CHAPITRE 36 : La vérité dans toute son horreur

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En quelques instants, le plan d’Ethan et de Mei avait porté ses fruits, permettant ainsi au Charon de terminer son voyage vers la surface de Terra en toute sécurité. Se sentant plus en sécurité, Tiana et ceux qui étaient sur la passerelle purent enfin découvrir le paysage zébré d’éclairs de Terra dans son ensemble : un sol gris et rocailleux, hérissé de hauts reliefs montagneux et enneigés.

La Synthétique montra brusquement un endroit du doigt :

— Là ! s’écria-t-elle. C’est là qu’est le projet D.I.M.A. !

De longs bâtiments argentés se dévoilèrent alors, signe de l’existence du fameux complexe de l’Alliance. Omnibulé par la zone que montrait sa soeur, le pilote ne vit pas qu’il fonçait dans un large nuage. Ses senseurs lui indiquèrent alors une énorme masse juste devant lui : il s’agissait d’une grande flèche de pierre en lévitation.

— Sérieux, il faudra qu’on parle aux mecs qui ont créé cette fichue planète ! s’écria-t-il. La gravité est pas la même partout et maintenant on se retrouve avec des cailloux flottants…
— Calme-toi et reste concentré. lui intima Fry. Il faut qu’on se retrouve dans cette grotte et en un seul morceau.
— Bien compris, Boss. maugréa le timonier.

Il lui fallut quelques minutes pour retrouver sa trajectoire en direction de la grotte et se poser à l’intérieur. De son côté, Tiana s’était précipitée droit vers la salle de chargement où elle avait retrouvé Mei, Ethan et Jack ainsi qu’Alistair, regroupés autour de la Hover-Car. Les trois hommes étaient en pleine discussion tandis que Mei s’occupait seule des derniers ajustements du véhicule pour accéder à la surface électrique de Terra. Choquée par ce spectacle, la Capitaine ne tarda pas à faire entendre sa voix :

— Oh les gars ! C’est quoi ce plan ?

Les trois hommes firent volte-face vers l’ancienne militaire qui continua :

— Vous osez discuter en laissant tout faire à Mei. Vous êtes vraiment pitoyables…
— Mais non, ce n’est pas … commença Ethan.

Soudain, la jeune Azrienne releva la tête et rétablit la vérité :

— C’est moi la fautive, là. Je leur ai demandé de ne rien faire et j’ai tenu à tout régler. Moi-même.

La Capitaine soupira. Bien sûr que c’était elle qui l’avait demandé. Mei était ainsi, perfectionniste jusqu’au dernier moment, ne souhaitant jamais déléguer ses propres tâches. L’ancienne militaire se dirigea vers la large porte de la soute et enclencha le gros bouton d’ouverture. L’immense trappe se baissa lentement laissant apparaître petit à petit le paysage désolé de la planète, avec au loin de gigantesques montagnes. Les flèches rocheuses étaient encore plus incroyables vu d’en-dessous : on aurait vraiment dit qu’elles avaient été arrachées du sol de Terra et qu’elle tenaient en l’air comme par magie.

Coupant Fry dans ses réflexions, Sarina l'interpella :

— Capitaine, je dois vous demander… Qui viendra avec nous ?

L’ancienne Indépendantiste regarda longuement les quelques personnes devant elle et réfléchit quelques instants. Puis elle répondit :

— Sarina, tu le sais, on a besoin des meilleurs pour cette mission. Donc on va avoir besoin de Jack et d’Alistair.

Puis, voyant la tête que faisait la mécanicienne, elle ajouta :

— Mei, non, tu viens pas. Tu as beau être notre meilleur atout, j’ai besoin que tu prennes soin du Charon au cas où on aurait besoin de partir en vitesse.

Vexée, l’Azrienne leva les yeux au ciel et s’en retourna vers son antre. Devant une telle réaction, Tiana murmura à Ethan de prendre soin d’elle. Puis elle s’installa au volant de la Hover-Car. Elle attendit quelques instants que ses compagnons prennent place avant de presser la pédale d’accélérateur et de s’élancer dans les plaines rocheuses et désertes de Terra.

