CHAPITRE 30 : Remise en service

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Mei ne pouvait pas être plus heureuse : si des larmes roulaient sur ses joues, cette fois-ci, elles étaient de joie. Celle de revoir sa Capitaine en vie et relativement bien portante. D’abord interdite, elle se jeta directement à son cou, mais fut doucement repoussée par celle qui leur avait tant fait peur :

— Tiana ! Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle.

Bien que souriante, la jeune Capitaine semblait meurtrie par quelque chose qui lui était arrivé pendant ces trois mois d’absence.

— Tu nous as fait une peur bleue, tu sais ? s’exclama cette dernière. Tu n’imagines pas à quel point nous étions tous inquiets.
— Je sais, tu peux en être certaine. répondit simplement Fry sentant ses propres larmes rouler.

Intrigués par la course de Mei, Jack et Vesha’Ah approchèrent alors, découvrant une Tiana en compagnie de l’Azrienne et d’un inconnu aux bras robotiques. Méfiant, Daniels sortit son arme et la braqua sur Turan qui lui jeta un regard noir.

— Tu es qui, toi ? lança l’artilleur au hors-la-loi.
— Daniels ! Calme-toi ! plaida la Capitaine. Max m’a aidé à sortir de Sieran.

— Max ? Comme dans Maxwell Turan ? Celui qu’on surnomme “la Bête” ? Et sérieusement, Boss, l’autre tache d’Atlan t’a envoyé trois mois sur Sieran ? enchaîna Jack, apparemment devenu très loquace.

La jeune femme ne put retenir un ricanement alors qu’elle entendait la durée qu’elle avait passée sur la planète carcérale :

— Oh, je suis persuadée qu’il voulait m’y laisser plus longtemps, mais disons que les Charognards s’en sont mêlés. Ils ont tué presque tout le monde…

Entendant les révélations de sa Capitaine, Daniels eut un regard ahuri, quand soudain, Turan se racla la gorge :

— Bon, Fry, c’est pas que je m’ennuie, mais je crois que c’est là qu’on se sépare. Et merci d’avoir payé notre sortie. ajouta-t-il en s’éloignant vers les tréfonds du spatioport.

— Vous me donnez deux minutes ? lança alors l’intéressée à aux deux membres de son équipage qui la fixaient sans comprendre.

L’ancien Sergent se précipita à la suite de son partenaire d’évasion et lui passa devant, l’arrêtant en plaquant sa paume sur son poitrail musclé :

— Attends ! Tu es sûr que tu veux partir ? Je veux dire… On pourrait te déposer ou même t’accueillir.

— T’es sympa, gamine. Mais ce que tu as avec ces gens, avec ton équipage, c’est quelque chose qui ne me convient pas. Je suis un solitaire, moi.

— Pourtant, on fait une bonne équipe… soupira la Capitaine.
— Ça, oui. Mais t’inquiète pas, quelque chose me dit qu’on se reverra, Fry.

Sur ces paroles, il apostropha la Capitaine d’un clin d’oeil et bifurqua vers la sortie du spatioport.

— Ça va aller, Fry. C’est un grand garçon. déclara une voix dans son dos.

C’était Skye qui, adossée à une pile de caisses, attendait que le plein de son chasseur volé fût fait.

— Ça, j’en doute pas. Et toi ? demanda l’ancien Sergent. Tu fais quoi maintenant ?

— J’imagine que je vais essayer de faire améliorer ce petit vaisseau. Avec du meilleur armement ou de meilleurs systèmes. C’est ça quand on a pas un petit génie à bord… ajouta-t-elle en désignant quelqu’un de la tête derrière Tiana.

Cette dernière se retourna et vit les deux personnes auxquelles elle s’attendait ainsi qu’une Obolienne inconnue et couverte de poussière. Intriguée, Fry haussa un sourcil :

— Et toi, qui es-tu ?

— Je m’appelle Vesha’Ah. C’est moi qui ait trouvé votre alternateur cyridonien.
— Quel alternateur ?
— C’est pour Sarina. On a presque tout récupéré pour la réparer.

