CHAPITRE 33 : Le calme avant la tempête

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Quelques jours plus tard, la famille du Charon avait repris un rythme de vie à peu près normal. Tooms s’était remis aux commandes et sifflotait malgré son angoisse grandissante à mesure que le cargo approchait de la mystérieuse planète répondant au nom de Terra.

Le Docteur Gun, quant à lui, s’était remis de ses émotions dans le laboratoire cybernétique et avait décidé de s’occuper de ses plants médicinaux dans la serre hydroponique. Il était aidé dans sa tâche par Seilah qui, venant d’une planète aride, avait des idées connues uniquement de son peuple pour conserver l’eau à bord du vaisseau. Elle avait laissé sa compagne un moment seule, plongée dans un roman.

D’ailleurs, c’était plutôt Tiana qui le lui avait demandé : depuis son passage dans le quartier de haute sécurité de Sieran, les deux femmes s’étaient éloignées, ce que la Demoréenne ne comprenait pas entièrement. En effet, Fry avait été très discrète sur ce qu’elle avait subi et l’alien respectait ces dispositions, même si elles lui déplaisaient.

De son côté, Sarina avait demandé à Daniels, comme souvent posté à l’armurerie, un apprentissage rapide quant au maniement des armes. Tandis que la jeune femme s’était attendue à trouver un Jack enjoué, elle l’avait découvert pris de court et mal à l’aise. Mais il avait accepté. En pleine leçon et toujours intriguée par le comportement de l’artilleur, elle lui demanda alors la raison d’une telle gêne :

— Jack, je peux te demander quelque chose ?
— Bien sûr. répondit-il alors qu’il s’apprêtait à tirer.
— Pourquoi es-tu si bizarre avec moi ?

Choqué par la franchise de la jeune femme, Jack rata son tir si bien que la Synthétique se moqua :

— Tu vois ? À peine je te parle, tu te déconcentres…

Ne sachant que répondre et ne voulant pas paraître bête devant la jeune femme, l’artilleur se contenta de maugréer quelque chose dans sa barbe et tenta de reprendre son cours. Cependant, la jeune femme ne semblait pas vouloir en démordre :

— Sérieusement Jack ? Tu ne vas pas me répondre ?
— Pour te dire quoi ? Tu fais partie de notre famille, c’est juste ça… Te perdre nous aurait tous rendus très tristes.

— Une famille que j’ai blessée… soupira Sarina.

Jack reposa alors son arme dans son holster et nota à quel point la jeune femme était encore rongée par le remords suite à l’incident qui s’était produit dans le laboratoire.

— Écoute, gamine. lui répondit-il, déclenchant par la même occasion une moue boudeuse de Sarina au son de ce surnom. Je pense que personne t'en veut à bord. Alors arrête de te prendre la tête avec ça. Après tout, on est tous encore en vie et c'est ça l'important.

Voyant que l’artilleur allait peut-être se brusquer sous le coup de son insistance, Sarina ne continua pas à s’appesantir. De même qu’elle commençait à se dire que Daniels lui dirait ce qu’il avait sur le coeur en temps et en heure, elle sentait que le presser avec ses incessantes excuses ne ferait qu’accroître la gêne qui s’était déjà installée entre eux. Changeant brusquement de sujet, la jeune femme remarqua une arme posée bien en évidence devant elle et demanda :

— Bon, et ça, de quoi s’agit-il ?

L’ancien mercenaire s’empara de l’arme et, fièrement, la chargea :

— Ça, c’est mon bébé. Un fusil à pompe laser, une arme à courte portée : une seule cartouche lance six rayons dans un cône de cinq degrés devant lui. Inutile de dire que l’adversaire a peu de chance de s’en sortir.

Impressionnée par tout le savoir qu’avait emmagasiné son ami, Sarina dodelina avec une moue expressive sur les lèvres. Elle était fière de pouvoir apprendre de nouvelles choses avec un tel spécialiste.

Daniels, de son côté, était bien content de voir que la jeune femme buvait ses paroles au lieu de le questionner. Il prit une arme similaire et l’arma également :

— Ça, c’est un fusil du même type, mais il utilise des cartouches. Quand tu tires tu as un recul de la douille et c’est ça qui réarme ton fusil…
— Tu es vraiment intarissable… s’extasia la Synthétique. Puis-je essayer ?

L’artilleur regarda l’arme et soupira. Bien loin de lui l’idée d’être médisant sur les capacités de Sarina, mais à la vue de son gabarit assez fin, il ne put s’empêcher de répondre :

— Tu es sûre ? Je veux dire… C’est assez lourd.

Mais la Synthétique avait l’air décidée. Elle hocha la tête et attrapa l’arme comme si de rien n'était avant de tirer sur les cibles qui se trouvaient devant elle. Chacune d’elles avait un trou en plein centre si bien que Daniels ne put s'empêcher d'ouvrir des yeux ronds comme des billes en voyant un tel résultat :

— Tu es certaine que c’était ta première fois ? demanda-t-il en remarquant la précision de la Synthétique.