Le voyage fut assez rapide tant l’invention de Mei, un bouclier miniature similaire à ceux du Charon, était efficace et permettait aux éclairs d’être déviés de la carcasse métallique du véhicule. Le seul problème venait du fait que le mécanisme fonctionnait sur la batterie, comme tous les autres systèmes électriques. Le trajet se devait donc d’être des plus courts. Mise au courant de ce fait par Alistair, Fry roula pied au plancher et fila encore plus vite vers les bâtiments qu’avait trouvés Sarina et qui étaient certainement le lieu de sa conception.

La jeune Synthétique ne montrait aucune émotion. Cependant, à l’intérieur plusieurs d’entre elles se mélangeaient pour former un cocktail explosif : colère, dégoût, tristesse, incompréhension, pour ne citer qu’elles. La rage et la répulsion envers ce qu’on lui avait fait et qui en était à l’origine. Mais également le chagrin et même la pitié pour ces gens qui en étaient réduits à faire du mal à des civils. Quant à l’incompréhension, elle était pour l’intérêt du projet D.I.M.A. pour l’Alliance. Mais peut-être allait-elle trouver les réponses dans le complexe argenté qui se trouvait à présent devant elle.

Ledit complexe semblait totalement inoccupé, mais avait l’air de n’avoir été vidé que très peu de temps auparavant. Les grilles qui l’entouraient étaient encore ouvertes et aucun bruit ne provenait de ces bâtiments ressemblant à des usines. Toutefois, prudente comme jamais, Tiana dégaina son blaster au cas où son équipe et elle se seraient trouvées face à une quelconque résistance. Elle fut suivie dans son geste par Daniels et Alistair qui armèrent leurs calibres. Sarina, quant à elle, était restée calme. Elle ne semblait pas le moins du monde inquiète par ce qui pourrait arriver. Intriguée, Tiana lui demanda la raison d’un tel comportement :

— Sarina ! Qu’est-ce que tu fais ?
— Ne vous inquiétez pas, Capitaine. Ils ont tout vidé et j’aurais dû m’en rendre compte plus tôt. La recherche que j’ai faite a dû déclencher une alarme.

Soudain, un odeur d’ozone empesta tout autour d’eux. Par pur réflexe, Tiana regarda au-dessus d’elle pour voir un épais nuage foncé : un éclair était sur le point de se former, et sans la protection de Mei, les membres de l’équipe étaient vulnérables.

— Courez ! s’écria-t-elle en se précipitant vers l’entrée du complexe.

Derrière eux, le choc de l’électricité sur le sol les catapulta en avant, près d’un étrange poteau en métal surmonté d’une sphère. Fry remarqua alors que la large allée qui conduisait jusqu’à l’entrée du bâtiment était jalonnée par toute une série de ces choses, et elle comprit : il s’agissait d’une sorte de paratonnerres qui avait été désactivés en même temps que tous les autres éléments électriques des bâtiments lors de l’évacuation.

— Foncez et vous arrêtez pas ! continua la Capitaine en voyant que le courant dans l’air était irrésistiblement attiré par les pieux métalliques.

Les quatre amis se relevèrent rapidement et coururent se mettre à l’abri dans l’un des bâtiments avant de s’engouffrer dans l’une des portes laissées ouvertes.

À l’intérieur, ils découvrirent avec horreur le fonctionnement du projet D.I.M.A. : des dizaine de rangées de corps inanimés avaient été plongés dans des cuves transparentes, et immergés dans un liquide bleuté à l’aspect visqueux. Ils étaient reliés au sommet du cylindre par des tubes flexibles et étaient tenus verticalement par une énorme pince métallique. Cependant le pire était encore à venir : derrière ces mêmes rangées s’en dressait une autre, d’un style différent. Derrière chacune des cuves était installé un établi sur lequel était posé un corps synthétique inachevé au-dessus duquel était disposée une étrange machine. Elle était composée notamment de deux bras, chacun terminé par une pique métallique. En réalité seul le visage de l’être synthétique était terminé ; le plus effrayant étant que ce dernier avait exactement les mêmes traits que l’occupant de la cuve juste derrière.

— Merde ! hoqueta Jack en découvrant ce que l’Alliance avait fait ici.

— C’est juste incroyable… ajouta Alistair. Et horrible…
— Typique de l’Alliance. termina Fry. De la technologie et une mauvaise utilisation de celle-ci.