Les lèvres de la Capitaine s’élargirent en un franc sourire tandis qu’elle se sentait particulièrement fière des avancées de son équipage pendant son absence. Cependant, quelque chose l’attristait : elle avait espéré revoir quelqu’un dès son arrivée sur Obol. Aussi demanda-t-elle où cette personne ne trouvait :

— Vous savez où est Seilah ?

N’osant pas expliquer la situation, Daniels laissa Mei répondre :

— Depuis ton départ, elle s’est enfermée dans vos quartiers, n’en sortant que pour les repas. Elle fait vraiment peine à voir si tu veux mon avis. Mais maintenant que tu es là, j’imagine que ça va aller bien mieux pour elle.

Entendant la cassure dans la voix de la mécanicienne, la Capitaine comprit aisément à quel point la situation était grave et, en conséquence, elle se précipita à bord. Elle y croisa la plupart de ses membres d’équipage, notamment Alistair et Ethan, ainsi que la conscience de Sarina toujours couplée aux systèmes principaux du Charon, qu’elle salua rapidement.

L’ancienne militaire pénétra donc dans le mess, où elle nota quelques changements : il y avait maintenant une immense coupole transparente qui laissait passer la lumière des néons du spatioport jusqu’à l’intérieur de la pièce. Elle remarqua aussi que quelques éléments avaient été modernisés. Sachant qu’elle aurait tout le temps de demander à Tooms de quoi il retournait, elle traversa la salle réservée aux repas pour s’engouffrer dans le couloir menant à la passerelle. À mi-chemin, elle attrapa les deux pans de l’échelle qui descendait jusqu’à ses quartiers et se laissa glisser. Arrivée, elle toqua à la porte :

— J’ai dit que je ne voulais voir personne ! s’écria la voix de Seilah avec colère.

Tiana essaya d’ouvrir la porte et remarqua qu’elle était verrouillée. Elle fit alors un signe à la caméra et Sarina comprit. Un claquement sonore se fit entendre et Seilah hurla à nouveau :

— Sarina, tu es vraiment une garce ! Je t’ai dit que je ne voulais pas que tu ouvres à quiconque !

— Pas même à moi ? lâcha Fry en ouvrant brusquement la porte.

Interdite, la Demoréenne s’arrêta dans sa course et posa ses mains sur sa bouche, étouffant un cri.

— Ma belle, je suis rentrée. se risqua Fry.

Seilah se jeta alors sur sa compagne et l’embrassa sans remarquer la gêne de cette dernière. De brûlantes larmes de joie ruisselaient le long des joues de l’alien et se mélangeaient aux marques d’affection. Tiana ne pouvait, quant à elle, que la consoler en la serrant dans ses bras et en caressant doucement sa longue chevelure ébène. Cependant, il était évident qu’elle n’était pas du tout à l’aise.

— Je suis là et je peux te jurer que je partirai plus. déclara-t-elle.

* * *

Une demi-heure plus tard, Seilah s’était enfin calmée et Tiana avait décidé de prendre une douche. Cependant, elle avait tenu à rester seule sous l’eau brûlante qui coulait le long de ses courbes généreuses. Après tout ce qu’il s’était passé sur Sieran, elle n’osait plus être vue ainsi, pas même par Seilah, qui pourtant la connaissait sous toutes les coutures. Elle supportait à grand peine qu’on la regarde habillée, alors nue, c’était une véritable épreuve. Mais le pire ce n’était pas ça : elle était devenue froide avec les personnes qu’elle aimait. Pourtant elle aurait voulu leur montrer ce qu’elle ressentait. Mais elle ne pouvait pas. Tout comme elle ne s’imaginait pas leur avouer les raisons de ce changement d’attitude.

La jeune femme coupa l’arrivée d’eau, estimant avoir passé assez de temps sous la douche, et sortit. Elle vérifia du coin de l’oeil que Seilah était sortie et s’habilla. Elle trouva une tenue assez proche de celle qu’elle portait auparavant et enfila son manteau ainsi que son blaster.