Encore une fois, cette dernière opina du chef, faisant blêmir Jack.

— Sérieusement, Sarina, rappelle-moi de ne jamais te chercher des noises, d'accord ? dit-il, presque effrayé de l’efficacité au combat de la jeune femme.

Sarina rigola alors d'un rire franc et cristallin, et déposa un baiser sur la joue du mercenaire. Peu habitué à une telle marque d’affection, le teint blême de Jack passa rapidement au rose :

— Bon... ajouta-t-il, gêné. On continue ?

* * *

Comme à son habitude, Mei était dans la salle des machines et finissait la révision des dernières améliorations installées sur les systèmes de propulsion. Étrangement, le brouhaha général ne semblait en rien déranger les sens aiguisés de la mécanicienne. Habituée, l’Azrienne trouvait même cela reposant, l’enfermant dans une bulle sonore. Il en était de même avec les odeurs d’huile qui recouvrait, ça et là, le sol et les murs. Aussi quand Ethan vint lui rendre visite, en aucun cas elle ne l’entendit ni le sentit arriver : lorsqu’elle se retourna, elle sursauta, surprise de le voir juste devant elle. La mécanicienne retint un juron et frappa gentiment le jeune homme :

— Tu m’as presque fait avoir une crise cardiaque ! s’exclama-t-elle. Tu aurais pu toquer quand même.

La jeune homme inspira profondément alors que l’Azrienne posait une main sur sa poitrine.

— Alors petit un : ces moteurs font tellement de bruit que, même si je l’avais fait, je doute que tu m’aies entendu toquer. Et petit deux : sérieusement ? Je fais si peur à voir ?
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. répondit Mei en rougissant. Tu es bien loin d’être effrayant…

Ayant peur de comprendre, le jeune homme fit un pas en arrière. Bien qu’ayant une certaine réputation de séducteur, il n’avait utilisé que ce genre de talents que pour arnaquer ou détourner l’attention de certaines cibles. Jamais pour une vraie relation. Une relation comme celle qu’il espérait avoir avec Mei. Cependant, s’il se fourvoyait, cette dernière pourrait se mettre tout bonnement à le détester. Ne sachant que dire au final, le teint rosi par la gêne, il s’approcha de Mei. Un pas après l’autre. Avant de la prendre délicatement dans ses bras :

— Merci. dit-il simplement.

Bien que surprise, la jeune mécanicienne accepta l’accolade qu’elle pensait amicale. Après tout, comment un gars comme Ethan pourrait-il trouver un quelconque intérêt avec une femme comme elle ? C’était du moins ce que pensait Mei, se voyant comme une Azrienne qu’on avait mise en sécurité hors de sa planète et qui s’était retrouvée quelques mois plus tard sur le Charon. Une alien à l’apparence salie par son amour de l’ingénierie qui n’allait pas du tout avec les standards d’Ethan.

Mettant fin à l’accolade, Mei regarda le jeune arnaqueur, ébahie. D’habitude si sûr de lui, parfois même un peu hautain, elle le découvrait gêné, juste pour la remercier. La mécanicienne n’en revenait pas :

— Tu sais qu’il t’a fallu trois heures pour me dire ça ?

Le jeune homme se gratta la nuque et ses lèvres s’étirèrent en une moue dubitative. Tandis qu’il n’osait pas la regarder en face, elle était sûre qu’il lui cachait quelque chose :

— Franchement, Ethan, si tu as quelque chose à me dire, vas-y.
— J’ai peur que tu le prennes mal... hésita-t-il.

L’Azrienne leva les yeux au ciel puis se pinça l'arête du nez, une manie qu’elle avait empruntée à Tiana depuis qu’elle la connaissait. Soudain, bien trop brutalement à son goût, elle lâcha :

— Bon vas-y, crache-le !

Surpris, le jeune homme s’exécuta sur-le-champ :

— Tu es celle qui a réussi à me rendre ma soeur et je voulais te remercier. Je sais pertinemment qu'un simple "merci" n'est pas suffisant en comparaison de ce que tu as fait, mais je me rattraperai. promit-il.

— Écoute. Sarina est devenue un membre de cet équipage. C'est normal. Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça même si c'est gentil d'y avoir pensé.

Voyant que certains de ses outils traînaient au sol, la jeune Azrienne décida de les ranger dans une boîte au sol, sous les yeux ahuris d’Ethan. En effet, celui-ci ne comprenait pas ce qui l’avait décidé à sortir de son antre : personne ne l’avait appelé à l’intercom et personne n’était venu la voir. L’alien se précipita alors vers le jeune homme et lui prit la main. Le contact, bien que surprenant au début pour le jeune homme, fut comme une décharge électrique dans le coeur des deux jeunes qui se regardèrent longuement. Puis dans un léger moment de gêne, Mei entraîna son compagnon vers le mess :

— Si tu veux, tu peux venir manger en ma compagnie. Tu pourras me raconter comment c’était avant, pendant que tu faisais tes arnaques. lui dit-elle, en l’apostrophant d’un clin d’oeil malicieux.

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