Seule Sarina était restée muette, voyant pour la première fois comment elle avait été créée. Cela l’avait profondément choquée. Voyant l’état de la Synthétique, Tiana posa une main réconfortante sur son épaule :

— Ça va aller ? demanda-t-elle.

Le visage de la Synthétique s’éclaira faiblement d’un sourire qui ne parvint pas à tromper la Capitaine :

— Oui. Je me dois d’aller au mieux. Je dois savoir pourquoi j’ai été créée. déclara Sarina.

La jeune femme dépassa d’un pas rapide les cuves et se dirigea vers les étages supérieurs où elle trouva un levier qu’elle empoigna fermement et qu’elle abaissa : les lumières se firent dans la pièce et le petit groupe découvrit avec stupéfaction que la pièce était en réalité d’une immensité révoltante. On aurait dit que l’Alliance était en train de créer une véritable armée de Synthétiques mais que la recherche de Sarina les avait coupés dans leur élan.

— C’est écoeurant. lâcha Alistair. Je n’aurais jamais imaginé que l’Alliance puisse faire une chose pareille.
— Bienvenue dans mon monde, Doc. répondit Tiana avec lassitude. Et encore, je doute que ces salauds n’aient qu’un seul complexe de ce genre.

Bien qu’un peu surpris par de telles paroles, le médecin ne dit rien. Il se contenta de suivre la Synthétique qui s’était dirigée dans d’autres couloirs vitrés, les faisant passer d’un bâtiment à un autre : celui-ci était bien moins cauchemardesque, notamment par l’absence de corps puisqu’il s’agissait d’un bâtiment administratif. Si l’on en croyait la position des différents bureaux, celui-ci était composé d’un vaste open space avec, en hauteur, un immense disque transparent que Sarina reconnut tout de suite :

— Ça doit être le bureau du superviseur du projet. Vite ! s’écria-elle en se précipitant par l’unique escalier pour y accéder.

Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, ils y découvrirent une décoration moins sobre que celle, blanchâtre, de l’open space. Chaleureuse même, notamment au niveau des murs ocre. Malheureusement pour Sarina, tout comme les bureaux plus bas, les meubles avaient été complètement vidés, ne laissant qu’une infime couche de poussière en place des documents. Une lueur de désespoir passa sur les traits de Sarina qui resta alors interdite. Jack s’approcha d’elle et lui prit la main :

— Je suis désolé pour toi. Je savais que c’était important.

Tiana, quant à elle, ne décolérait pas. Un air mauvais sur le visage, elle s’approcha du bureau avec l’intention de le renverser pour décharger sa rage. Quand soudain, elle nota un clavier encastré dans le bois du bureau.

— Doc. appela-t-elle. Ça vous dit quelque chose ?

Intrigué, le médecin s’approcha et fut surpris par la découverte de Fry :

— Je crois que vous avez trouvé exactement ce que notre amie cherchait : c’est le terminal d’accès du superviseur.

Alertée, la Synthétique s’approcha de ses deux amis, suivie de près par son compagnon :

— Poussez-vous, je vais essayer de le pirater. déclara-t-elle.

Les trois camarades se décalèrent, laissant ainsi le champ libre à la Synthétique qui se mit alors au travail. Il ne lui fallut alors que quelques minutes pour qu’un unique bip retentisse :

— Ça y est ! Je suis entrée. déclara la jeune femme, tandis qu’un faible cône de lumière, dans lequel dansait de nombreuses particules de poussière, descendait depuis le plafond. Il se concentra en un faisceau qui s’élargit pour former une vague silhouette humanoïde sans visage. Une voix grave en sortit :

— Bienvenue dans le complexe de l'Alliance X-031, dédié au projet D.I.M.A. déclara-t-elle, mécaniquement.

Dévorés par la curiosité, Tiana et ses amis s'approchèrent de la silhouette qui continua son discours, comme la machine qu'elle était.

— Cette unité virtuelle est actuellement en accès restreint.

Un air sérieux sur le visage, le médecin se tint alors devant l'hologramme, et lança d'une voix autoritaire :

— Contournement des dernières directives. Autorisation Alpha-Trois-Delta.

L'hologramme changea de voix, prenant celle d'une jeune fille :

— Veuillez entrer vocalement le sujet de votre requête.

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