Quand elle sortit enfin, elle remarqua que Jack Daniels l’attendait : il avait l’air surexcité mais également arborait un sourire crispé montrant à quel point il était soucieux.

— Tu voulais me voir ? le questionna Tiana, intriguée.
— Oui, Boss. Enfin, c’est plutôt Tooms qui m’a demandé d’aller te chercher.

La jeune femme escalada prestement les quelques barreaux qui la séparaient de l’étage supérieur et se dirigea tout aussi rapidement vers la passerelle. Elle y trouva son pilote qui, lorsqu’elle mit un pied sur le pont, se retourna :

— Bienvenue chez toi, Boss ! acclama-t-il, narquoisement. Et félicitations : votre plan, à toi et à Sarina, était nul !
— Pardon ? s’exclama Fry, ne saisissant pas de quoi lui parlait son timonier.

— Je parle pas de la raison… Mais franchement, tu aurais pu nous le dire.
— Et prendre le risque que tout le monde fasse front pour m’en empêcher ? Non. répondit Fry, agacée par le comportement de Tooms. J’ai préféré me sacrifier.

En manque d’arguments, le pilote se retourna et se plongea de nouveau dans sa console. Pourtant Tiana comprenait sa frustration et son amertume : pendant maintenant quatre ans, ils avaient combattu et travaillé ensemble, sans jamais la quitter ; et là, sur un coup de tête, elle avait choisi de se laisser capturer sans rien lui dire. Il en était bien évidemment blessé.

— Désolée. Mais tu as vu cette ordure qu’est Atlan et tu sais ce qu’il aurait été prêt à faire. Je pouvais pas prendre ce risque.

Le pilote émit un grognement désabusé et se mit à pianoter sur sa console. De son côté, Fry se disait qu’il serait temps de calmer les choses :

— Sinon, j’ai vu quelques changements dans le mess...

Le pilote eut un petit rire :

— Et encore, tu as rien vu. On a rajouté une armurerie ainsi qu’un canon sur la coque du vaisseau près des quartiers de Jack ; et non, on peut pas encore l’utiliser en intérieur ; il faut sortir sur la coque pour tirer. La serre hydroponique est fin prête, de même que l’infirmerie qui est terminée. On a même pu créer un laboratoire spécialement conçu pour les besoins de Sarina. On a même récupéré une navette...

Ne sachant pas quoi ajouter devant les révélations de Tooms, Tiana était complètement interdite. Après un instant de réflexion, elle s’inquiéta :

— Mais attends deux secondes… Tous les matériaux pour l’infirmerie viennent de Gamma Hydra III, et je sais que c’est le doc qui à payé. Mais pour le reste ...?
— On a dû faire preuve d’imagination et demander un peu d’aide à Vesha’Ah. Elle a presque la même passion que Mei pour l’ingénierie, tu sais. Et puis, il y a eu aussi Ethan et ses talents particuliers...

Mais déjà Tiana n’écoutait plus les explications de son second. Elle savait qu’au-dessus de chacun des membres de l’équipage planait une ombre : celle de ne jamais pouvoir faire se retrouver la conscience informatique de Sarina avec son corps synthétique. Mais heureusement pour chacun d’eux, un appel arriva à l’intercom : il s’agissait de Mei qui annonçait le début de l’opération de remise en marche :

— Boss, ça y est ! Nous sommes enfin parés à remettre Sarina dans son corps.

Les deux amis présents sur la passerelle se précipitèrent donc à l’arrière du vaisseau, là où le laboratoire cybernétique avait été installé. Cependant, ne connaissant pas le chemin, Fry laissa le pilote la guider. Il fallut bifurquer dans le couloir donnant sur la salle des machines et monter par un minuscule ascenseur. Aux dires de Tooms, celui-ci avait été bien plus pratique pour transporter le corps de Sarina ainsi que les caisses de matériel nécessaires à l’aménagement de la pièce en question.

Lorsque les deux amis arrivèrent enfin, ils remarquèrent que l’intégralité de l’équipage s’était réuni. Ainsi que la jeune Obolienne qui avait permis l’acquisition de la dernière pièce pour réparer Sarina.

