avait une excellente raison de se battre et sa rage de vaincre n'en était que plus grande. Elle ne portait qu’un seul nom : Sarina.

Comme ayant deviné les pensées de l’artilleur, le Pisteur exulta :

— Tu sais, l’abruti, je ne vais en aucun cas te tuer à l’issue de ce combat.
— Ah ouais ? s’écria Daniels. Comme si moi, j’allais hésiter…
— Comprends-moi bien. Je vais te tuer, mais je vais te briser avant toute chose. Je pense juste que je vais t’égorger devant les yeux de ton amie. Ça sera bien plus intéressant de voir si ça la décidera à me révéler tout ce qu’elle sait. Puis, si ça ne suffit pas, je m’occuperai de vos amis.

À ces mots, l’artilleur se précipita sur le Pisteur qui esquiva la charge de Daniels avec une facilité qui déconcerta ce dernier. Surpris, il ne vit pas le poing d’Atlan qui vint s’enfoncer dans son abdomen. Sous la puissance du coup, Jack fut projeté en arrière et s’écrasa lourdement au sol, loin derrière. La respiration de l’ancien mercenaire se coupa un instant et lorsqu’il la reprit, il ne put empêcher la quinte de toux qui lui vint. Un fluide au goût métallique lui arriva en bouche et il comprit : du sang. Jack toussa à nouveau et cracha un épais caillot de sang

— Tu n’as aucune chance ! jubila Atlan, ravi du déroulement du combat.
— Ouais je sais. répliqua Jack en se relevant péniblement. C’est déjà ce que tu disais la dernière fois, mais je t’ai quand même botté les fesses…

Alors debout, le Commandant de l’Alliance se mit à courir vers sa cible et dégaina son sabre. Au dernier moment, le Pisteur prit appui sur un mur et passa derrière Daniels avant de le marquer d’une immense croix sanglante de la largeur de son dos. Au cri de sa victime, Atlan éclata d’un rire tonitruant :

— Je t’avais prévenu. En même temps, les Synthétiques, comme ton amie ou moi, apprennent de leurs erreurs. Il était donc peu probable que tu réussisses à me battre. déclara le Commandant en enlevant son casque, révélant ainsi son demi-visage métallique.

Choqué par la révélation d’Atlan, l’artilleur eut un moment d’arrêt. Moment dont le Pisteur se servit pour agripper férocement son adversaire et le projeter au loin. Il empoigna ensuite son casque par le rebord, s’approcha de Jack avant de lui asséner un coup violent à la tête.

Voyant son adversaire complètement assommé, le Synthétique renfila son couvre-chef et s’approcha de l’intercom :

— C’est bon. Vous pouvez l’emmener avec mon autre prisonnière. annonça-t-il en pressant le bouton. Je les rejoindrai plus tard.

* * *

Sarina ignorait depuis combien de temps Atlan s’était éclipsé de la salle de torture. Peut-être était-ce trente minutes ? Ou quarante ? Ou bien était-ce uniquement cinq ? La Synthétique n’espérait en rien la dernière hypothèse. Mais dans cette pièce si sombre, isolée de tout, il était facile de perdre toute notion du temps.

Cependant, attachée sur cette chaise, la jeune femme avait eu le temps de penser à de nombreuses choses. Notamment au destin et au jeu sordide auquel il jouait. Était-ce le destin qui avait voulu qu’elle retrouve le dernier membre de sa fratrie quelques mois auparavant ? C’était soit ça, soit quelqu’un de particulièrement vicieux qui s’était amusé à jouer au dieu avec leurs survies. Après tout, c’était possible si l’on considérait qu’elle avait connu la position du Charon seulement quelques jours avant d’être admise à son bord, et ce, par un courrier anonyme. Au départ elle avait pensé que ce n’était qu’une coïncidence. Mais, plus elle y réfléchissait, plus la Synthétique commençait à imaginer qu’il s’agissait là encore d’une conspiration. Ou peut-être était-ce simplement l’atmosphère qui lui jouait des tours. En effet, elle était elle-même au sein d’une conspiration...

Soudain, la porte de la salle de torture s’ouvrit avec fracas, retirant Sarina de ses pensées. La lumière extérieure aveugla la jeune femme qui ne put distinguer les traits de ceux qui venaient d'entrer. Heureusement pour elle, si Sarina ne pouvait les voir, elle pouvait toutefois les entendre : la jeune femme perçut le bruit d'un corps qu'on lâchait puis celui d'une porte en métal qui grinçait. La Synthétique comprit facilement ce qu’il en était : l’intrus avait été neutralisé et jeté en cage. Une plainte sourde suivie d’une quinte de toux inquiéta la jeune femme. Cette dernière essaya de savoir de qui il pouvait bien s’agir quand ses yeux finirent enfin par se réhabituer à la pénombre : elle découvrit avec stupeur la silhouette massive de Jack Daniels, couché dans le sang séché de la cage.

— Jack ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?

L'artilleur ne répondit que par un grognement. La Synthétique réitéra donc, plus fort :

— Jack ! Réponds-moi ! le supplia-t-elle presque. Dis moi que ça va.

L’ancien mercenaire se retourna lentement vers Sarina, un faible sourire sur le visage :

— Salut, ma belle. Je suis content de t’avoir trouvée...
— Parce que tu es spécialement venu me trouver ? C’était stupide...
— Ton esprit a pris inconsciemment le contrôle du Charon. la coupa-t-il.

La jeune femme ouvrit des yeux ronds en entendant les paroles de Daniels : ainsi une partie d’elle était toujours en communication avec le cargo. Soudain l’unique porte de la salle de torture s’ouvrit à nouveau, laissant apparaître la silhouette d’Atlan. Celui-ci portait un seau et il s’empressa de jeter son contenu sur Daniels. Puis le Pisteur retira son casque et s'empara d'un objet posé près de sa console. Il s’agissait d’une sorte de long tube cylindrique et métallique dont le manche était enveloppé de cuir.

— Tu vois, Sarina. jubila le Commandant en brandissant l’objet sous le nez de la jeune femme. Ceci est appelé un “Bâton de la Mort”. C'est un artefact d'une grande rareté pour quelqu’un qui, comme moi, sait apprécier l’art de la torture. Son contact avec la peau des humains ou des aliens provoque une douleur atroce à celui qui en fait les frais. Et si nous autres, Synthétiques, ne serions pas affectés, ton ami ici présent, quant à lui, ...

Le Pisteur s'approcha de la cage dans laquelle était enfermé le pauvre Daniels qui était encore à moitié inconscient.

— Parle ! Et j'abrègerai vos souffrances à tous les deux ! beugla Atlan, hors de lui.

La Synthétique restant toujours muette, le Pisteur posa l'extrémité de l'objet sur la peau de l'artilleur. Le bâton lui arracha un hurlement de douleur. Cependant lorsque Atlan retira l’artefact du tube, l’ancien mercenaire, à présent conscient de tout, s’écria avec un air de défi :

— Lui dis rien, Sarina ! Je peux supporter ça toute la journée !

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