— Je compte sur vous, mes amis. déclara cette dernière de sa voix désincarnée.
— Ça va, tu nous mets absolument pas la pression. répliqua Mei, presque cinglante.

Lorsqu’elle entra enfin, Tiana découvrit un laboratoire à la pointe de la technologie. De nombreux outils avaient spécialement été créés par la jeune Azrienne pour s’occuper de leur amie synthétique. Sur la table d'opération, le corps inanimé de Sarina était comme endormi. Près d’elle le bloc avait été relié aux systèmes primaires du Charon.

Comme des fourmis, Alistair, Vesha’Ah et Mei s'activaient au côté du corps inerte de la Synthétique. Bien qu’ayant les yeux pétillants à l’idée de travailler sur un tel ouvrage, les deux jeunes femmes avaient l'air très concentrées et ne disaient rien. Le médecin, quant à lui, semblait assez tendu. En effet, l'opération n'avait que deux issues possibles : la réussite du transfert ou la mort de l'esprit de la synthétique. La préparation durant plusieurs minutes, les deux frères de Sarina commencèrent à être tendus :

— Franchement, il font quoi ? s’exclama le timonier. Ça a pas pris autant de temps la dernière fois…
— Possible, mais il faut se dire que la situation actuelle est bien plus complexe. L’autre fois, Sarina était désactivée. Maintenant, il faut extraire son esprit du Charon pour l’intégrer dans un corps qu’il faudra réactiver au même moment. C’est chirurgical comme opération. répondit l’autre frère.

Intrigué de voir à quel point Ethan semblait renseigné sur le sujet, Ash ne put s’empêcher de plaisanter :

— Dis-moi, tu passerais pas bien trop de temps en salle des machines, toi, par hasard ?

Pour toute réponse, le jeune homme rougit, gêné d’avoir été ainsi percé à jour. Heureusement pour lui, Seilah se permit d’intervenir :

— Ash, laisse-le un peu. Au moins, cela montre qu’il s’est intégré.

Le pilote émit un petit rire, mais n’insista pas. Il se focalisa plutôt sur le corps inerte de sa soeur, maugréant dans sa barbe.

Soudain, voyant qu’ils ne pourraient pas travailler tranquilles, Alistair se détourna de son travail, chassa tout le monde de la pièce, ne gardant que les personnes nécessaires à la bonne marche de l’opération, et ferma la porte donnant accès au laboratoire.

À l’intérieur, Vesha’Ah rompit le silence pesant qui s’était installé :

— Franchement, pour une androïde, elle est super réaliste.
— Ce n’est pas une androïde, ma chère. C’est un être légèrement plus complexe. Autant un androïde sera conscient qu’il n’est pas humain et sera considéré comme un être robotique, ici, la différence est plus mince : selon les scanners, Sarina est composée d’un esprit humain alors que son squelette a une configuration synthétique. Même sa peau est composée d’une sorte de tissu régénératif qui à chaque fois qu’il est endommagé peut reprendre sa forme originelle.

La jeune Obolienne buvait les paroles du médecin tant celui-ci était passionné par le sujet et savait transmettre son amour du Savoir.

— D’accord. coupa Mei. Et maintenant qu’on sait tout ça, on pourrait peut-être s’y mettre, non ?

— En effet, ça serait une bonne idée. ajouta Sarina qui écoutait également la conversation.

La mécanicienne inspira profondément. Elle avait peur et cela se comprenait : un seul faux mouvement et c’était la mort d’une amie. Cependant, elle remarqua qu’Alistair et la ferrailleuse attendaient ses ordres :

— Bon, Sarina, je vais commencer par te déconnecter du Charon, d’accord ? Al’, avec Vesha’Ah, vous allez vous occuper de l’aspect physique du problème et connecter le bloc-mémoire au corps tandis que je vais m’occuper de vérifier si le transfert s’effectue bien. Et enfin on va terminer par la remise en marche de Sarina dans son ensemble quand on fera transiter la conscience directement dans son corps.

Les lèvres du médecin s’étirèrent en un mince sourire tandis que Vesha’Ah hochait la tête.

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